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la patricienne

ne la sauverait-il point ? Elle allait l’aimer, certainement. Et elle ajoutait :

— Tout peut encore se terminer heureusement, si je parviens à étouffer, grâce à l’affection que j’aurai pour de Rosenwelt, le fatal amour que l’autre m’a inspiré.

Ce ne fut donc pas par coquetterie que Mlle Fininger se rapprocha de Max. Elle obéissait à la même frayeur qui saisit l’homme qu’emportent les vagues : il s’attache désespérément à la branche de saule que rencontre sa main crispée. Pour lutter avec quelque chance de succès, il fallait qu’elle chassât de son âme jusqu’au souvenir du docteur, à qui elle ne voulait plus songer. Le remède était énergique et devait avoir un résultat souverain : il n’y avait plus qu’à en prescrire l’emploi. Un autre amour, un amour permis, loyal et partagé, qui ne l’obligerait pas à descendre du rang qu’elle occupait dans le monde, était maintenant seul capable de la protéger contre le docteur Almeneur.

Dougaldine se précipita dans cette nouvelle voie en toute sincérité. Elle ne vit plus que les qualités de Max de Rosenwell et ne s’arrêta pas à ses défauts. Avec quelque énergie, elle espérait bien rompre la chaîne invisible qui la liait à cette autre figure d’homme, dont les yeux doux, parfois attirants, avaient pénétré jusqu’au plus profond de son être. Hélas ! Malgré son bon sens et sa raison, Dougaldine ne pouvait pas savoir que dans ces questions de sentiments, le plus intelligent, celui qui se croit le plus maître de soi, commet souvent des erreurs plus grossières que l’homme qui se laisse mener par