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la patricienne

nant téméraire, elle ne craignait pas de faire caracoler sa monture en passant le pont d’une rivière, endroit dangereux, car les eaux torrentueuses bouillonnaient au-dessous avec un fracas de tempête.

On la connut bientôt dans tous les environs. Les piétons s’arrêtaient pour regarder cette fière amazone, dont le ruban vert flottait autour de sa tête blonde.

Max de Rosenwelt ne pouvait s’estimer assez heureux d’avoir eu cette idée de génie. Il admirait vraiment sa jeune et belle compagne. De même, Dougaldine le gratifiait souvent d’un regard doux, très bienveillant. Sa beauté mâle tenait du prodige. La haute stature de sa taille gagnait encore à se montrer à cheval. C’était, au surplus, un cavalier accompli, d’une contenance parfaite en selle. Il était le maître ; et la bête obéissait à sa main ferme et nerveuse. À Thoune, grâce à ses relations avec quelques officiers, il se procurait facilement des chevaux ; mais, de préférence, il choisissait les plus indomptables, afin d’avoir l’occasion de déployer ses réels talents sous les yeux étonnés de Dougaldine.

Ces galopades à deux, par les beaux matins clairs, ne plaisaient guère à Jean Almeneur. Nous n’avons assurément pas besoin d’insister sur ce point pour convaincre le lecteur. Certains jours, il s’armait de courage et voulait rompre avec cette existence qui l’affolait. Et il commençait une lettre pour annoncer à M. Fininger qu’il ne pouvait plus continuer ses leçons. Il accepterait la place que son ami lui offrait, dans la République Argentine, et il s’en irait si loin de celle qu’il aimait qu’il n’entendrait plus jamais parler d’elle. Mais Jean n’achevait point sa lettre, et il restait.