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la patricienne

sent qu’à exciter les passions, déjà assez violentes sans cela. Toutefois, il ne faudrait pas blâmer seulement ce qui se passe dans notre parti. Si, demain, les patriciens sont battus, c’est qu’eux-mêmes se seront attiré cette défaite. Ils n’ont pas agi ainsi qu’ils auraient dû. D’ailleurs, on lit entre les lignes de leurs proclamations désespérées qu’ils conservent un bien faible espoir. Un journal de ce matin, entre autres, semble implorer la pitié du corps électoral et demande, en termes d’une humilité rare, qu’on ne fasse pas au moins un crime aux nobles de porter la particule. Ils n’en sont pas responsables, ces infortunés descendants de vieilles familles.

Mais Dougaldine l’arrêta, même assez vivement :

— Ainsi, M. le docteur, selon vous, notre défaite est certaine, demain ? Et vous courez à Berne, sans doute pour nous rendre encore cette défaite plus sensible et aussi pour chasser de leurs places tous « ces infortunés descendants de vieilles familles ? »

— Non, mademoiselle. Vous vous trompez : je ne vais pas à Berne pour cela. Pourquoi, alors ? me direz-vous. Parce que tout citoyen, s’il comprend le rôle qu’il joue dans une République, ne doit jamais rester à la maison le jour d’une votation. Il faut qu’il remplisse son devoir, loyalement, ainsi que le doit un homme libre. Toute autre considération disparaît devant ce fait.

Supposons, par exemple, que deux amis, qui ne partagent pas les mêmes idées politiques, soient d’accord pour courir la montagne, le jour où le peuple est appelé à se prononcer sur une question importante ; admettons, de plus, que non pas seulement une, mais plusieurs, un grand nombre, une