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la patricienne

Jean comme par hasard, curieuse de savoir ce qu’il en dirait.

Elle eut grand peine à réprimer son étonnement, nous ajouterons, son dépit, en entendant la réponse du docteur, dont la voix, d’abord hésitante, reprit bientôt son ton habituel :

— Oui, fit-il, le temps est splendide, et très favorable à une course de montagne. Il faudrait partir de bonne heure, à la pointe du jour… Malheureusement, je ne puis vous accompagner. Demain, je dois être à Berne pour la votation.

— Ah ! oui, cette ennuyeuse votation ! s’écria Amédée, tout chagrin. C’est déjà à cause d’elle aussi que papa ne vient ni aujourd’hui, ni demain. Pour lui, je le comprends, il fait partie de l’administration. Mais vous, M. le docteur…

— Amédée, interrompit Dougaldine, d’une voix frémissante. N’essaie pas, je t’en prie, d’empêcher M. Almeneur de se rendre à Berne. Il n’y va que pour voter contre papa.

— Mademoiselle, pourquoi dites-vous cela ? fit Jean, d’un air de reproche.

— Je ne le pense pas, moi ! répliqua Amédée.

— Et tu as bien raison, ajouta le précepteur, tout en jetant un regard à la jeune fille, pour la prier de quitter ce sujet.

Mais elle ne voulut pas l’entendre de cette oreille. L’occasion était trop belle de connaître enfin la puissance qu’elle pouvait avoir sur cet homme, vers lequel elle se sentait irrésistiblement attirée, bien que, à d’autres moments, elle s’imaginât qu’elle le haïssait.

— Ah çà ! M. le docteur, reprit-elle, en essayant