Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome9.djvu/248

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Et frappe au cou son vainqueur bienfaisant :
Mais une maille en cet endroit entière
Fit émousser la pointe meurtrière.
Dunois alors cria : " Tu veux mourir ;
Meurs, scélérat. " Et, sans plus discourir,
Il vous lui plonge, avec peu de scrupule,
Son fer sanglant devers la clavicule.
Chandos mourant, se débattant en vain,
Disait encor tout bas : " Fils de putain ! "
Son cœur altier, inhumain, sanguinaire,
Jusques au bout garda son caractère.
Ses yeux, son front, plein d’une sombre horreur,
Son geste encore, menaçaient son vainqueur.
Son âme impie, inflexible, implacable,
Dans les enfers alla braver le diable.
Ainsi finit comme il avait vécu,
Ce dur Anglais, par un Français vaincu.



Le beau Dunois ne prit point sa dépouille :
Il dédaignait ces usages honteux,
Trop établis chez les Grecs trop fameux.
Tout occupé de son cher La Trimouille,
Il le ramène, et deux fois son secours
De Dorothée ainsi sauva les jours.
Dans le chemin elle soutient encore
Son tendre amant, qui, de ses mains pressé,
Semble revivre, et n’être plus blessé
Que de l’éclat de ces yeux qu’il adore ;
Il les regarde, et reprend sa vigueur.
Sa belle amante, au sein de la douleur,
Sentit alors le doux plaisir renaître :
Les agréments d’un sourire enchanteur
Parmi ses pleurs commençaient à paraître ;
Ainsi qu’on voit un nuage éclairé
Des doux rayons d’un soleil tempéré.



Le roi gaulois, sa maîtresse charmante,
L’illustre Jeanne, embrassent tour à tour
L’heureux Dunois, dont la main triomphante
Avait vengé son pays et l’Amour.
On admirait surtout sa modestie
Dans son maintien, dans chaque repartie.
Il est aisé, mais il est beau pourtant,
D’être modeste alors que l’on est grand.