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VOYAGE DANS LES PRAIRIES

sous la même tente avec mi docteur, et s’était aperçu que ce docteur avait dans son bagage un crâne de Pawnie. Il abandonna sur-le-champ le docteur, la tente et toute la compagnie. « Il tâcha de me flagorner, de me séduire, disait Beatte ; mais je dis : Non ! il faut nous séparer ; je ne reste pas en pareille société. « 

Dans son abattement momentané, Beatte se livrait aux idées superstitieuses de présages, si communes parmi les Indiens. Il était resté quelque temps assis, la joue appuyée sur sa main, regardant le feu. Je l’interrogeai, et je trouvai que ses pensées se reportaient à son humble demeure, sur les rives du Neosho. Il était sûr, disait-il, qu’il trouverait quelqu’un de sa famille malade ou mort à son retour ; depuis deux jours son œil gauche éprouvait un picotement, et c’était le signe de quelque malheur de ce genre. Telles sont les circonstances triviales qui, décorées de la dignité de présages, ébranlent les âmes de ces hommes de fer. Le moindre de ces signes d’augure sinistre suffit pour détourner un chasseur ou un guerrier de son chemin, et remplit son esprit d’appréhensions. C’est ce penchant à la superstition, commun à tous les sauvages et solitaires habitans des déserts, qui donne une si