Page:Whitman - Feuilles d’herbe, trad. Bazalgette.djvu/79

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Serre-toi contre moi, nuit au sein nu — serre-toi bien fort, nuit magnétique et nourrissante !
Nuit des vents du sud — nuit des grands astres !
Nuit silencieuse qui me fait signe — nuit d’été folle et nue.

Souris, ô terre voluptueuse à la fraîche haleine !
Terre des arbres ensommeillés et vaporeux !
Terre du soleil disparu — terre des montagnes enfaîtées de brume !
Terre du ruissellement vitreux de la pleine lune à peine teinté de bleu !
Terre des rayons et ombres marbrant les flots de la Rivière !
Terre du gris limpide des nuages, plus brillant et plus clair pour l’amour de moi !
Terre arrondie qui défile jusqu’au lointain — terre riche de pommiers en fleurs !
Souris, car ton amant approche.

Prodigue, tu m’as donné ton amour — c’est pourquoi je te donne mon amour !
Ô amour indicible et passionné.

22


Toi, mer ! à toi aussi je m’abandonne — je devine ce que tu veux me dire,
Je regarde de la plage tes doigts recourbés qui m’invitent,
Je crois que tu refuses de t’en retourner sans m’avoir tou­ché,
Il faut que nous fassions un tour ensemble, je me dévêts, emporte-moi vite et que je perde de vue la terre,
Reçois-moi sur tes coussins moelleux, assoupis-moi de tes vagues berceuses,