Phonétique d’un parler irlandais de Kerry/3-5

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Troisième partie. Le groupe. La syllabe. Le mot. La phrase.
Chapitre V. — L’accent


Chapitre V
L’accent

§ 259. L’accent est un accent d’intensité, d’une énergie consi­dérable. Une syllabe tonique peut soutenir deux ou trois syllabes atones (cf. fɔhərəgə, § 273) ; pour l’action exercée par l’accent sur les voyelles atones, voir chapitre suivant.

L’accent d’un mot est déterminé en fonction de sa quantité et n’a donc pas de valeur caracté­ristique.

Le fait qui domine l’accentuation du parler est que l’accent frappe l’initiale (toutes choses égales d’ailleurs), mais est attiré par les voyelles longues (ou par certains groupes, comme aχ, aχt) toutes les fois que l’initiale est une brève.

Cette règle générale com porte au reste des applications et exceptions diverses.

§ 260. Disyllabes :

Type ⏑⏑ (les signes de brève et de longue se réfèrent aux voyelles) : l’accent est en principe sur l’initiale ; ˈsɔləs (solas) « lumière » ; ˈanʹɩmʹ (ainm) « nom ».

Mais il faut tenir compte de trois types d’exceptions :

1º Les mots anciennement composés avec un premier terme proclitique ; l’accent demeure sur le deuxième terme :

ɩ'nʹαs (andeas) « qui vient du Sud » ; ɩˈnʲλv (indiubh) « aujourd’hui » ; ɩˈʃtʹα·χ (isteach) « dans (avec mouvement) » ; ɩˈʃtʹigʹ (istigh) « dans (sans mouvement) » ; ɩˈmʹαsg̬ (ameasc) « parmi » ; əˈnɪʃ (anois) « main­tenant », etc.

§ 261. 2º Les noms terminés par a·χ, aχt ; la durée de la voyelle varie avec les individus, mais est plus souvent demi-longue ou brève que longue, quoique, étant donné la durée de la spirante, la syllabe soit toujours longue, ce qui peut expliquer l’influence exercée sur l’accent ; aχ, aχt portent l’accent, quand la voyelle brève de la première syllabe n’est suivie ni de h, ni d’un groupe de consonnes autre que les groupes formés par r + occlusive sourde ou sifflante.

On a ainsi :

bəʹka·χ (bacach) « boiteux » ; səʹlχ (salach) « sale » ; kᵊˈlʲα·χ (cailleach) « vieille femme » ; pərˈʃα·χ (pairseach) « porridge » ; pərˈtχ (portach) « marais, tourbière » ; məˈlaχt (mallacht) « malé­diction » ; gʹɩˈrχt (giorracht) « proximité » (pour məˈlaχtu:, cf. § 268).

Mais avec l’accent sur l’initiale : ˈkʹαχ (ceathach) « pluvieux » ; ˈfɑhəχ (fathach) « géant » ; ˈsɑhəχ (sathach) « récipient » ; et ˈɔkᵊrəχ (ocrach) « affamé » ; ˈködʹⁱrʹəχ (coidreach) « sociable » ; ˈlasᵊrəχ (lasrach) « éclair ».

Naturellement, il en est de même dans les cas où une ancienne voyelle svara­bhaktique a fait du disyllabe un tri­syllabe : ˈfʹαmənəχ (feamnach) « goémon » ; ˈdʹαləgəχ (dealgach) « épineux ». D’autre part, ˈbro:nəχ (brónach) « triste » ; ˈe:ʃtʹəχt (éisteacht) « se taire », etc., cf. § 263.

