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la patricienne

la vive rougeur que le nom de Jean venait de faire monter à ses joues. Mais, à la nouvelle qu’apportait le télégramme, elle pâlit. Ainsi, il ne manifestait aucune hâte de revenir, c’est lui-même qui demandait de rester. Eh bien, soit ! murmura-t-elle, disant les mêmes mots que le précepteur allait répéter dans son village natal, lorsqu’il prendrait connaissance de la réponse laconique de Dougaldine.

Celle-ci, en effet, autant par colère que pour montrer la belle indifférence qu’elle croyait lui témoigner, avait griffonné fiévreusement cette dépêche sans signature qui avait si intimement froissé le docteur. Et, cependant, cette fois, elle n’avait plus de doute sur la nature de ses sentiments. Avec effroi elle constata l’état de son cœur et reconnut la nécessité de détruire le ferme fatal d’une passion déjà vibrante.

L’arrivée de ses amies répandit quelque distraction dans la monotonie de Beau-Port et la fortifia dans sa suprême résolution. Elle vit plus distinctement la basse origine de l’absent. Non, jamais, elle n’eût trouvé le courage de dire :

— Mes amies, j’ai une grande nouvelle à vous annoncer. Je suis fiancée au docteur Almeneur, le précepteur de mon frère.

Quand cette pensée jaillissait tout à coup au milieu de ses rêveries, un long frisson lui courait par tout le corps. Elle sentait, la pauvre fille, qu’avant de faire un tel aveu, elle aimerait mieux disparaître dans les abîmes du lac. Toutefois, une douleur sans nom, un chagrin violent lui enserrait alors le cœur, empoisonnait son âme, comme si, en ces mots : c’est