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la patricienne

Quand on a pris une résolution, si l’on peut l’exécuter aussitôt, la chose est plus facile et l’on s’évite par le fait même toute lutte nouvelle. Mais, le docteur ne se trouvait pas dans ce cas. Il n’avait aucun prétexte pour partir déjà le samedi ; avec l’un des trains du dimanche matin, il arrivait à Berne bien assez tôt pour prendre part à la votation. Il était, à vrai dire, dans une situation difficile. À ses yeux, il ne fallait pas hésiter ; mais, il redoutait l’influence de Dougaldine qui, pour peu qu’elle insistât encore, le retiendrait à ses côtés.

Au repas de midi, Amédée annonça que le fils du fermier était tout disposé à les accompagner. Il n’y avait eu que le mot.

Dès qu’il eut achevé de parler, sa sœur dit d’une voix presque indifférente :

— Tu iras seul avec Frédéric. C’est un bon garçon, très fidèle, et on ose compter sur lui.

— Mais toi, Dougaldine ? interrogea Amédée, tout surpris. Tu ne viendras pas ?

— Non ! J’ai changé d’idée. J’ai peur que cette course ne me fatigue beaucoup trop. Je ne suis non plus pas sûre de pouvoir la faire en un jour. Prochainement, quand papa aura le temps, nous irons tous deux et nous passerons la nuit là-haut pour assister, le matin, au lever du soleil. Ce spectacle est ce qu’il y a de plus beau, paraît-il.

Le docteur était comme sur des charbons ardents. Elle en était donc arrivée là, la fière Dougaldine ! Parce que lui n’allait pas, elle n’irait point non plus. Elle pouvait avancer toutes les raisons qu’il lui plaisait, Jean sentait bien que c’était ainsi, et pas autrement. Et une émotion dangereuse, d’une dou-