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la patricienne

on devine aussitôt son origine roturière et son éducation imparfaite, concluait l’autre.

Et la sœur d’Amédée approuvait de la tête, quoiqu’elle sût fort bien que si le docteur se tenait éloigné d’elle, c’était plutôt par fierté que pour toute autre raison.

Il est juste d’ajouter, toutefois, qu’elles ne s’apercevaient pas beaucoup de l’absence de Jean. Chaque jour, Max de Rosenwelt venait régulièrement à la villa. Dès qu’il était là, la partie de crocket recommençait. L’étranger cultivait ce jeu avec une sorte de passion. Il se conduisait entre ces quatre jeunes patriciennes avec une grande liberté d’esprit et d’allures. On voyait que le but de ses visites était de gagner les faveurs de Dougaldine ; cependant, il tournait de si aimables compliments aux trois autres demoiselles qu’elles lui pardonnaient volontiers sa préférence. Rien n’échappait à ses beaux yeux noirs, perçants comme des regards d’aigle : ni le dérangement d’une natte de cheveux, ni la nouveauté ou la grâce exquise d’une toilette fraîche. Et quel choix de galanteries il avait à sa disposition ! Gisèle portait une robe de soie italienne, dont la couleur bleue s’harmoniait divinement bien avec ses opulentes boucles blondes ; sans doute que Charlotte avait commandé à l’une des premières faiseuses de Paris ce joli costume d’été qui lui seyait pourtant, à ravir ; et, à coup sûr, le peigne qui retenait la riche chevelure de Marguerite était un bijou de famille, comme seules les vieilles maisons nobles savaient religieusement les conserver.

Avec Dougaldine, il était plus réservé. Elle lui était trop supérieure, pour qu’il n’en eût pas la notion