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la patricienne

la passion ou que celui dont le jugement est moins développé.

Car, dès que Jean lut de retour à Beau-Port, involontairement Dougaldine compliqua son jeu. Elle devint réellement coquette, elle qui ne l’avait jamais été. Elle essayait bien, il est vrai, de combattre l’inclination qu’elle avait pour le docteur, puisqu’elle acceptait, encourageait même les compliments et les galanteries de Max de Rosenwelt. Mais quelles ruses savantes elle déploya dans ses rapports avec les deux jeunes gens ! À la dérobée et sans qu’on pût lui en faire le plus petit reproche, Dougaldine étudiait la contenance de Jean quand elle souriait aux belles phrases creuses de l’étranger. Parfois, elle eût été embarrassée de dire si elle accordait une faveur à de Rosenwelt pour se défendre contre Jean Almeneur ; ou bien si elle accueillait les déclarations déguisées, mais évidentes du premier pour exciter la jalousie du second, dont elle redoutait et souhaitait à la fois l’explosion passionnée.

Le docteur n’entretint pas beaucoup de relations avec la sœur de son élève pendant tout le temps que les amies de Dougaldine séjournèrent à Beau-Port. Ces demoiselles, très fières de leurs noms et de leurs aïeux, formaient une sorte de garde du corps autour de Mlle Fininger. On prenait bien les repas en commun ; mais il n’y régnait pas toujours la gaieté. Jean paraissait souvent gêné, en dépit de sa mâle franchise ; Dougaldine restait parfois silencieuse ou bien éclatait en paroles piquantes, que ponctuaient des rires forcés.

Le samedi soir, comme il en avait l’habitude, M. Fininger était arrivé. Sa présence suffit pour animer