Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome9.djvu/326

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Silène[1] et moi nous sommes plus connus
Que tous les grands qui suivirent Bacchus.
C’est mon nom seul, ma vertu signalée,
Qui fit depuis tout l’honneur d’Apulée[2].



" Enfin là-haut, dans ces plaines d’azur,
Lorsque saint George, à vos Français si dur,
Ce fier saint George, aimant toujours la guerre,
Voulut avoir un coursier d’Angleterre ;
Quand saint Martin, fameux par son manteau[3],
Obtint encore un cheval assez beau ;
Monsieur Denys, qui fait comme eux figure,
Voulut, comme eux, avoir une monture :
Il me choisit, près de lui m’appela ;
Il me fit don de deux brillantes ailes ;
Je pris mon vol aux voûtes éternelles ;
Du grand saint Roch[4] le chien me festoya ;
J’eus pour ami le porc de saint Antoine,
Céleste porc, emblème de tout moine ;
D’étrilles d’or mon maître m’étrilla ;
Je fus nourri de nectar, d’ambroisie :
Mais, ô ma Jeanne ! une si belle, vie
N’approche pas du plaisir que je sens
Au doux aspect de vos charmes puissants.
Le chien, le porc, et George, et Denys même,
Ne valent pas votre beauté suprême.
Croyez surtout que de tous les emplois
Où m’éleva mon étoile bénigne,
Le plus heureux, le plus selon mon choix,
Et dont je suis peut-être le plus digne,

  1. C'est l'âne de Silène, qui est assez connu; on tient qu'il servit le trompette. (Note de Voltaire, 1762.)
  2. L'âne d'Apulée ne parla point; il ne put jamais prononcer quee oh et non : mais il eut une bonne fortune avec une dame, comme on peut le voir dans l’Apuleius en deux volumes in-4o « cum notis, ad usum Delphini ». Au reste, on attribua de tout temps les mêmes sentiments aux bêtes qu'aux hommes. Les chevaux pleurent dans l'Iliade et dans l'Odyssée ; les bêtes parlent dans Pilpay, dans Lokman, et dans Ésope, etc. (Id., 1762.)
  3. Les hérétiques doivent savoir que le diable, demandant l'aumône à Martin, ce Martin qui donna la moitié de son manteau. [Id., 1773.)
  4. Saint Roch, qui guérit de la peste, est toujours peint avec un chien ; et saint Antoine est toujours suivi d'un cochon. (Id., 1762.) — Tous les bons chrétiens connaissent l'aigle de saint Jean, le bœuf de saint Luc et les autres bêtes du paradis. (K.)