Phonétique d’un parler irlandais de Kerry/2-7

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Deuxième partie. Le système vocalique.
Chapitre VII. — Voyelles d’arrière


Chapitre VII
Voyelles d’arrière
u꞉, , ᴜ꞉, λ, o, o꞉, ɔ, , ʌ, , ɑ, a.

§ 164. La série des voyelles d’arrière est caractérisée par un point d’articulation sensiblement plus en avant que celui des voyelles-types de cette série (e. g. les voyelles d’arrière françaises ou italiennes), si bien que certaines formes apparaissent comme intermédiaires entre la voyelle d’arrière et la voyelle mixte d’arrière : c’est le cas de . La même tendance se fait sentir à un moindre degré, pour λ et ʌ, et même dans la prononciation normale de ɔ (voir ces phonèmes).

D’autre part, ces voyelles sont en général mal arrondies, et présentent des variétés non arrondies : λ, ʌ. C’est un trait original de cette série que l’existence d’une voyelle d’arrière haute non arrondie, phonème par ailleurs assez rare.

§ 165.
u꞉ (écrit iúi, eamhai‑, eabhai‑).

u꞉ est une voyelle d’arrière souvent légèrement avancée, haute, étroite, tendue, arrondie, quoique parfois imparfaitement. Ce phonème ne se rencontre que long, représentant une modification de ᴜ꞉ entre consonnes palatales ; u꞉ ne se trouve donc qu’entre consonnes palatales, et est toujours précédé du glide j et suivi du glide i.

kʲu꞉ⁱnʹ (ciúin) « tranquille » ; kʹɩnʲu꞉ⁱnʹtʹ (cineamhaint) « accident, fatalité » ; dʹɩlʲu꞉ⁱrʹ, (duilleabhair), gén. de dʹɩlʲᴜ꞉r (duilleabhar) « feuillage » ; fʷɩnʲu꞉ⁱlʹ (fuinneamhail) « diligent » ; ɩlʲu꞉ⁱnʹtʹ (oileamhaint) « éducation » ; dəm(ʷ) ɩnʲu꞉ⁱnʹ (dom ineóin) « malgré moi » ; ɩrʲu꞉ⁱnʹtʹ (oireamhaint) « ustensile ».

lʹᴇʃg̬ʲu꞉ⁱlʹ (leisceamhail) « paresseux » ; saidʲu꞉ⁱr (saighdiúir) « soldat » ; ʃʲu꞉ⁱlʹ (siubhail), gén. de ʃʲᴜ꞉l (siubhal) « marche » ; sɪmʲu꞉ⁱlʹ (suimeamhail) « qui a des égards ».

Flottement entre ᴜ꞉ et u꞉ à l’initiale, après un yod réapparaissant dans le sanddhi : sən ᴜ꞉ⁱrʹ ou sɩnʲ u꞉ⁱrʹ (san iúir) « dans la terre ».

§ 166.
(écrit u, parfois o).

Voyelle d’arrière haute, large, tendue, arrondie. est mieux arrondi que u꞉, et est articulé plus franchement en arrière.

se rencontre en syllabe tonique ou prétonique après consonne vélaire ou à l’initiale devant consonne vélaire. On peut aussi avoir (au lieu de λ, q. v.) après consonne palatale, devant v, qui maintient l’arrondissement. Dans quelques mots où initial était précédé d’un élément palatal qui reparaît dans le sandhi, on a alternant avec λ. Devant ou après r on peut avoir flottement entre et ʌ (q. v.). Enfin certains mots ont ou ɔ () selon les sujets.

Quand est précédé d’une consonne palatale, il s’insère un glide j.

bᴜn (bun) « fond » ; kᴜməs (cumas) « pouvoir » ; kᴜmə (cuma) « façon » ; dᴜv (dubh) « noir » ; gᴜnə (guna) « fusil » ; lᴜχt (lucht) « gens » ; lᴜχ (luch) « souris » ; mᴜstər (mustar) « orgueil ». cf. l’expression proverbiale mᴜstər gɑ̃n gᴜstəl (mustar gan gustal) « tout fier et sans le sou » ; pᴜs (pus) « moue » ; tᴜr (tur) « rassis » ; tᴜgʷɩmʹ (tugaim) « je donne » ; ᴜrlɑ꞉r (urlár) « plancher » ; ᴜmlɑ̃꞉n (umlán) « entier » ; χt (ucht) « poitrine ».

