Page:Widmann - La Patricienne, trad P César, 1889.djvu/158

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
156
LA PATRICIENNE

pant avec ce qui existait, on choisirait les magistrats dans le parti libéral, dont les électeurs possédaient une majorité incontestable. La justice parlait pour ces derniers. Et ceux-ci étaient sûrs de remporter la victoire, à la condition toutefois que tous remplissent leur devoir. On le savait ; les journaux le publiaient ; le docteur qui, par son origine, ses études et par son expérience, avait son rang marqué dans la démocratie pure, ne l’ignorait pas non plus. Bien qu’il n’assistât que très rarement aux réunions publiques, il avait résolu pourtant de faire le voyage à Berne pour voter aussi, comme citoyen, en faveur d’un changement de régime.

On était au samedi soir. Le lendemain, la bataille décisive allait se livrer. Les deux partis remuaient fiévreusement toutes les couches électorales : pour l’un et pour l’autre, c’était presque une question de vie ou de mort, pour les patriciens surtout.

Depuis quelques jours, le ciel était d’une clarté limpide, presque merveilleuse. On distinguait nettement les objets à de très grandes distances. Aussi Amédée, pendant le thé qui se prenait au jardin, amena-t-il la conversation sur une course au sommet du Niesen, qu’on avait projetée dans un de ces moments d’entretien où le docteur retrouvait sa bonne humeur naturelle. La vue dont on jouit là-haut est vraiment remarquable. Tout l’Oberland étale sous les regards charmés l’incomparable richesse de ses neiges, de ses pâturages et de ses lacs.

Dougaldine elle-même avait laissé entrevoir qu’elle serait volontiers de la partie. C’est pourquoi, lorsque son frère rappela ce projet d’excursion, elle regarda