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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome48.djvu/303

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année 1772.

ne retrouveront plus leur cinquecento, comme nous ne reverrons plus le siècle de Louis XIV.

Je ne crois pas qu’il y ait dans toute l’Italie un homme capable de faire le livre de la Félicité publique. On dit qu’il y a quelques princes qui cherchent à mettre en pratique une partie de vos leçons. Je le souhaite, et je le crois même, si l’on veut. Heureusement ils sont forcés de se tenir en paix, par le peu de moyens qu’ils ont de faire la guerre.

Ce qui m’étonne de l’Italie, c’est que depuis deux cents ans qu’il y a des assemblées, des ridotti, il n’y ait point de société. C’est en quoi la France l’emporte sur l’univers entier. Je sais par Mme Denis qu’il y a autant de plaisir à vous entendre qu’à vous lire. C’est une consolation à laquelle je n’aurais osé prétendre dans la décrépitude où je suis. Mais, quoique très-indigne de votre conversation, j’en sentirai tout le prix comme si j’étais dans la force de l’age.

Comme l’espérance de vous voir, monsieur, ranime beaucoup mon misérable amour-propre, je ne veux pas que vous me méprisiez à un certain point, et que vous pensiez qu’une édition des Lois de Minos, faite par un libraire de Paris nommé Valade, soit de moi. Ma pièce est bien mauvaise ; mais celle de ce Valade est encore pire. Je suis un peu le bouc émissaire qu’on charge de tous les péchés du peuple. Que cela ne vous empêche pas de venir, en passant par Genève ou par la Suisse, voir un solitaire rempli pour vous de la plus haute estime et du plus tendre respect.

8752. — DE M. D’ALEMBERT.
À Paris, ce 1er février.

J’attends, mon cher maître, avec impatience, la diatribe de Raton-Belleguier[1], et je vous assure que Bertrand sent déjà de loin l’odeur des marrons, et qu’il a bien envie, non-seulement de les croquer, mais de les faire croquer à tous les Bertrands et Ratons ses confrères.

Bertrand-Condorcet demeure rue de Louis-le-Grand, vis-à-vis la rue d’Antin. Vous pouvez compter sur son zèle. Vous recevrez dans le courant du mois un ouvrage de sa façon, qui, je crois, ne vous déplaira pas. Ce sont les éloges des académiciens des sciences morts avant le commencement du siècle[2], et que Fontenelle avait laissés à faire. Vous y trouverez, si je ne

  1. Discours de M. Belleguier, tome XXIX, page 7.
  2. L’ouvrage est intitulé Éloges de quelques académiciens de l’Académie royale des sciences, morts depuis 1666 jusqu’à 1699, Paris, 1773, in-12. Ces éloges sont réimprimés dans les cinq volumes in-12, publiés en 1799.