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la patricienne

la conversation. Mais, on ne s’occupait que de choses banales qui avaient la précieuse qualité de n’inquiéter personne.

Cependant, s’il avait eu quelque audace — ce qui ne déplaît jamais aux femmes, à quelque monde quelles appartiennent — le précepteur d’Amédée eût assurément rencontré, à tout le moins, un succès d’estime et de curiosité. Il n’aurait eu qu’à faire un brin de cour à ces jolies patriciennes. Elles l’auraient évidemment maintenu à une distance respectable ; mais elles eussent sans doute trouvé un vif plaisir à ses attentions, surtout Charlotte, dont les grands yeux gris, quand ils s’arrêtaient sur le visage du docteur, semblaient devenir infiniment provocants. À vrai dire, on ne pouvait lui en vouloir de ces innocentes coquetteries : elle était si originale, si attirante, avec sa légèreté et sa gentillesse d’oiseau. Mais Jean ne voyait, dans ces admirables créatures du bon Dieu, que des ennemies décidées qui lui aliénaient le cœur de Dougaldine. Il en arriva même à les détester, à désirer ardemment leur départ. Pour rien au monde, pas même pour obtenir la sympathie de celle qu’il aimait, il ne se sentait disposé à servir de jouet à ces jeunes filles. Organisait-on une partie dans les environs ou une promenade sur le lac ? Il refusait le plus souvent d’y prendre part, bien que parfois il y fût presque directement invité.

Aussi, quand elles parlaient de lui, les amies de Dougaldine ne le ménageaient point.

— C’est véritablement regrettable qu’il ait si peu de savoir-vivre, affirmait l’une.

— Il a l’air d’un gentleman accompli et pourtant