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Page:Wash Irving voyage dans les prairies.djvu/85

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À L’OUEST DES ÉTATS-UNIS

bigarré, avait ameuté contre lui tous les plaisans de la troupe, qui s’amusaient à ses dépens d’une façon assez incivile ; mais la vanité du petit varlet était inébranlable, et tous les quolibets du monde ne l’auraient pas fait baisser d’une ligne. Quant à moi, je l’avoue, je me sentais un peu honteux de la pauvre figure que faisaient nos suivans parmi ces déterminés de la frontière, et notre équipement était aussi, pour eux, un sujet de moqueries ; ils en voulaient surtout aux fusils de chasse à deux coups que nous avions pris pour le petit gibier. Or les garçons de l’ouest ont un souverain mépris pour les petits coups (c’est ainsi qu’ils appellent les perdrix, les corneilles et même les dindons sauvages), et la longue carabine est à leurs yeux la seule arme digne d’un chasseur.

Je fus éveillé le lendemain, avant le jour, par le hurlement lamentable d’un loup qui rôdait autour du camp, attiré par l’odeur de la venaison. À peine la première ligne grisâtre de l’aurore se montra qu’un jeune gaillard sortit d’une des cahutes, se mit à contrefaire le coq en perçant les airs de cadences claires et prolongées qui auraient fait envie à un sultan de basse-cour. On lui répondit sur le même ton, comme si c’eût