Page:Whitman - Feuilles d’herbe, trad. Bazalgette.djvu/70

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

La jeune femme depuis un an mariée se remet, heureuse d’avoir, la semaine passée, mis au monde son premier né,
La jeune Yankee aux cheveux nets travaille devant sa ma­chine à coudre ou à la fabrique ou l’usine,
Le paveur s’appuie sur les deux bras de sa demoiselle, le crayon du reporter court hâtivement sur le carnet, le peintre d’enseignes dessine des lettres en bleu et or,
Le charretier de bateaux trotte sur le chemin de halage, le comptable calcule à son pupitre, le cordonnier enduit son fil de poix,
Le chef bat la mesure pour l’orchestre et tous les musiciens le suivent,
L’enfant est baptisé, le converti fait sa première profession de foi,
Les régates se déploient sur la baie, la course est commen­cée (comme les voiles blanches étincellent !),
Le bouvier en surveillant son troupeau jette un cri à ceux qui voudraient s’écarter,
Le colporteur sue, sa balle sur le dos (l’acheteur barguigne pour un sou de trop) ;
La mariée défroisse sa robe blanche, l’aiguille des minutes bouge lentement sur le cadran de l’horloge,
Le fumeur d’opium s’étend tête rigide et lèvres entrou­vertes,
La prostituée laisse traîner son châle à terre, son chapeau pendille sur son cou bourgeonné d’ivrognesse,
La foule rit de ses jurons canailles, les hommes s’en gaussent et se font signe de l’œil les uns aux autres,
(Malheureuse ! ce n’est pas moi qui ris de tes jurons ni me gausse de toi) ;
Le Président tient un conseil de cabinet entouré des grands ministres,