Phonétique d’un parler irlandais de Kerry/2-2

La bibliothèque libre.
Deuxième partie. Le système vocalique.
Chapitre II. — Rapports des consonnes et des diphtongues


Chapitre II
Rapport des consonnes et des diphtongues

§ 111. L’émission vocalique qui sépare deux consonnes consé­cutives peut ne pas être de timbre uniforme. On a vu (§§ 99 et 101) des cas où une voyelle longue est modifiée quant au timbre dans sa partie finale, sous l’influence de la consonne suivante. On a affaire dans ces cas, du moins jusqu’à présent, non à un véritable deuxième élément de diph­tongue, mais à un glide, ultra-bref, au reste plus ou moins développé selon les positions (consonne suivante implosive ou explosive) et les sujets, dont l’appa­rition est déter­minée extéri­eure­ment, et qui n’est pas caracté­ristique du mot ou de la forme.

§ 112. Il n’en va pas de même dans le cas des diph­tongues propre­ment dites : une diph­tongue est une émission vocalique dont le timbre varie d’un point de départ approxima­tive­ment donné à un point d’arrivée également approxima­tive­ment donné. Le nombre et la variété des diph­tongues consti­tuent un des traits les plus originaux des parlers du sud de l’Irlande par oppo­sition aux autres parlers : la classi­fication, au premier abord complexe, s’en ordonne d’elle-même si l’on envisage d’abord les diph­tongues (et les triph­tongues aux­quelles celles-ci peuvent donner naissance) dans leurs rapports avec les consonnes.

Soit le cas d’une diph­tongue décrois­sante ou crois­sante (cf. § 190) suivie et précédée de consonnes. Ces consonnes peuvent être soit de même qualité palatale ou vélaire soit de qualité contraire.

§ 113. I. Entre deux consonnes palatales. — Diph­tongues décrois­santes :

äi (ëi), consti­tuée par deux éléments voca­liques d’avant, ne développe donc pas de glide : grʹëimʹ, grʹäimʹ (greim) « bouchée ».

äλ, le deuxième élément, d’arrière, développe un glide : ʃlʹäλⁱnʹ (sleamhain) « glissant ».

Diphtongues croissantes :

iꞏɛ (), deux éléments d’avant, donc sans glide : fʹiꞏɛnʹ (fiadhain) « sauvage ».

§ 114. II. Entre deux consonnes vélaires. — Diph­tongues décrois­santes :

ᴀᴜ (ɔᴜ), deux éléments d’arrière, donc sans glide : pᴀᴜl, pɔᴜl (poll) « trou ».

ᴀɪᵊ, le deuxième élément, d’avant, développe un glide : rᴀɪᵊrk (radharc) « regard ».

Diphtongues croissantes :

ᴜꞏə (ᴜə), deux éléments d’arrière, donc sans glide : kᴜꞏən (cuan) « crique, port ».

ɪꞏə (ɪə), le premier élément, d’avant, devrait déve­lopper un glide, mais celui-ci est peu net, car cette diph­tongue ne se rencontre qu’après r (cf. § 81) rɪꞏəv (riamh) « jamais ».

§ 115. III. Entre consonne vélaire et consonne palatale. — Diph­tongues décrois­santes :

ai, premier élément d’arrière, deuxième d’avant, donc sans glide : rairʹkʲ (radhairc), gén. de rᴀɪᵊrk (radharc) « regard ».

aλ, le deuxième élément, d’arrière, développe un glide : kaλⁱrʹ (cabhair) « secours ».

Diphtongues croissantes :

ᴜꞏɛ (ᴜɛ), premier élément d’arrière, deuxième d’avant, donc sans glide : krᴜꞏɛgʹ (cruaidh) « dur ».

ɪꞏɛ (ɪɛ), même cas que pour ɪꞏə, cf. rɪꞏəlʹ (riaghail) « règle ».

§ 116. IV. Entre consonne palatale et consonne vélaire. — Diph­tongues décrois­santes :

a, le premier élément, d’arrière, développe un glide : aᴜn (ceann) « tête ».

äɪᵊ, le deuxième élément, d’avant, développe un glide : äɪᵊb (leadhb) « langue ».

Diphtongues croissantes :

ì꞉a, et iꞏə (), premier élément d’avant, deuxième élément d’arrière, donc sans glide : sg̬ʹì꞉an (scéan) « terreur » ; sg̬ʹiꞏən (scian) « couteau ».

Pour λꞏə, rarissime, cf. § 210.

§ 117. On voit que la répar­tition des nom­breuses diph­tongues que présente le parler est assez rigou­reuse­ment déter­minée par la qualité des consonnes avoisi­nantes pour qu’en une position donnée il n’y ait jamais qu’un petit nombre de variétés, nettement diffé­renciées, qui soit possible.

Cela permet de réduire considé­rable­ment le nombre de types caracté­ristiques à envisager, la plupart des variétés de diph­tongues consti­tuant simple­ment des adapta­tions de ces types fonda­mentaux au conso­nantisme avoi­sinant. Cette consta­tation, qui s’impose plus nettement encore en ce qui concerne les diph­tongues qu’en ce qui concerne les voyelles (voir le chapitre précédent), doit dominer toute des­cription des diph­tongues du parler.