Page:Whitman - Feuilles d’herbe, trad. Bazalgette.djvu/56

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De ce qui vous tire et entraîne, ce que je suis reste en dehors,
Reste amusé, satisfait, compatissant, oisif, un,
Regarde de haut en bas, se tient droit, ou pose le bras sur un appui certain quoique impalpable,
Regardant curieux, tête penchée de côté, ce qui va venir ensuite,
À la fois mêlé au jeu et hors du jeu, l’observant et s’émerveillant.

Je vois en arrière le temps ou moi-même je m’échinais dans le brouillard avec verbeux et disputeurs,
Je n’ai nulles moqueries ni objections, j’observe et attends.


5


Je crois en toi, mon âme, l’autre que je suis ne doit pas s’abaisser devant toi,
Et tu ne dois pas t’abaisser devant l’autre.

Paresse avec moi sur l’herbe, délivre ta gorge de ce qui la barre,
Ce ne sont ni mots, ni musique, ni rimes qu’il me faut, ni conventions ni conférences, pas même les meilleurs,
Uniquement le bercement que j’aime, le murmure de ta voix lingulée.

Je songe comme nous étions couchés un matin d’été si limpide,
Comme tu as posé ta tête en travers de mes hanches et t’es doucement retournée vers moi,
Et as écarté la chemise de sur ma poitrine et dardé ta langue jusqu’à mon cœur mis à nu,