Après palatale : tʲᴜv (tiubh) « touffu » ; ɩnʲᴜv mais aussi ɩnʲλv (indiu) « aujourd’hui ».

§ 167. Flottement entre et λ : ɩnʲλməd (an iomad) « une grande quantité », ou ən ᴜməd ; mais ᴜmədu꞉ⁱlʹ (iomadamhail) « abondant » ; ɩnʲ λmərkə ou ən ᴜmərkə (an iomarcadh) « trop » ; mais go hᴜmərkəχ (go hiomarcach) « de grand cœur » ; λnəs ou ᴜnəs (ionas) « façon d’être » ; ɩ nʲλnəs (i n‑ionas) « de façon… », pris absolument : « de façon égale » ; ᴜməl (imeall) « bordure » ; ə nᴜməl ou ɩ nʲλməl (i n‑imeall) « à côté de ».

Flottement entre et ʌ : tᵊrᴜs et tᵊrʌs (turus) « voyage ».

Flottement entre et ɔ () : knᴜk et kno̤k (cnoc) « colline » ; lᴜχt et χt ou lo̤χt (locht) « faute » ; mᴜχ et χ (moch) « de bonne heure.

§ 168. ᴜ꞉ (écrit ú, amh(a), abh(a), ughadh, ‑amhai‑, ‑abhai‑, etc.).

Forme longue de la voyelle précédente.

ᴜ꞉ se rencontre en toutes positions, excepté entre consonnes palatales, où l’on a u꞉.

Entre ᴜ꞉ et consonne palatale se développent les glides j et i.

bərᴜ꞉ⁱlʹ (baramhail) « opinion » ; bᴜ꞉rdᴜ꞉n (búrdún) « couplet » ; brᴜ꞉ⁱmʹ (brúghaim) « j’écrase » ; klᴜ꞉ (clú) « réputation » ; krᴜ꞉ (crúdhadh) « traire » ; kᴜ̃꞉ŋg (cumhang) « étroit » ; dᴜ꞉χəs (dúthchas) « naissance, hérédité » ; dᴜ꞉ⁱlʹ (dúil) « désir » ; αrᴜ꞉ⁱlʹ (fearamhail) « mâle » ; lʲᴜ꞉ (liúgh) « cri » ; mu꞉ⁱnʹɩ (múineadh) « enseigner » ; mᴜ꞉χʷɩmʹ (múchaim) « j’éteins » ; pʲᴜ꞉nt (pionnt) « pinte » ; rᴜ꞉n (rún) « secret » ; ɩrʲᴜ꞉nəχ (oireamhnach) « approprié » ; ʃᴜ꞉l ou ʃʲᴜ꞉l (siubhal) « marche » ; tᴜ꞉ləkə (tionnlacadh) « accompagner » ; ᴜ꞉fɑ꞉s (uathbhás) « terreur » ; ərᴜ꞉r (arbhar) « céréale » ; ᴜ꞉r (úr) « frais ».

§ 169. Il arrive qu’il y ait flottement d’un sujet à l’autre entre ᴜ꞉ et o꞉, lorsque la voyelle est plus ou moins nasalisée ; dans ce cas o꞉ primitif tend à se fermer :

mᴜ̃꞉ⁱnʹ ou mõ꞉ⁱnʹ (móin) « tourbe » ; nᴜ̃꞉rə et nõ꞉rə (Nóra) « Nora » ; tᴜ̃꞉n et tõ꞉n (tón) « fond » ; kᴜ̃꞉rsə et kõ꞉rsə (comharsa) « voisin » ; kᴜ̃꞉rlʹɩ et kõ꞉rlʹɩ (comhairle) « conseil » ; rᴜ̃꞉m et rõ꞉m (romham) « devant moi » ; ɑnəvᴜ̃꞉ⁱnʹ et ɑnəvõ꞉ⁱnʹ (anamhóin) « terreur », etc.

