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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome48.djvu/418

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CORRESPONDANCE.

sommes considérables, sans être secouru d’un denier par le ministère. J’ai vaincu cent obstacles, j’ai tout fait, j’ai tout combattu, et je combats encore. Vous connaissez monsieur l’envoyé de Gênes, il est votre ami. Les artistes auxquels le marquis a fait banqueroute s’appellent Servand et Boursault : ce sont deux très-honnêtes gens, ils sont pères de famille, ils méritent votre protection.

J’ai écrit à M. Boyer[1], ministre du roi à Gênes. Je n’ose fatiguer M. le duc d’Aiguillon de cette affaire particulière ; il est assez occupé de celles du Nord ; mais je voudrais savoir quel est le premier commis qui a la correspondance de Gênes ; je lui demanderais une recommandation auprès de M. Boyer, et je lui enverrais un mémoire détaillé sur cette banqueroute, qui est certainement frauduleuse.

Je vous jure que la santé de Mme d’Argental m’intéresse plus que cette banqueroute : cela est tout simple ; la santé est préférable à des montres et à des diamants. Je mourrai bientôt ; mais je travaille jusqu’au dernier moment ; je fais des vers et de la prose, bien ou mal ; je bâtis une espèce de ville florissante, où il n’y avait qu’un hameau abominable ; je sème du blé dans des terres qui n’avaient point été cultivées depuis la création ; je fais travailler trois cents artistes ; je suis persécuté et honni ; je vous aime très-tendrement : voilà un compte exact de mon existence.

8875. — DE CATHERINE II[2],
impératrice de russie.
À Peterhof, ce 19-30 juin 1773.

Monsieur, je prends la plume pour vous donner avis que le maréchal Roumiantsof a passé le Danube avec son armée le 11 de juin, v. st. Le général baron Weissmann lui nettoya le chemin le premier en culbutant un corps de douze mille Turcs. Les lieutenants généraux Stoupichine et Potemkine en firent autant de leur côté. Ceux-ci pouvaient avoir affaire à dix-huit ou vingt mille musulmans, dont ils envoyèrent bon nombre dans l’autre monde, pour en porter la nouvelle à ces dames polies[3] de la part desquelles vous m’avez dit tant de choses flatteuses après les cinquante-deux accès de fièvre dont vous vous êtes aussi heureusement tiré que le pourrait faire un jeune homme de vingt ans, à mon très-grand contentement.

  1. Cette lettre manque.
  2. Collection de Documents, Mémoires et Correspondances, relatifs à l’histoire de l’empire de Russie, tome XV, page 343.
  3. Voyez lettre 8791.