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Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome48.djvu/461

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année 1772.

cipal mérite à mes yeux, jusqu’à présent, était d’avoir rendu justice au vôtre. Je ne connaissais pas ses grands talents, et la raison en est que je n’avais eu presque jamais l’honneur de le voir.

Je lui sais bien bon gré d’avoir un peu prêché les économistes et les athées. Il y a, sous le gouvernement de Dieu, du bien et du mal, comme il y en avait en France sous l’administration de J.-B. Colbert ; mais cela n’empêche pas qu’on ne doive adorer Dieu et estimer beaucoup J.-B. Colbert.

Nous autres, qui connaissons le prix du blé, et qui le payons encore trente francs le setier, après la récolte la plus abondante, nous savons que Jean-Baptiste était très-avisé de tenir continuellement la main à l’exportation, et nous ne l’appelons point un esprit mercantile comme messieurs les économistes l’ont nommé.

Quant à feu la compagnie des Indes, je vois, madame, que je me suis mépris ; nous avons, quelques Genevois et moi, envoyé un vaisseau au Bengale. Vous me faites trembler pour notre entreprise. Mais, dans les derniers temps de la Compagnie, on ne tremblait pas, on pleurait. Pour moi, je rirai encore, si les cinquante-neuf personnes qui sont sur notre vaisseau mangent tout notre argent et se moquent de nous, comme il y a très-grande apparence. Plus on est vieux et malade, plus il faut vivre ; la décrépitude est trop triste.

Nous présentons, Mme Denis et moi, nos très-humbles respects à M. et Mme Necker, et c’est du fond de notre cœur.

8921. — À M. BORDES.
3 septembre.

Mon cher confrère, je ne doute pas que vous n’ayez instruit M. de Saint-Lambert de l’empressement de messieurs les commis de la douane à vous remettre votre paquet au bout de trois mois. Le proverbe : Il vaut mieux tard que jamais, n’a pas encore été mieux appliqué.

Je ne connais point cette Histoire des Deux-Indes[1], dans laquelle vous dites qu’on a tant prodigué l’enthousiasme. Y a-t-il un livre nouveau intitulé l’Histoire des Deux-Indes ? ou entendez-vous par là le fatras du jésuite Catrou sur l’Indoustan et les impertinences du jésuite Lafiteau sur l’Amérique ?

  1. Dans sa lettre à Condorcet, du 11 mai 1772 (No 8540), Voltaire dit qu’il va faire venir l’Histoire de l’établissement du commerce dans les deux Indes.