Lorsqu’il y a nasalisation on peut également avoir flottement entre ᴀᴜ et ᴜ꞉.

lᴜ̃꞉nrə (lonnradh) « éclat », à côté de lᴀ̃ᴜ̃nrə ; ᴜ̃꞉rɑ̃꞉n (amhrán) « chanson, air », est la forme de Dunquin, alors qu’à quelques lieues au Nord (an Leitir Iubhach) on prononce ᴀ̃ᴜ̃rɑ̃꞉n, qui est la forme générale de Munster.

§ 170.
λ (écrit iu, io, u devant th).

Forme désarrondie de  ; il s’agit d’une voyelle d’arrière, mais légèrement avancée par opposition à , haute, large, tendue, et non arrondie. Devant χ, λ a tendance à s’ouvrir davantage, et à s’abaisser, de façon à se rapprocher de ʌ.

λ se trouve soit après consonne palatale (auquel cas l’on a un glide j) ou à l’initiale devant consonne vélaire, soit après consonne vélaire devant h.

Dans le premier cas, on peut avoir ï, sans que la répartition entre λ (usuel) et ï apparaisse clairement (cf. § 150).

Dans le dernier cas il peut y avoir flottement entre et ö.

λbg̤ʹαb (giubgeab) « bavardage, jacassement » ; λ (ciota) « chope » ; λ (ciuca) « lequel des deux » ; λks (diucs) dans des jurons : hɑnəm ɩnʹ dʲλks (th’ anam ó’n diucs) « le diable t’emporte » ; λlər (fiolar) « aigle » ; flʲλχ (fliuch) « humide » ; λks (giucs) « un mot, une syllabe » ; λ (giolla) « groom, garçon de ferme » ; glʲλgɩrʹɩ (gliogaire) « vantard, fumiste » ; λk (piuc) « une petite quantité, rien du tout » ; λbər (piobar) « poivre » ; ʃλk et ʃʲλk (siuc) « gel » ; ʃλ (siopa) « boutique », sə tʲλ (insan tsiopa) « dans la boutique » ; sb̬ʹrʹλk (spriuc) « pierre levée ».

A l’initiale : λməl (imeall) « bordure » λnəs, ɩ nʲλnəs, λmərkə, λməd alternant avec , cf. § 110.

Pour flottement entre ï et λ, cf. § 150.

§ 171. Devant h : brλh (bruth) « éruption » ; gλh (guth) « voix » ; grλh (gruth) « caillot » ; srλh (sruth) « flot » ; rλh (rith) « courir ».

Pour flottement entre λ et ö, voir § 160.

Certains sujets présentent λ pour devant χ dans lλχ (luch) « souris » et mλχ (moch) « de bonne heure ».

Sons o.

§ 172. Il existe dans le parler plusieurs sons o, mal définis par rapport les uns aux autres, et d’une répartition souvent flottante. Pas plus pour les voyelles d’arrière que pour les voyelles d’avant (cf. § 140) il n’existe en effet une échelle régulière des hauteurs moyennes ou basses. Aux voyelles hautes d’une part, ultra-basses d’autre part, s’oppose un groupe de voyelles moyennes ou basses, qui, ne constituant pas entre elles des oppositions caractéristiques, tolèrent des variations individuelles considérables : c’est ainsi que o꞉ comme e꞉ peut varier depuis la position moyenne large (rigoureusement o) jusqu’à une position très voisine de la position basse ɔ. Ici, comme pour e꞉, les sujets les plus âgés présentent la prononciation la plus basse et la plus ouverte.

À cette cause d’anarchie, commune aux voyelles d’avant et aux voyelles d’arrière, vient s’ajouter la double tendance, propre aux voyelles d’arrière, à une articulation avancée, et à la perte de l’arrondissement (voir plus haut).

