Page:Whitman - Feuilles d’herbe, trad. Bazalgette.djvu/58

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Ou je suppose que l’herbe est elle-même un enfant, le bambin issu de la végétation.

Ou je suppose qu’elle est un uniforme hiéroglyphique,
Et signifie, Je pousse également dans les larges zones et les zones étroites,
Je grandis parmi les noirs comme parmi les blancs,
Canaque, Truffe, Parlementaire, Moricaud, je leur donne pareillement, je les accueille pareillement.

Et à présent il me semble qu’elle est la magnifique chevelure en broussaille des tombes.

Je te traiterai tendrement, herbe bouclée,
Il se peut que tu suintes de la poitrine des jeunes hommes,
Il se peut que si je les avais connus je les eusse chéris,
Il se peut que tu sortes de vieilles gens, ou d’enfants arrachés prématurément du giron de leur mère,
Et voici que tu es le giron des mères.

Cette herbe est bien foncée pour venir de la tête blanche des aïeules,
Plus foncée que la barbe décolorée des vieillards,
Foncée pour sortir de dessous le palais rouge pâle des bouches.

Oh ! je perçois finalement tant de langues qui parlent,
Et je m’aperçois qu’elles ne viennent pas du palais des bouches pour rien.

Je voudrais pouvoir traduire ces demi-mots touchant les jeunes hommes morts et les jeunes femmes mortes,