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Phonétique d’un parler irlandais de Kerry/1-5

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Première partie. Le système consonantique.
Chapitre V. — Les liquides


Chapitre V
Les liquides

§ 75. Les liquides, comme toutes les autres consonnes, compor­tent l’oppo­sition d’un type vélaire et d’un type palatal. En revanche elles ne compor­tent pas l’oppo­sition de sourdes et de sonores, étant, contraire­ment à ce qui se passe dans d’autres parlers irlandais, normale­ment sonores. Il peut arriver qu’une liquide soit assourdie par assimi­lation (cf. § 238) mais cet assour­disse­ment, au reste partiel, et qui est dû à l’action d’un phonème voisin, ne peut donner lieu à des opposi­tions caracté­ristiques.

§ 76.
l (écrit l ou ll).

On pourrait distin­guer deux variétés de l, au reste très voisines, mais distin­guées tant par l’énergie articu­latoire que par la durée. La répar­tition en dépend de la place dans le mot, et n’a aucune valeur séman­tique, si bien qu’il semble qu’on puisse négliger dans la tran­scription la nuance qui les sépare.

l initial ou appuyé sur une dentale précé­dente (dans la même syllabe) ou suivante, pourrait être noté L. L est articulé, mutatis mutandis, comme les occlu­sives dentales vélaires ; la pointe de la langue se trouve contre les dents infé­rieures, ou contre la sépa­ration des dents, et toute la partie frontale de la langue est fortement pressée contre les dents supé­rieures. La partie posté­rieure du dos de la langue est soulevée dans la direction de la position u, et la vélari­sation est plutôt plus audible que dans les occlu­sives, sans cependant donner lieu à un glide w. L’énergie articu­latoire est considé­rable et la durée demi-longue, par oppo­sition à celle de la variété suivante.

En position médiane ou finale, en contact avec des voyelles ou avec des consonnes non dentales, on a un l vélaire ordinaire ; la pointe de la langue est sensible­ment à la même place que dans la la[sic] variété L, mais la partie frontale de la langue vient toucher simple­ment les dents, l’énergie articu­latoire est beaucoup moindre et l’émission d’air plus brève. La vélari­sation est la même. Le rapport de l à L est le même que celui de n à N (cf. § 26).

L’une et l’autre variété sont sonores et sont suscep­tibles d’être partielle­ment assour­dies au voisinage d’un h (cf. § 238).

l (= L ou = l) se rencontre en contact avec des voyelles ou avec des consonnes vélaires.

§ 77.
Exemples de l = L.

lɑ꞉ (lá) « jour » ; lɑg (lag) « faible » ; lɑ̃꞉n (lán) « plein » ; lᴀᴜm (lom) « maigre » ; lᴀᴜrtʹ (labhairt) « parler » ; lᴜꞏəχ (luach) « prix » ; löʃg̬ʹɩmʹ (loiscim) « j’allume » ; lᴇ̈꞉ (laogh) « veau » ; lᴇ̈꞉ᵊχ (laoch) « héros » ; lɪ꞉mʹ (luighim) « je suis couchée » ; slɑ̃꞉n (slán) « bien portant » ; slɔgə (slogadh) « avaler » ; dlɪ꞉ (dlaoi) « brin de paille ».

ən tlᴜꞏɛgʹ (an tsluaigh) « de l’armée », gén. de ən slᴜꞏə (sluagh) « l’armée ».

aᴜltə (geallta) « promis », de αlɩmʹ (geallaim) « je promets » ; gᴀᴜldə (gallda) « protes­tant » ; bʹì꞉arlə (béarla) « langue anglaise ».

§ 78. C’est la variété faible de l qu’on a dans :

bɑləv (balbh) « muet » ; blɑdər (bladar) « flatter » ; klo꞉kə (clóca) « manteau » ; αləg (dealg) « épine » ; dᴜꞏəlgəs (dualgas) « devoir » ; glɑ̃꞉n (glán) « propre » ; sɑlən (salann) « sel » ; ɔlk (olc) « mauvais ».

bʷᴇ̈꞉ᵊl (baoghal) « danger » ; αl (geal) « blanc » ; ʃɑ꞉l ou ʃʲɑ꞉l (shawl) « châle ».

l partielle­ment assourdi devant h :

aᴜl̬hɩ ʃeꞏ (meall­faidh sé) « il trompera », à côté de aᴜlhəd (meallfad) « je tromperai », cf. § 240 ; o꞉l̬hɩ ʃeꞏ (ólfaidh sé) « il boira ».

