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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome48.djvu/281

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année 1772.

Dieu et des hommes, il chérit Dieu autant que Damilaville le haïssait. J’ai son manuscrit, il est cordial. Je voudrais savoir le nom de ce philosophe tondu.

M. le chevalier de Chastellux, qui devait être naturellement le seigneur de ce curé, fera ma félicité s’il veut bien vous dire tout ce qu’il sait sur cet honnête pasteur. Rendez-moi donc ces deux bons offices, qui pressent, et le tout pour le maintien de la bonne cause. Raton embrasse Bertrand de tout son cœur, et lui est bien attaché pour le reste de sa fichue vie.

8731. — DE M. D’ALEMBERT.
À Paris, ce 9 janvier.

Je me hâte, mon cher maître, de vous tirer d’inquiétude au sujet du plaisant non magis. N’ayez pas peur que ces cuistres y changent rien ; ils prétendent même qu’il est beaucoup plus latin de dire non magis Deo quam regibus, etc., que non minus regibus quam Deo, etc. : c’est-à-dire apparemment, selon cette canaille, que rien n’est plus latin que de dire tout le contraire de ce qu’on veut dire. Ils ont mieux fait ; ils ont signé eux-mêmes leur ineptie, en marquant bêtement la crainte qu’ils avaient qu’on ne les entendit à rebours. Coge pecus a écrit lui-même de sa main, au-dessous de la proposition latine, dans le programme imprimé, cette traduction « La prétendue philosophie de nos jours n’est pas moins ennemie du trône que de l’autel, » et j’ai sous les yeux un de ses programmes. Voilà une cascade de sottises qui donnera beau jeu aux rieurs, et que je recommande à votre belle humeur et à vos nuits blanches à force de rire. Tâchez pourtant, tout en riant, de dormir un peu.

J’ignore le nom du procureur et de l’avocat témoins des coups de bâton donnés au charmant Savatier. Mais le fait est certain, et Marin, de qui je l’ai appris, peut vous l’attester.

Au reste, la rapsodie[1] de ce polisson n’est pas son ouvrage ; il n’est là que comme le bouc émissaire, pour recevoir toutes les nasardes qu’on voudra lui donner. Cette infamie est l’ouvrage d’une société, et dans le sens le plus exact, car je suis bien informé que les jésuites y ont la plus grande part.

À propos de ces marauds-là, qui, par parenthèse, vont être détruits, malgré la belle défense que fait Ganganelli pour les conserver, vous ai-je dit ce que le roi de Prusse me mande dans une lettre du 8 de décembre ? « J’ai reçu un ambassadeur du général des ignatiens, qui me presse pour me déclarer ouvertement le protecteur de cet ordre. Je lui ai répondu que, lorsque Louis XV avait jugé à propos de supprimer le régiment de Fitz-James, je n’avais pas cru devoir intercéder pour ce corps, et que le pape

  1. Les Trois Siècles de la littérature, par Sabatier ; voyez tome VII, page 172 ; et XXIX, 280.