Page:Widmann - La Patricienne, trad P César, 1889.djvu/172

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
170
la patricienne

affaire à un homme de cœur. Ah ! vous pourriez être d’un grand secours à une pauvre infortunée ! Voici plusieurs semaines déjà que je n’ai plus entendu ni conseils ni consolations…

— Et votre ami, M. de Rosenwelt ? dit le maître d’Amédée, non sans hésitation.

— Ah ! oui, mon ami ! répliqua-t-elle, avec une expression de dureté dans la voix. Lui ? L’ami de quelqu’un ? Jamais ! Jamais ! Le sien propre, oui, j’en conviens ! Je le connais, maintenant ! C’est le plus parfait égoïste que la terre porte. Non, il ne lui en coûterait pas ça — et elle souffla sur sa main d’un air méprisant — il ne lui en coûterait pas ça pour ruiner la plus belle existence, détruire le repos, le bonheur de l’un de ses semblables, s’il croyait, par là, satisfaire ses sens, son ambition, se procurer enfin les jouissances qu’il recherche avec tant d’ardeur, avec une âpreté sans borne. Ma patience est à bout ! Je veux savoir jusqu’à quel point j’ai été trompée, comment j’ai été lâchement sacrifiée. Que je roule, s’il le faut, dans la honte et dans la misère, seule et repoussée de tous ! Mais, avant, il faut qu’il soit châtié comme il le mérite.

Epuisée par cette explosion de colère, qui la secouait ainsi qu’une feuille battue par le vent, elle s’appuya contre le dossier du banc. Le docteur respecta son silence. Il commençait à entrevoir une histoire douloureuse, bien qu’il ne se rendit pas encore compte de l’importance de ces révélations. Un fait, toutefois, ressortait déjà très clair et très net des paroles de la jeune femme : il était plus que certain que Max de Rosenwelt n’avait pas joué un beau rôle