§ 173.
o (écrit ó, o).

La voyelle moyenne d’arrière ne se rencontre brève que comme abrègement d’un o꞉ prétonique ou dans quelques proclitiques dont la voyelle pleine serait ɔ ou  ; dans ce dernier cas on a o concurremment à ə.

os ɑ꞉rdʹ (ós áird) « tout haut » ; o hᴜɛgʹ (o thuaidh) « vers le nord » ; χo mah (chomh maith) « aussi bien » ; morɑ̃꞉n (morán) « beaucoup » ; kʲoχɑ̃꞉n (ceochán) « enrouement » ; mo (mo) « mon » ; do (do) « ton » ; go (go) « que » ; bo (budh) « serait ».

§ 174.
o꞉ (écrit ó, , ói).

Voyelle d’arrière arrondie, tendue, de hauteur variable presque basse chez les sujets âgés, moyenne mais large chez les sujets plus jeunes. Il se peut qu’il y ait là un caractère local, l’o꞉ paraissant plus généralement moyen et ouvert dans les paroisses au nord de Dunquin qu’à Dunquin même et au sud-est de Dunquin ; il est cependant difficile de rien affirmer, en l’absence d’une enquête systématique.

o꞉ se rencontre en toutes positions ; après ou devant consonne palatale, o꞉ est précédé ou suivi des glides j, ou i, s’il y a lieu.

bᴜso꞉g (busóg) « petite vague » ; bᴜno꞉k (bunóc) « bébé ».

bo꞉ (bó) « vache » ; bʲo꞉ (beó) « vivant » ; kʲo꞉l (ceól) « musique », gén. kʲo꞉ⁱlʹ (ceóil) ; do꞉bʷɩrʹ (d’fhóbair) « peu s’en fallut » ; fʲo꞉ⁱlʹ (feóil) « viande », gén. fʲo꞉lə (feóla) ; fo꞉d (fód) « motte de terre » : glo꞉r (glór) « voix » ; dʹrʹo꞉ⁱlʲi꞉nʹ (dreóilín) « roitelet » ; mo꞉ (mó) « plus grand » ; o꞉ləs (eolas) « connaissance » avec l’article ɩnʹ tʲo꞉ləs (an t-eólas) ; tro꞉kʷɩrʹɩ (trócaire) « pitié ».

§ 175. Pour le flottement entre o꞉ et ᴜ꞉, cf. § 169.

On trouve õ꞉ pour ã, dans : ʃõ꞉mᵊrə (seomra) « chambre », à côté de ʃãᴜ̃mᵊrə.

§176.
ɔ (écrit o).

ɔ représente une voyelle d’arrière basse, imparfaitement arrondie, tendue.

Si l’on distingue deux variétés de voyelles basses d’arrière (Jespersen, Lehrbuch, 9, 8) l’une légèrement avancée, comme français fort, l’autre rétractée, comme anglais all, c’est à la première de ces variétés qu’on peut rattacher le ɔ de notre parler. Ce phonème se distingue donc seulement par une nuance de , voyelle d’arrière avancée, qui alterne continuellement avec ɔ, soit dans les mêmes conditions, soit même dans les mêmes mots, chez des sujets différents. La répartition de ces deux variétés d’un même phonème que sont ɔ et est une des questions les plus obscures d’un vocalisme, pourtant par ailleurs peu clair (cf. Sommerfelt, Torr, p. 18 et 25).

§ 177. ɔ apparaît en syllabe tonique entre consonnes vélaires, ou à l’initiale devant consonne vélaire : en cette position il y a flottement constant entre ɔ et dans la plupart des exemples que j’ai pu recueillir. Il semble cependant qu’on ait ɔ plus fréquemment devant l, devant χ, g et k, devant h ne faisant pas partie de la même syllabe (mais devant h final, ö, cf. § 159) ; d’autre part, devant occlusive dentale ou labiale, devant s, devant les nasales, on trouve ɔ ou , certains sujets ayant presque partout ɔ, d’autres presque partout .

