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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome48.djvu/457

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année 1772.

prends son parti que parce que je suis attaché mille fois davantage à la vérité. Je ne vous sollicite point ; je vous dis seulement : Voyez, je m’en rapporte à vous.

Si on pouvait espérer de ramener d’Hornoy à ses vrais intérêts, je me joindrais à vous ; je ferais le voyage, tout mourant que je suis. On pourrait lui procurer un établissement bien honorable ; mais je vous embrasse de tout mon cœur.

8918. — À M. DE SAINT-LAMBERT.
À Ferney, 1er septembre.

Je reçois de vous, monsieur, deux beaux présents à la fois ; il est vrai que je les reçois tard. C’est la cinquième édition du très-beau poëme des Saisons, avec une de vos lettres ; elle est du 12 de mai, et nous sommes au mois de septembre. Le paquet est resté environ quatre mois à Lyon dans les mains des commis. Le poëme des Saisons ne restera jamais si longtemps chez les libraires.

Je trouve à l’ouverture du livre, page 104 :


J’entends de loin les cris d’un peuple infortuné
Qui court le thyrse en main, de pampre couronné, etc.


Les premières éditions portaient d’un peuple fortuné. Vous seriez-vous ravisé cette fois-ci ? voudriez-vous dire qu’un peuple infortuné, chargé de corvées et d’impôts, ne laisse pas pourtant de s’enivrer, de danser et de rire ? Cette seconde leçon vaudrait bien la première ; mais, en ce cas, il eut fallu exprimer que la vendange fait oublier la misère, et addit cornua pauperi : j’aime mieux croire que c’est une faute d’impression[1].

J’ignore si vous avez reçu les Lois de Minos. Vous vous doutez bien dans quel esprit j’ai fait cette rapsodie ; il ne faut jamais perdre de vue le grand objet de rendre la superstition exécrable. J’aurais dû y mettre un peu plus de vim tragicam[2] : mais un malade de quatre-vingts ans ne peut rien faire de ce qu’il voudrait en aucun genre.

  1. Ce n’était en effet qu’une faute d’impression ; dans les autres éditions du poëme des Saisons, chant III. vers 13, on lit :

    J’entends de loin les cris d’un peuple fortuné.

  2. Allusion au vis comica dont parle César dans les vers rapportés tome XXVI, page 114.