de la Politique morale, dont ce jeune homme est l’auteur ; mais je lui rendrai tous les services qui dépendront de moi, quoiqu’il soit très-difficile de dire des choses neuves en morale, et peut-être dangereux d’en dire de vieilles en politique.
Il est vrai qu’il y a eu de grands politiques à l’âge de vingt-cinq ans mais ils n’imprimaient rien à cet âge sur le gouvernement.
Quoi qu’il en soit, si le jeune M. Mainissier est assez heureux pour penser et s’exprimer comme vous, il réussira. Je le trouve bien heureux d’avoir pu vous faire sa cour ; mon âge et ma fin prochaine ne me laissent pas espérer un tel bonheur.
Je suis avec le plus profond respect, monseigneur, de Votre Altesse royale, etc.
Vous savez que tous les princes ont des espions : j’en ai jusqu’au pied des Alpes, qui m’ont alarmé en m’apprenant les dangers dont vous avez été menacé. Je ne sais s’ils m’ont annoncé juste (car vous savez que les princes sont sujets à être trompés) ; mais ils soutiennent que votre mal est dégénéré en goutte : ce qui m’a doublement réjoui. Cette maladie, à votre âge, pronostique une longue vie, et je suis bien aise de vous associer à notre confrérie de goutteux.
Je vous fais des remerciements de la tragédie que vous m’avez envoyée[1]. Vous avez été frappé des évènements arrivés en Pologne et des révolutions de Suède ; et cela vous a fourni la matière d’un drame. Je crois que, si vous vouliez l’entreprendre, vous feriez, des nouvelles de gazettes, des sujets de tragédie.
Celle-ci est certainement très-nouvelle, et ne ressemble à aucun des sujets que les tragiques anciens ou modernes ont traités. Je ne vous répéterai point l’étonnement que j’ai de vous voir rajeunir dans un âge où notre espèce cesse d’être ; mais s’il est permis à un dilettante, ou, pour mieux nommer les choses par leur nom, à un ignorant comme moi, de vous exposer mes doutes, il me paraît que la mort d’un prêtre ne peut toucher personne ; et que si Asterie ou Teucer avaient péri par les complots des pontifes, on aurait été plus remué et plus attendri.
Vous qui possédez les secrets de ce grand art d’émouvoir, vous qui avez plus approfondi cette matière qu’un dilettante tel que je suis, vous avez eu sans doute des raisons de préférer le dénoûment qui se trouve dans la pièce à celui que je propose.
- ↑ Les Lois de Minos.