mauvais service à l’auteur et aux sages en le faisant imprimer ; il n’y a pas le sens commun.
Adieu, monsieur ; il faut que je vous prie, avant de mourir, d’ajouter un jour à vos Saisons, dans quelque nouvelle édition, l’image d’un vieux fou de poëte mangeant, dans sa chaumière assez belle, le pain dont il a semé le blé dans des landes qui n’en avaient jamais porté depuis la création, et établissant une colonie très-utile et très-florissante dans un hameau abominable, où il n’y avait d’autre colonie que celle de la vermine. Cela vaut mieux que les Lois de Minos : ce sont vos leçons que je mets en pratique. Je suis votre vieil écolier, votre admirateur, et votre ami hasta la muerte.
Je suis plus heureux, mon cher ami, en odes qu’en ombres. Jamais l’Ombre de Duclos[1] ne m’a apparu ; mais j’ai vu avec grand plaisir le fantôme du cap de Bonne-Espérance[2], plus majestueux et plus terrible dans vous que dans Camoëns. Vous faites frémir le lecteur sur les dangers de la navigation, et le moment d’après vous lui donnez envie de s’embarquer.
Pectus inaniter angis[3].
Le grand point est de remuer l’âme en l’étonnant. Rien n’est plus difficile aujourd’hui que le public ; fatigué des arts véritables, il court à l’Opéra-Comique et aux marionnettes.
J’ai vu M. de Schomberg ; il vous aime, il connaît votre mérite.
Quel est donc ce M. André[4] qui embrasse et qui félicite son vainqueur avec un si grand air de vérité ? Si tous ceux que vous surpassez vous embrassaient, vous seriez las de baisers. Je ne sais si M. André est l’Homme aux quarante écus[5] : il m’a envoyé son
- ↑ Titre d’une satire de La Harpe.
- ↑ Dans l’Ode sur la navigation, pièce de La Harpe, qui venait d’être couronnée par l’Académie française.
- ↑ Horace, livre II, épître i, vers 211.
- ↑ Ce doit être P.-N. André, connu sous le nom de Murville ; né en 1754, il est mort vers 1815. Il avait envoyé au concours du prix de poésie une Épître d’un jeune poète à un jeune guerrier, 1773, in-8o.
- ↑ Voyez tome XXI, pages 357 et suiv.