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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome48.djvu/298

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CORRESPONDANCE.

le succès des pièces nouvelles. Je ne compte que sur votre amitié, qui fait ma consolation.

8747. — À FRÉDÉRIC II, ROI DE PRUSSE.
À Ferney, le 1er février.

Sire, je vous ai remercié de votre porcelaine : le roi, mon maître, n’en a pas de plus belle : aussi ne m’en a-t-il point envoyé. Mais je vous remercie bien plus de ce que vous m’ôtez que je ne suis sensible à ce que vous me donnez. Vous me retranchez tout net neuf années dans votre dernière lettre[1] ; jamais notre contrôleur général n’a fait de si grands retranchements. Votre Majesté a la bonté de me faire compliment sur mon âge de soixante-dix ans. Voilà comme on trompe toujours les rois. J’en ai soixante-dix neuf, s’il vous plaît, et bientôt quatre-vingts. Ainsi je ne verrai point la destruction, que je souhaitais si passionnément, de ces vilains Turcs qui enferment les femmes, et qui ne cultivent point les beaux-arts.

Vous ne voulez donc point remplacer M. Thieriot, votre historiographe des cafés ? Il s’aquittait parfaitement de cette charge ; il savait par cœur le peu de bons et le grand nombre de mauvais vers qu’on faisait dans Paris ; c’était un homme bien nécessaire à l’État.


Vous n’avez donc plus dans Paris
De courtier de littérature ?
Vous renoncez aux beaux esprits,
À tous les immortels écrits
De l’almanach et du Mercure ?
L’in-folio ni la brochure
À vos yeux n’ont donc plus de prix ?
D’où vous vient tant d’indifférence ?
Vous soupçonnez que le bon temps
Est passé pour jamais en France,
Et que notre antique opulence
Aujourd’hui fait place en tous sens
Aux guenilles de l’indigence.
Ah ! jugez mieux de nos talents,
Et voyez quelle est notre aisance :
Nous sommes et riches et grands,
Mais c’est en fait d’extravagance.
J’ai même très-peu d’espérance

  1. Du 16 janvier, No 8736.