fɔləv (follamh) « vide » ; gɔl (gol) « pleurer » ; ɔlk (olc) « mauvais » ; mɔlt ou mɔlh (molt) « bélier » ; sɔləs (solas) « lumière » ; χ (loch) « lac » ; klɔχ (cloch) « pierre » ; χt (bocht) « pauvre » ; krɔχə (crochadh) « pendre » ; χəs (tochas) « démangeaison » ; bɔg (bog) « mou, doux » ; kɔgər (cogar) « chuchotement » ; brɔk (broc) « putois » ; ɔkᵊrəs (ocras) « faim » ; sɔkʷɩrʹ (socair) « tranquille ».

srɔhə (srotha), gén. de srλh (sruth) « courant » ; de même rɔhə, de rλh, etc.

On a de même ɔ dans :

brɔsnə (brosna) « fagot » ; kostəs (costas) « dépense » ; ɔsnə (osna) « soupir » ; tɔst (tost) « silence » ; lɔmə (lomadh) « dépouiller » ; krɔmʷɩmʹ (cromaim) « je courbe » ; fɔnəvər (fonnmhar) « désireux » ; sɔnə (sona) « heureux » ; sɔdər (sodar) « trotter » ; tɔbər (tobar) « puits ».

§ 178.
(écrit o, eo, oi).

est une voyelle d’arrière avancée, intermédiaire entre ɔ et ö, légèrement plus haute que ɔ (comme par ailleurs ö). est imparfaitement arrondi.

se rencontre :

1º Soit entre une consonne palatale ou un ancien yod réapparaissant dans le sandhi, et une gutturale vélaire, soit après consonne vélaire devant certaines consonnes palatales (ʃ, ) finales.

2º Entre consonnes vélaires ou à l’initiale devant consonnes vélaires.

§ 179. Dans le premier cas n’interchange jamais avec ɔ :

bʲo̤g (beag) « petit » ; ɩnʲ o̤χʷɩrʹ (an eochair) « la clef » ; dʲo̤kʷɩrʹ (deacair) « difficile » ; sg̬o̤lʹ (scoil) « école », gén. sg̬ölʹɩ (scoile) ; to̤lʹ (toil) « volonté » ; ko̤ʃ (cois), dat. de kɔs (cos), mais gén. köʃɩ (coise).

§ 180. Dans le deuxième cas, s’emploie concurremment avec ɔ, la répartition étant dans une large mesure une question individuelle (cf. § 176) tous les exemples que nous avons cités pour ɔ pourraient donc être répétés ici. Il semble cependant qu’on n’ait jamais devant h appartenant à la syllabe suivante (cf. § 177). On a en revanche ö :

Communément devant nasale : lo̤mʷɩmʹ, so̤nə, kro̤mʷɩmʹ, fo̤nəvər, à côté des formes en ɔ citées § 177 ; do̤nas (donas) « malchance » ; to̤mə (tomadh) « tremper » ; ko̤nəs (connus) « comment ? » (à côté de kᵊno̤s, cf. § 262).

Egalement devant occlusive ou spirante labiale ou dentale : go̤b (gob) « bec » ; o̤bən (obann) « soudain » ; o̤bʷɩrʹ (obair) « travail » ; so̤dər (sodar) « trotter » ; so̤p (sop) « brin de paille » ; o̤v (ubh) « œuf ».

Plus rarement devant s, χ ou l : to̤sɩgʹ (tosaigh), gén. de təsaꞏχ (tosach) « début » ; to̤st (tost) « silence » ; ko̤sɩnʹtʹ (cosaint) « protéger » ; χt (ocht) « huit » ; lo̤χ (loch) « lac » ; so̤ᵊχrɩdʹ (sochraid) « enterrement » ; o̤lən (olann) « laine » ; fo̤lkə (folcadh) « laver » ; et toujours do̤l (dul) « aller ».

ne se rencontre guère devant occlusive gutturale, sauf dans le cas 1º.

§ 181.
ʌ (écrit o, u).

