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la patricienne

Son horizon s’éclaircissait bien de temps en temps. Des rayons de soleil luisaient brusquement dans sa vie. Il y avait des moments, en effet, où il croyait remarquer, sur le visage de Dougaldine, une expression de tristesse infinie, un je ne sais quoi qui lui disait que les folies qu’elle faisait avec l’étranger ne tiraient pas à conséquence ; qu’elle cherchait à s’étourdir, mais n’y parvenait point ; qu’enfin, si elle paraissait favoriser de Rosenwelt, c’est qu’elle luttait, de toutes ses forces de vierge, contre un sentiment qui s’emparait de plus en plus de tout son être. Et il espérait qu’un jour il serait aimé de Dougaldine et qu’il briserait son opiniâtre volonté.

Il ne partit donc pas. Mais, comme un lourd secret qui lui rongeait le cœur, sa folle passion s’alimenta d’une impitoyable jalousie. Tantôt il s’abandonnait à des transports de colère, maudissait l’heure où il avait mis le pied dans la maison Fininger ; tantôt il oubliait ses tourments et ne songeait qu’à l’attirante tentation de posséder la jeune fille, de s’unir à elle pour toute une longue existence d’ivresses et d’amour. L’instant après, il riait de sa faiblesse et s’adressait les plus amers reproches.

Vers le milieu de l’été, il se produisit un événement qui eut, quoique de nature toute politique, une grande influence sur leurs propres sentiments.

La ville de Berne était à la veille d’une révolution municipale, il est vrai absolument pacifique ; car il s’agissait simplement de décider, par le bulletin de vote, si l’on continuerait, comme cela se faisait depuis un temps immémorial, de confier les places importantes de l’administration communale aux nobles familles patriciennes ; ou bien si, rom-