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la patricienne

montré durant tout le jour. Il m’avait bien annoncé hier qu’il devait aller à Berne. Mais, je n’avais plus foi en lui. Il a abusé si souvent de ma simplicité, de ma confiance. Cette fois, par exception, il a peut-être dit la vérité. Cependant, dès que je vous ai aperçu, je vous ai pris pour lui. Ah ! s’il eût été là et qu’il fût monté dans ma barque !… j’aurais aussi été reprise de ma faiblesse et lui eusse pardonné ! Eh bien, non ! Il est préférable qu’il en soit ainsi, surtout maintenant que je vois mes soupçons pleinement justifiés. Aussi je n’hésiterai plus à faire valoir mes droits, sinon à me venger.

Veuillez avoir la bonté de me conduire auprès de la jeune fille.

Un instant le docteur fut sur le point d’acquiescer à ce désir. Mais il ne crut pourtant pas devoir y obtempérer aussitôt, jugeant qu’il ne fallait rien précipiter. D’ailleurs, en agissant ainsi, ne se laisserait-il pas entraîner, lui de même, par un sentiment de vengeance personnelle ? Il ne voulait pas qu’on pût lui faire ce reproche plus tard. Eut-il raison ? Eut-il tort ? Le dénouement du drame qui se jouait entre lui et Dougaldine ne l’apprendra que trop tôt à nos lecteurs.

— Mademoiselle, dit-il, il me semble que l’heure est bien avancée pour vous présenter ce soir encore devant la jeune personne que vous désirez voir. En outre, songez à l’impression que vous produiriez sur elle, habillée comme vous l’êtes, de vêtements qui ne sont guère de votre sexe. Ajouterait-on foi à vos paroles ? Je ne sais, mais, en tout cas, soyez certaine que vos accusations, sans autre preuve, ne rencontreraient qu’un bien faible écho.