Forme désarrondie de ɔ ou de (la position est en général un peu plus avancée que pour ɔ, assez analogue à ce qu’on a pour ).

ʌ se rencontre en syllabe tonique, entre consonnes vélaires dont l’une est un r, ou à l’initiale devant un r.

kʌr (cor) « fatiguer » ; kʌrhə (cortha) « fatigué » ; dʌrəs (doras) « porte » ; dʌrəχə (dorcha) « sombre » ; dʌrən (dorn) « poing » ; kʌrp (corp) « corps » ; lʌrəg (lorg) « chercher » ; rʌd (rud) « chose » ; tʌr (tor) « buisson » ; ʌrəm (orm) « sur moi ».

On a ʌ devant χ dans : ənʌχt (anocht) « cette nuit » à côté de ənɔχt.

Sons a.

§ 182. La variété des sons a (voyelles ultra-basses) est un des traits caractéristiques du vocalisme.

On a déjà rencontré une voyelle ultra-basse dans la série des voyelles d’avant. Parmi les voyelles d’arrière on doit en reconnaître au moins quatre variétés distinctes :

§ 183.
ᴀ.

Cette voyelle ne se rencontre que comme premier élément des diphtongues ᴀᴜ et ᴀɪ (cf. §§ 199 et 196).

§ 184.
ɑ (écrit a).

Il s’agit d’un ɑ articulé nettement en arrière, assez comparable à l’ɑ de français pas. Chez les sujets jeunes (particulièrement chez les jeunes filles) on entend un ɑ sensiblement plus en avant et se rapprochant de la position neutre, donc intermédiaire entre angl. father et franç. pas.

ɑ se rencontre en syllabe tonique entre consonnes vélaires, ou à l’initiale devant consonne vélaire, excepté devant h, où l’on a a (que l’on a aussi communément devant χ).

ɑgəs (agus) « et » ; ɑrəm (arm) « arme » ; ɑsəl (asal) « âne » ; glɑs (glas) « gris-vert » ; kɑsɩmʹ (casaim) « je tourne » ; lɑg (lag) « faible » ; fɑdə (fada) « long » ; mɑgə (magadh) « plaisanter » ; gɑrəv (garbh) « grossier » ; mɑrk (marc) « signe » ; mɑrəgə (margadh) « marché » ; nɑsg̬ʷɩmʹ (nascaim) « je lie » ; rɑgə (raga) « chose, personne décharnée, coriace » ; sɑlən (salann) « sel » ; tɑkə (taca) « garantie » ; tɑpʷɩgʹ (tapaidh) « rapide ».

§ 185.
ɑ꞉ (écrit á, ái, , a ou ea devant rr).

ɑ꞉ est en général articulé un peu plus en arrière et un peu plus haut que ɑ, donnant l’impression d’une voyelle intermédiaire entre français pâte et anglais all, mais non arrondie ; il en est du moins ainsi chez beaucoup de sujets d’un certain âge, les jeunes gens (et, ici encore, particulièrement les jeunes filles) articulant comme pour ɑ (cf. § 184).

ɑ se rencontre en toutes positions ; après ou devant consonne palatale se développent les glides j ou i ; après consonne palatale il peut y avoir flottement entre ɑ꞉ et a (cf. § 189).

ɑ꞉lʷɩnʹ (álainn) « beau » ; ɑ꞉rɩʃtʹi꞉ (áraistí) « ustensiles » ; əbᵊlɑ꞉ⁱlʹ (abláil) « bricoler » ; bɑ꞉s (bás) « mort », gén. bɑ꞉ʃ, bɑ꞉ⁱʃ (báis) ; bɑ꞉r (barr) « sommet » ; blɑ꞉h (bláth) « fleur » ; kɑ꞉rdʹɩ (cairde), plur. de kɑrə (cara) « ami » ; dɑ꞉ⁱlʹ (dáil) « réunion » ; fɑ꞉ⁱlʹtʹɩ (fáilte) « bienvenue » ; gʲɑ꞉rkəχ (gearrcach) « oison » ; kaʃlʲɑ̃꞉n ou kaʃlʹɑ̃꞉n (caisleán) « château » ; mɑ꞉ⁱrʹɩ (Máire) « Marie » ; mnɑ̃꞉ (mná), plur. de αn (bean) « femme » ; nɑ꞉ⁱrʹɩ (náire) « honte » ; lɑ̃꞉v (lámh) « main » ; lɑ꞉ⁱdʹɩrʹ (láidir) « robuste » ; rɑ꞉ (rádh) « dire » ; sɑ꞉vɑ꞉ⁱltʹ (sábháil) « écono­miser » ; tɑ꞉ (tá) « (il) est» ; trɑ꞉h (tráth) « une fois ».