§ 262. 3º Dans un certain nombre de mots consti­tués par deux brèves, la première syllabe étant ouverte et la seconde fermée, l’accent est passé sur la seconde syllabe (la première tend à se syncoper, cf. chap. vi).

bᵊˈlah ou ˈblah (boladh) « odeur » ; kᵊˈlöh ou ˈklöh (culaith) « costume » ; kᵊˈnʌs (connus) « comment », à côté de ˈkɔnəs ; ˈχnᴜk (chonnac) « je vis » ; ˈχnɪkʹ (chonnaic) « il vit » (et par analogie ˈχnɔkədər (chonnac­adar) « ils virent »), etc., sont régulière­ment syncopés, et sont devenues mono­sylla­biques ; təˈrʌs ou ˈtrʌs (turus) « voyage » ; tʹⁱˈrʹimʹ ou ˈtʹrʹimʹ (tirim) « sec » ; mʹɩˈnʹikʹ (minic) « souvent » ; sb̬ʹⁱˈrʹidʹ (spioraid) « esprit » ; enfin les composés avec pronoms person­nels de la prépo­sition ɛg (ag) « à » : əˈgɑm (agam) « à moi » ; əˈgɑt (agat) « à toi » ; ɩˈgʹɛ (aige) « à lui » ; ɩˈkʹi (aici) « à elle » ; əˈgʷɪnʹ (againn) « à nous » ; əˈgʷɪvʹ (agaibh) « à vous » ; əˈkɑ (aca) « à eux ».

§ 263. Type ˍ⏑ : l’accent est sur la première syllabe : kʹe:lʹɩ (céile) « compagnon, mari ».

§ 264. Type ˍˍ : l’accent est partagé, avec tendance à accentuer davantage la deuxième syllabe, la première pouvant alors être demi-abrégée ; ˌᴜ:ˈrɑ̃:n, ˌᴜ·ˈrɑ̃:n (amhrán) « chant » ; ˌëiˈrʹi: (eirighe) « se lever » ; ˌmo·ˈrɑ̃:n (mórán) « beaucoup ».

§ 265. Type ⏑ˍ : accent sur la deuxième syllabe, la première syllabe pouvant être syncopée (chap. vi) : kaˈlʹi:nʹ (cailín) « jeune fille ».

§ 266. Trisyllabes :

Type ⏑⏑⏑ : l’accent est sur la première syllabe, les deux autres restant atones : ˈkʹαpəhə (ceap­aighthe) « compris » ; ˈhigədər (thuig­eadar) « ils com­prirent » ; ˈbɑgərhəχ (bagar­thach) « menaçant ».

Noter cependant kʷɪˈdʹαχ (cuideachta) « compagnie », comme məˈlaχt, et même kəˈsaχχ (casacht­ach) « toux ».

Type ˍ⏑⏑ : accent sur la première syllabe : ˈtᴜ:ləkʷɩmʹ (tionnlacaim) « j’accom­pagne ».

§ 267. Type ⏑ˍ⏑ : accent sur la deuxième syllabe, avec tendance à syncoper la première (chap. vi) : təˈmɑ:ⁱnʹɩmʹ (tiomáinim) « je conduis (une voiture) ».

§ 268. Type ⏑⏑ˍ : accent sur la troisième syllabe, avec accent secon­daire sur l’initiale : ˌɑməˈdɑ̃:n (amadán) « idiot » ; ˌpɔtəˈχɑ̃:n (potachán) « lapereau ».

Noter cependant : kʷɩˈdʹαχˌtᴜ:ⁱlʹ (cuideachteamhail) « sociable » ; məˈlaχˌtᴜ: (mallacht­ughadh) « maudire », comme kʷɩˈdʹαχ et mᵊˈlaχt.

§ 269. Type ˍˍ⏑ : l’accent frappe la seconde longue, la longue initiale con­servant un accent secon­daire et tendant cependant à s’abréger : ˌklᴜəˈsɪ:ᵊχt (cluasuíocht) « chuchoter » ; ˌbɑ:ˈdo:ⁱrʹəχt (bádóireacht) « se promener en barque » (souvent prononcé bɑˈdo:ⁱrʹəχt).

