Page:Xénophon - Œuvres complètes, éd. Talbot, tome 1.djvu/189

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tons leur présence. Enfin l’âme humaine, plus que tout ce qui est de l’homme, participe de la divinité ; elle règne en nous, c’est incontestable, mais on ne la voit point[1]. En réfléchissant à tout cela, on ne doit point mépriser les forces invisibles, mais, par leurs effets, reconnaître leur puissance et honorer la divinité. — Jamais, Socrate, reprit Euthydème, je ne serai coupable de la moindre négligence envers elle, j’en suis certain ; mais je me décourage, en songeant que jamais aucun homme ne peut rendre assez de grâces aux dieux pour tant de bienfaits. — Ne te décourage point, Euthydème ; tu vois que le dieu de Delphes répond à celui qui lui demande le moyen d’être agréable aux dieux : « Suis la loi de ton pays[2]. » Or, la loi commande partout que chacun honore les dieux suivant son pouvoir. Peut-il donc être un culte plus élevé et plus pieux que celui qu’ils prescrivent eux-mêmes ? Mais il ne faut rien négliger de ce qu’on peut faire ; car, en agissant ainsi, il est clair qu’on ne les honore pas. On doit donc ne rien omettre pour honorer les dieux suivant son pouvoir, avoir confiance en eux et en espérer les plus grands bienfaits : ce serait folie, en effet, d’attendre plus de tout autre que de ceux qui ont le plus de puissance pour nous servir, et de ne point espérer davantage, si nous essayons de leur plaire ; or, comment peut-on mieux leur plaire qu’en leur obéissant sans réserve ? » C’est par de tels conseils, autant que par les exemples, que Socrate rendait ceux qui le fréquentaient et plus pieux et plus sages.


CHAPITRE IV.


Respect de Socrate pour les lois de son pays. La justice consiste dans l’obéissance à la loi civile et à la loi naturelle.


Au sujet de la justice, loin de cacher son opinion, il la manifestait par des actes ; se montrant envers tous, dans son particulier, plein d’équité et de bienveillance, et, comme citoyen, obéissant aux magistrats dans tout ce que la loi commande,

  1. C’est un argument favori de Xénophon pour prouver l’existence de la divinité que de la signaler invisible, mais présente dans le monde, comme la vie humaine dans le corps.
  2. Cf. Cicéron, De legibus, II, xvi.