Page:Wash Irving voyage dans les prairies.djvu/164

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complète immobilité, il avait plutôt l’air d’une statue que d’un homme. Cependant, si le cheval manifestait la moindre velléité de résistance, Beatte lui faisait sentir à l’instant son pouvoir en le tiraillant d’abord d’un côté, puis de l’autre, par le lariat, comme s’il eût voulu le jeter à terre. Quand il l’avait ainsi dominé quelques instans, il reprenait son attitude de statue, et le regardait en silence.

L’ensemble de la scène était singulièrement frappant. Les grands arbres illuminés partiellement par les feux de camp, les chevaux paissant çà et là dans le bosquet, les pièces de gibier suspendues aux branches, et, au milieu de ces objets agrestes, le chasseur sauvage et sa prise sauvage entourés d’une foule d’admirateurs non moins sauvages, les acteurs, le théâtre, les accessoires, tout était dans une parfaite harmonie. Plusieurs jeunes cavaliers, dans la première ferveur de leur enthousiasme, cherchèrent à obtenir le cheval par échange ou autrement ; ils en offraient même des prix extravagans. Mais Beatte repoussa toutes leurs propositions. « Vous offrez grands prix maintenant, disait-il, et demain vous serez fâchés de votre marché, et vous direz : Damné Indien ! »