Page:Whitman - Feuilles d’herbe, trad. Bazalgette.djvu/57

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Et t’es allongée jusqu’à toucher ma barbe et allongée jusqu’à tenir mes pieds.

Aussitôt jaillirent et se répandirent sur moi la paix et le savoir qui passent tous les arguments de la terre,
Et je sais que la main de Dieu est la promesse de la mienne,
Et je sais que l’esprit de Dieu est le frère du mien,
Et que tous les hommes qui naquirent jamais sont aussi mes frères, et les femmes mes sœurs et amies,
Et que la contrequille de la création est l’amour,
Et qu’à l’infini sont les feuilles, droites ou retombantes dans les champs,
Et les fourmis brunes dans les petits puits sous l’herbe,
Et les croûtes moussues de la clôture en zigzag, les tas de pierres, le sureau, la molène et la morelle en grappe.


6


Un enfant m’a dit Qu’est-ce que l’herbe ? en m’en apportant plein les mains ;
Que pouvais-je répondre à cet enfant ? Pas plus que lui je ne sais ce que c’est.

Je suppose qu’elle doit être l’emblème de mon naturel, tissu d’une verte étoffe d’espoir.

Ou je suppose que c’est le mouchoir du Seigneur,
Un odorant cadeau, un souvenir qu’il a laissé tomber à dessein,
Portant le nom du propriétaire en quelque sorte dans les coins afin que nous puissions le voir et le remarquer et dire À qui ?