§ 79.
(écrit l, ll).

L’articu­lation de ne varie pas sensible­ment selon la place dans le mot.

La pointe de la langue forme occlusion contre les dents supéri­eures, ou à la limite des dents supéri­eures et des alvéoles. La partie anté­rieure du dos de la langue est soulevée dans la direction de la position i, la liquide est donc palata­lisée, non palatale.

est sonore, mais peut être partielle­ment assourdi sous l’influence d’un h voisin : cf. § 238.

Devant voyelles d’arrière ou mixtes d’arrière est suivi d’un glide palatal j.

§ 80. se rencontre en contact avec des voyelles, avec des consonnes palatales et précédé de k (= ), g (= ), ŋ (= ŋʺ), χ (= χʺ) et ǥ (= ǥʺ), ou de r (cf. § 81).

lʹi꞉nʹ (linn) « temps » ; lʹe꞉mʹ (léim) « saut » ; lʹitʹɩrʹ, lʹᴇtʹɩrʹ (leitir) « lettre » ; lʹiꞏɛh (liath) « gris » ; αh (leath) « moitié » ; αhən (leathan) « large » ; lʲõ꞉nɩmʹ (leónaim) « je blesse » ; lʲᴜ꞉ (liúghadh) « hurlement » ; aᴜnəχt (leamh­nacht) « lait frais » ; λm (liom) « à moi ».

ʃlʹiꞏəv (sliabh) « montagne » ; dʹlʹi꞉ (dlighe) « loi » ; klʹe꞉ (clé) « gauche » ; kʹe꞉lʹɩ (céile) « compagnon » ; kʹᴇlʹtʹ (ceilt) « cacher » ; kõ꞉rlʹɩ (comhairle) « conseil » ; kʹimʹɩlʲɑ꞉ⁱlʹ (cimileáil) « friction énergique » ; fɑ꞉ⁱlʹtʹɩ (fáilte) « bienvenue » ; mʹi꞉lʹɩ (míle) « mille » ; ʃᴇlʹɩgʹ (seilg) « chasse » ; tɪlʹi (tuile) « surplus ».

fʹiꞏəkʷɩlʹ (fiacail) « dent » ; fʲo꞉ⁱlʹ (feóil) « viande » ; αrᴜ꞉ⁱlʹ (fear­amhail) « mâle », et tous les adjectifs en ᴜ꞉ⁱlʹ ; gvɑ꞉ⁱlʹ ou gvɑ꞉ⁱlʹtʹ (gabháil) « obtenir », et tous les noms verbaux en ‑ɑ꞉ⁱltʹ ; mais ces derniers ont tendance à déve­lopper un à la finale (cf. § 290).

assourdi : fʹi꞉l̬ʹhɩ ʃeꞏ (fillfidh sé) « il reviendra », en face de fʹi꞉lʹhəd (fillfead) « je revien­drai », etc. cf. § 240.

§ 81.
r (écrit r, rr).

L’articulation de r (comme celle de l et de n, cf. §§ 26 et 76), varie considé­rable­ment en fonction de la place dans le mot. Les deux variétés de r ont été bien décrites par Sommer­felt, Munster Vowels and conso­nants, § 82.

A l’initiale, r n’est, chez la plupart des sujets, qu’une sorte de spirante linguale sonore. Le resserre­ment du passage de l’air est produit par la pointe de la langue rappro­chée des alvéoles supéri­eures, l’air s’échappant sans cependant provoquer de vibration de la langue. La partie posté­rieure du dos de la langue est légère­ment élevée dans la direction de la position u, sans cependant que la vélari­sation soit assez forte pour entraîner, même devant voyelle d’avant ou mixte d’avant, le développe­ment d’un glide vélaire w.

