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la patricienne

ceur sans nom, ébranla tout à coup sa résolution. Elle, la patricienne ! Il l’aurait crue capable de tout autre chose, mais, de cela, oh ! non, jamais ! Son énergie, sa fermeté d’homme se fondait, pour ainsi dire, à cette preuve d’amour que révélaient avec la plus grande évidence les paroles de Dougaldine. Aussi, sans réfléchir, cherchant ses mots, le précepteur finit par balbutier :

— Mademoiselle… si je savais… si je… je n’ose pas… mais, dans le cas où vous seriez toujours disposée à faire cette… excursion… si je… venais… avec vous…

Il n’alla pas plus loin.

La jeune fille, lentement, avait levé les yeux sur lui. Son visage exprimait la plus cruelle indifférence ; son regard, un étonnement si naïf, une raillerie si impitoyable que le doute n’était pas possible. Puis, d’une voix tranquille :

— Vous ne voulez cependant pas dire, M. le docteur, fit-elle, que vous êtes prêt à me sacrifier l’accomplissement de vos devoirs de citoyen ? Ce serait un sacrifice qui n’arriverait jamais à son adresse. Car je me réjouis déjà rien qu’à la perspective de vivre un jour toute seule, sans dérangement d’aucune sorte.

Et, comme si le sarcasme n’était pas encore assez amer, elle ajouta, toutefois après quelque hésitation :

— D’ailleurs, je crois que M. de Rosenwelt doit venir un moment l’après-midi.

Un silence suivit ces derniers mots. Chacun les entendait résonner encore que déjà Dougaldine les regrettait.

Le docteur tenait à présent les yeux baissés sur