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la patricienne

de sourire, mais avec une pâleur mortelle aux joues, vous ne prétendez pas me faire croire que vous allez voter pour le régime des nobles et des patriciens. C’est ainsi, n’est-ce pas ? que vous et vos amis, dans vos réunions et dans vos journaux, appelez le parti auquel notre famille appartient. Tenez, c’est écrit en toutes lettres dans cette feuille.

Et, en prononçant ces derniers mots, elle repoussa avec un geste de mépris le journal qui était devant elle, sur la table.

Mlle Marthe écoutait, silencieuse, les paroles qui s’échangeaient autour d’elle. Elle avait, la bonne femme, une vraie nature de sensitive et détestait par-dessus tout la politique qui, à son avis, semait la division et gâtait les meilleures relations. Aussi, craignant que la discussion ne s’aigrit trop ; en tout cas, pressentant de nouveau une de ces luttes sourdes, dont elle ne voulait pas qu’Amédée fût témoin, elle se leva et, prenant son neveu par la main, elle dit simplement :

— Viens, mon chéri, nous allons jusque chez le fermier pour demander à son garçon aîné, Frédéric, qu’il t’accompagne demain au sommet du Niesen, puisque le docteur part pour Berne.

Et ils s’éloignèrent, laissant les deux jeunes gens seuls.

Le précepteur répondit :

— Je vois avec regret, mademoiselle, que vous me considérez toujours comme un adversaire irréconciliable. Et, pourtant, tout à l’heure, je vous ai approuvé lorsque vous avez rejeté cette feuille loin de vous avec un mouvement de colère. Les articles qu’elle a publiés, je les déplore, car ils ne réussis-