En position médiane ou finale on a un r légèrement roulé (le plus souvent avec un seul battement) ; la position des organes est par ailleurs la même que dans le cas de r initial. Cet r roulé peut se rencon­trer à l’initiale chez certains sujets, sans qu’on arrive à préciser les condi­tions de la répar­tition (les sujets âgés ont en général r spirant ?).

r se rencontre en contact avec des voyelles ou avec des consonnes vélaires, ainsi que devant dentales palatales (, , ʃ, , exception­nelle­ment ). Au voisinage de h, r peut être partielle­ment assourdi.

§ 82. Exemple de la première variété d’r :

rɑ꞉ (rádh) « dire » ; rᴀɪᵊrk (radharc) « regard » ; rʌd (rud) « chose » ; rᴇ̈꞉gʹ (réidh) « prêt » ; ro꞉s (rós) « rose (fleur) » ; rᴜꞏə (ruadh) « roux » ; ən rɛvʹ ʃeꞏ (an raibh sé) « est-ce qu’il était ? » ; rᴇ̈꞉ᵊbə (réabadh) « égra­tigner, déchirer» ; rïhɩmʹ (rithim) « je cours » ; rɪmʹɩʃ (roimis) « devant lui » ; rɪ꞉nʹ (righinn) « coriace » ; et aussi ərᴇ̈꞉rʹ (aréir) « hier soir ».

§ 83. Exemples de la deuxième variété de r :

brᴜəχ (bruach) « rivage » ; krᴜꞏɛgʹ (cruaidh) « dur » ; drᴜ꞉χt (drúcht) « rosée » ; αrəg (dearg) « rouge » ; dʌrəs (doras) « porte » ; əraχ (earrach) « printemps » ; αrᴜ꞉d (dearmhad) « erreur » ; gɑrəv (garbh) « rude, grossier » ; lʌrəg (lorg) « chercher» ; nõ꞉rə (Nóra) « Nora » ; ʌrəm (orm) « sur moi » ; sg̬arᴜ꞉ⁱnʹtʹ (scara­mhaint) « séparer » ; ᴜrə (ura) « garant » ; αrt (ceart) « droit » ; gʌrtʹ (guirt) « salé » ; klʹibʹərtʹ (clibirt) « discus­sion » ; gɑ꞉rdə (gárda) « garde civique » ; ɪ꞉rdʹɩ (aoirde) « hauteur » ; do꞉rʃɩ (dóirse), plur. de dʌrəs (doras) « porte » ; hɑ꞉rlə (thárla) « il arriva ».

ərᴜ꞉r (arbhar) « blé ».

αr (fear) « homme » ; fʲɑ꞉r (fearr) « meilleur » ; gʲɑ꞉r (gearr) « court, rapproché » ; glo꞉r (glór) « voix » ; lɑ꞉r (lár) « milieu » ; mᴜstər (mustar) « fierté » ; pᴜ꞉dər (púdar) « poudre » ; ʃiꞏər (siar) « vers l’ouest » ; hʹiꞏər (thiar) « à l’ouest (sans mouvement) ».

Pour r assourdi partielle­ment au voisinage de h, comme dans tᴜ꞉r̬hɩ ʃeꞏ (tabhar­faidh sé) « il donnera », à côté de tᴜ꞉rhəd (tabharfad) « je donnerai », cf. § 240.

§ 84.
(écrit r, rr).

Forme palata­lisée du précédent. Comme il existe deux variétés de r vélaire, il existe aussi deux variétés de (cf. Sommer­felt, op. cit., § 83) ; mais ces deux variétés sont moins nettement diffé­renciées du fait que l’unique roulement, plus rapide, de est moins nettement audible que dans le cas de r. D’autre part, la répar­tition n’est pas tout à fait la même.

Dans l’une et l’autre variété, la palata­lisation est loin d’être aussi nette que pour les occlu­sives dentales et le glide j est souvent mal développé.

spirant est articulé comme initial, mais au lieu que le dos de la langue soit soulevé dans la direction de la position u, la partie anté­rieure du dos de la langue est soulevée dans la direction de la position i ; se rencontre à l’initiale seulement comme alter­nance gramma­ticale de r, jouant alors vis-à-vis de r le même rôle morpho­logique que χ vis-à-vis de k, et, en général, les spirantes vis-à-vis des occlu­sives.

