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VOYAGE DANS LES PRAIRIES

Dans ce voisinage, Pierre Beatte avait sa petite ferme, sa femme indienne, et ses enfans, aux trois quarts indiens. Il aidait M. Requa dans ses efforts pour civiliser les Osages et améliorer leur condition. Beatte avait été élevé dans la religion catholique, et restait inébranlable dans sa foi. Il ne pouvait pas prier avec M. Requa, disait-il ; mais il pouvait travailler avec lui, et il montrait beaucoup de zèle pour ce qui devait tourner à l’avantage de ses parens et de ses voisins sauvages. En effet, bien que fils d’un Français et élevé parmi les blancs, il tenait beaucoup plus de l’Indien que de la race d’Europe, et ses affections penchaient vers la nation de sa mère. Quand il me parlait des insultes, des injustices souffertes par les malheureux Indiens dans leur commerce avec les grossiers planteurs de la frontière ; quand il me décrivait l’état précaire, dégradé de la tribu des Osages, diminuée de nombre, abattue d’esprit, vivant presque par grâce sur la terre où jadis elle jouait un rôle héroïque, je voyais ses veines se gonfler et ses narines se dilater d’indignation. Mais il réprimait ce sentiment avec cet empire sur soi-même commun aux Indiens, et le refoulait pour ainsi dire au fond de son cœur.