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la patricienne

docteur, en se baissant, réussit à s’emparer de l’amarre, croyant, par son intervention, rendre service à la femme ou à l’enfant — à la voix, ce devait être l’un ou l’autre — qui s’aventurait ainsi en pleine nuit sur le lac.

En sentant, par la secousse imprimée à l’embarcation, que celle-ci touchait le bord, on avait laissé tomber les rames et, maintenant ramassée sur elle-même, une forme humaine tournait le dos au rivage. Son costume était d’un homme. Un grand manteau en étoile légère enveloppait la taille et un large chapeau de feutre cachait à demi sa tête, aux cheveux bouclés.

Mais, se dit tout à coup Jean Almeneur, c’est le jeune compagnon de Max de Rosenwelt, le même que nous avons rencontré, Amédée et moi, lorsque j’allais faire visite à mon vieux père.

Puis, haussant la voix :

— Vous cherchez vraisemblablement votre ami, M. de Rosenwelt. Il n’a pas été ici de tout le jour, mais il paraît qu’on l’attend demain.

— Ah ! c’est bien cela, on l’attend demain !

Et, comme s’il obéissait à une résolution soudaine, l’ami de Max se dressa dans la barque. Son manteau, négligemment jeté sur ses épaules, glissa sur le banc où d’ordinaire se placent les rameurs.

Que l’on juge de l’étonnement du docteur ! Ce n’était plus un homme qu’il avait devant lui, mais bien une femme dont les contours gracieux se devinaient sous les vêtements singuliers qu’elle portait. Elle rappelait ces étudiantes russes que l’on rencontre non seulement dans les universités suisses, mais, en été, dans les stations et les passages alpes-