L’ « adoucisse­ment » de r en à l’initiale ne se rencontre guère, dans la paroisse de Dunquin et aux environs immédiats, que chez quelques sujets âgés, les jeunes ayant invaria­ble­ment r à l’initiale ; à l’initiale modifiée est un trait beaucoup plus répandu plus au Nord sur la côte, e. g. dans Paróiste Mórdhach.

spirant se trouve par ailleurs en position médiane et finale. Je l’ai parfois entendu devant dentales palatales, chez des sujets de Paróiste Mórdhach, au lieu du r que l’on atten­drait et qui est normal à Dunquin.

§ 85. roulé est articulé comme r roulé, mais, au lieu que le dos de la langue soit soulevé dans la direction de la position u, la partie anté­rieure du dos de la langue est soulevée dans la direction de la position i ; comprend une ou deux vibra­tions rappelant les chuin­tantes.

roulé se rencontre devant ou après consonnes palatales, excepté devant dentales palatales, ainsi qu’après k, g, ŋ, χ, ǥ (= , , ŋʺ, χʺ, ǥʺ, cf. §§ 35 et 61).

L’une et l’autre variété sont sonores, mais peuvent être assour­dies par le voisinage d’un h.

§ 86. Exemples de spirant :

ɩ rʹi꞉ (a rígh !) « roi ! » vocatif de rɪ꞉ (rí) « roi » ; λgədər ou λgədər (riugadar) « ils saisirent », prét. à initiale adoucie de bʹᴇrʹimʹ (beirim) « je saisis » ; nʹi꞉lʹ ᴇ̈꞉ᵊn rʹλhəg ᴜnəm (níl aon ruthag ionam) « je n’ai aucune patience » ; de rᴜhəg (ruthag) « patience » ; dʹinʹ də rʹaᴜ rʹʌd (dein do rogha rud) « fait comme il te plaît », de rᴀᴜ (rogha) « choix » et rʌd (rud) « chose ».

Dans tous les cas de ce genre on entend plus fréquem­ment à Dunquin les formes avec r vélaire.

ənɪrʹɩgʹ (anuirigh) « l’an dernier » ; αrʹɩ (aire) « soin » ; kʷɪrʹɩ (cuire) « invi­tation » ; dɪ꞉rʹɩ (daoire), comp. de dᴇ̈꞉r (daor) « cher » ; mɑ꞉ⁱrʹɩ (Máire) « Marie » ; nɑ꞉ⁱrʹɩ (náire) « honte » ; kʹimʹi꞉rʹ (cimír) « cicatrice » ; kahɪ꞉rʹ (cathaoir) « chaise » ; mɑ̃꞉hɩrʹ (máthair) « mère » ; nahirʹ (nathair) « serpent » ; tʹi꞉rʹ (tír) « terre ».

Exception­nelle­ment (Paróiste Mórdhach) : imʹɩrʹtʹ (imirt) « jouer » ; karʹtʹ (cairt) « voiture » ;

Exemples de roulé :

αʃtʹrʹu꞉ (aistriu­ghadh) « traduire » ; bʹrʹɑ꞉ (breágh) « beau » ; tʹrʹa (treabhadh) « labourer » ; tʹrʹi꞉ (trí) « trois » ; grʹëinʹ (greidhin) « affection, objet d’affection » ; krʹe꞉ (cré) « terre, humus » ; ʃrʹaᴜŋg (sreang) « tentation » ; sb̬ʹrʹe꞉ (spré) « dot » ; kʷɪrʹkʹɩ (coirce) « avoine » ; kʷɪrʹpʹ (cuirp), gén. de kɔrp (corp) « corps » ; marʹkʹ (mairc) « marque, cicatrice » ; pɑ꞉ⁱrʹkʹ (páirc) « champ, enclos ».

Pour assourdi : kʷɪr̬ʹhɩ ʃeꞏ (cuirfidh sé) « il placera », etc., cf. § 238.