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Page:Wash Irving voyage dans les prairies.djvu/297

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chère. L’eau leur venait positivement à la bouche en se figurant ces festins délicieux.

Cependant une nuit presque de famine termina une fatigante journée. Nous campâmes sur le bord d’un ruisseau tributaire de l’Arkansas, au milieu des ruines d’un bois superbe qu’un ouragan avait dévasté. Le tourbillon avait traversé la forêt en colonne étroite, et marqué son cours par des arbres énormes fendus, dépouillés ou déracinés. On les voyait gisant de tous côtés, comme des roseaux fragiles arrachés et brisés par le chasseur.

Il ne nous manquait pas de bois sans avoir à faire usage de la hache. D’immenses feux éclairèrent en un moment toute la forêt ; mais, hélas ! nous n’avions rien à faire cuire à ces beaux foyers. La disette du camp allait jusqu’à la famine. Heureux celui qui possédait un morceau de viande séchée, ou seulement les os du précédent repas ! Quant à nous, notre table était mieux approvisionnée que celle de nos voisins, un de nos hommes ayant tué un dindon. Nous n’avions, il est vrai, ni pain ni sel. On le fit simplement bouillir dans de l’eau, et cette eau nous servit de soupe. Il fallait nous voir frotter chaque morceau de dindon sur le sac vide qui avait contenu