gronde point Raton ; que Bertrand au contraire encourage Raton à s’endurcir les pattes sur la cendre chaude ; que plusieurs Bertrands et plusieurs Ratons fassent un petit bataillon carré bien serré et bien uni.
Ce que Mme Denis veut vous dire, madame, c’est que M. le maréchal de Richelieu, votre ami, vient de m’affliger d’une manière bien sensible pour un cœur qui lui est si tendrement attaché depuis plus de cinquante ans. Il m’accable d’abord de bontés au sujet des Lois de Minos : il n’a jamais été si empressé avec moi ; et le moment d’après il m’accable de dégoûts, il me traite comme ses maîtresses. Voici le fait dans la chaleur de nos tendresses renaissantes, je lui dédie les Lois de Minos, et je me livre dans cette dédicace à toute ma passion pour lui ; il me promet et me donne sa parole d’honneur qu’il fera représenter les Lois de Minos à Fontainebleau, au mariage de M. le comte d’Artois. Sur cette parole, je retire la pièce des mains des comédiens qui allaient la jouer, et je n’ai de confiance qu’en ses bontés.
Quelque temps après, Lekain vient lui présenter la liste des pièces qu’on doit donner à Fontainebleau ; il met dans cette liste plusieurs de mes pièces, et surtout les Lois de Minos. Monsieur le maréchal les raye toutes[1], et substitue à leur place le Catilina de Crébillon, et je ne sais quelles autres pièces barbares. Voilà ce qu’on me mande, et ce que j’ai peine à croire ; je l’aime et je le respecte trop pour croire qu’il en ait usé ainsi avec moi, dans le temps même qu’il me prodiguait les marques les plus flatteuses de l’amitié dont il m’a honoré depuis si longtemps.
Nous avons recours, ma nièce et moi, madame, à celle qui connaît si bien le prix de l’amitié, à celle dont la bienveillance et l’équité sont si actives, à celle qui a tiré notre ami Racle du profond bourbier où il était plongé, à celle qui n’entreprend rien dont elle ne vienne à bout. Vous allez à la chasse des perdrix ; allez à la chasse de M. de Richelieu trouvez-le, parlez-lui, faites-le rougir, s’il est coupable ; faites-le rentrer en lui-même, ramenez-moi mon infidèle. Il n’appartient qu’à vous de faire de tels miracles. Vous connaissez ma position : cette petite aventure
- ↑ Voyez le second alinéa de la lettre 8840.