§ 186.
a (écrit ai, a devant th ou ch).

a est une voyelle ɑ de position neutre, très basse, analogue à la voyelle d’anglais father.

a se rencontre : 1º à l’initiale ou après consonne vélaire devant consonne palatale ; 2º après consonne vélaire devant h final ou χ (en général a est demi-long dans ce dernier cas).

1º Devant consonnes palatales :

Quand a est à l’initiale absolue il y a tendance vers la position d’avant α.

hɑr naʃ (thar n‑ais) « de retour ».

braʃtʹɩnʹtʹ (braistint) « sentir » ; brahɩm (braithim) « je sens » ; baʃtʹɩ (baisteadh) « baptême » ; banʹɩ (bainne) « lait » ; kalʹɩmʹ (caillim) « je perds » ; daŋʹgʹən (daingean) « solide » ; ganʲəv (gaineamh) « sable » ; marʹɩgʹ (mairg) « dommage » ; madʹɩnʹ (maidin) « matin » ; tarʹɩvʹ (tairbh), gén. de tɑrəv (tarbh) « taureau » ; taʃ (tais) « humide ».

§ 187. Flottement entre a et α : ahʹɩnʹɩ et αhʹɩnʹɩ (aithne) « connais­sance » ; de même : ahɩrʹ (athair) « père » ; a (ait) « bizarre » ; agʹɩnʹɩ (aigne) « esprit » ; aʃtʹɩ, dans ɛr ən aʃtʹɩ ʃɩnʹ (ar an aiste sin) « de cette façon » ; ahɩʃ (aithis) « humili­ation » ; arʹɩgʹəd (airgead) « argent » ; arʹɩ (aire) « attention », etc. ; tous les mots de ce type ont tendance à être prononcés : αhɩrʹ, αʃtʹɩ, αgʹɩnʹɩ (aigne), etc.

§ 188. 2º

dah (dath) « couleur » ; mah (maith) « bien » ; kah (cath) « combat » ; ɛ brah (ag braith) « dépendant » ; rah (rath) « chance » ; nah (nath) « attention », dans nʹiꞏ χʷɪrʹɩmʹ ᴇ̈꞉ᵊn nah ᴀᴜn (ní chuirim aon nath ann) « je n’y prête aucune attention ».

bəkaχ ou bəkaχ (bacach) « boiteux » ; səlaχ (salach) « sale », etc. ; voir les exemples cités § 261.

§ 189.
a (écrit , ea devant rr).

a est la voyelle longue correspondant à a.

a se rencontre parfois pour ɑ꞉ après consonne palatale, ou entre consonnes palatales ꞉

a꞉r ou fʲɑ꞉r (fearr) « meilleur » ; a꞉r ou gʲɑ꞉r (gearr) « court, proche (dans le temps) » ; a꞉rhə et bʲɑ꞉rhə (bearrtha) « rasé » ; ɩ çã꞉ⁱn ou ɩ çɑ̃꞉ⁱnʹ (a Sheáin) « Jean ! » ; vocatif de ʃɑ̃꞉n (Seán) « Jean » ; mʹⁱnʲa꞉l et mʹⁱnʲɑ꞉l (muineál) « cou » ; ɩnʲa꞉l ou ɩnʲɑ꞉l (anál) « haleine » ; kʹɩmʲa꞉d et kʹɩmʲɑ꞉d (coimeád) « garder ».