§ 270. Type ⏑ˍˍ : l’accent est partagé entre les deux longues, avec tendance à faire pré­dominer la longue finale, à moins cependant que celle-ci ne soit une désinence flexion­nelle (e. g. plurielle) auquel cas l’accent principal reste à la place qu’il occupait avant adjonc­tion de la désinence : αʃˌtʹrʹᴜ:ˈχɑ̃:n (aistriuchán) « traduc­tion », mais kaˈlʹi:ˌnʹi: (cailíní), plur. de kaˈlʹi:nʹ (cailín) « jeune fille » ; de même dalʹˈtʹi:ˌnʹi: (dailtíní), de dalʹˈtʹi:nʹ (dailtín) « personne contra­riante ».

§ 271. Type ˍ⏑ˍ : accent partagé presque également entre les deux longues, avec tendance, au reste peu nette, à faire prédo­miner la première ; ˈbʹrʹo:tʹəˈχɑ̃:n (breóiteachán) « personne maladive » ; ˈo:lɩˌmʹi:ʃtʹ (ólaimís) « nous avions coutume de boire ».

§ 272. Type ˍˍˍ : l’accent principal frappe la deuxième longue, un accent secon­daire frappe la finale, la première longue tendant à s’abréger : trɑ:nˈho:ⁱnʹˌtʹi: (tráthnóintí) « soirées ».

§ 273. Mots de quatre syllabes :

L’accent frappe la longue ou, à son défaut, l’initiale. Quand ces mots com­portent deux longues, la première est en général la plus accentuée, la seconde faisant partie d’un suffixe ou d’une désinence. Au cas où l’accent dépasse la deuxième syllabe en partant de l’initiale, il se développe un accent secon­daire sur la troisième syllabe en remontant à partir de la syllabe accentuée ; il n’y a donc jamais deux syllabes atones pré­toniques de suite ; mais il peut y avoir deux et trois syllabes atones post­toniques de suite.

ˌstrɑpəˈdo:ⁱrʹəχt (strapadóireacht) « escalade » ; kʷɩˌdʹαχtəˈnᴜ:ⁱlʹ (cuideacht­anamhail) « sociable » ; χəmʲɑ:dɩˌdʹi:ʃtʹ (choimeádaidís) « ils avaient coutume de garder » ; mais : ˈmɑ:hɩrʹᵊχə (máithreacha), plur. de mɑ:hɩrʹ (máthair) « mère » ; ˈfɔhərəgə (foth­ragadh) « hâte, affole­ment ».

§ 274. Les mots de cinq syllabes (non composés) sont en général des formes flexion­nelles de mots plus courts, et gardent l’accent à la même place que ces mots : ˌstrapəˈdo:ⁱrʹəχ (strapadóireachta), gén. de ˌstrɑpəˈdo:ⁱrʹəχt.

§ 275. Accent dans les mots composés :

En règle générale, l’accent frappe le deuxième terme, si ce terme comporte une longue. Dans le cas contraire, l’accent frappe le premier terme, même si celui-ci est également bref. Ceci, quelle que soit la nature gramma­ticale ou le nombre de syllabes du premier terme.

Le terme qui ne reçoit pas l’accent principal garde un accent secon­daire ; cet accent est souvent sensible­ment égal à l’accent principal, si bien qu’on peut parfois consi­dérer les deux termes comme indépen­dants au point de vue de l’accent.

Premier terme ne comportant pas de voyelle longue :

ˈɑnəˌjαs (ana-dheas) « très joli » ; ˈɑnəˌvʲo̤g (ana-bheag) « très petit », mais ˌαnəˈvᴜ·ər (ana-mhór) « très grand » ; de même ˈɑnəˌvʹαn (ana-bhean) « une excel­lente femme » ; ˌɑnə-ˈhlɑ̃:ⁱnʹtʹɩ (ana-shláinte) « une excel­lente santé » ; ˈnʹαˌhɔkʷɩrʹ (neamh-shocair) « agité », mais ˌnʹαˈmʷᴇ̈:ᵊχ (neamh-bhuidh­each) « ingrat ».

ˈdʹαrəgˌvadʹɩnʹ (dearg-mhaidin) « le petit jour », litt. « l’aube rouge », mais ˌdʹαrəgˈnɑ:ⁱrʹɩ (dearg-náire) « grand honte », litt. « honte rouge ».

ˈʃαnˌdɪnʹɩ (seanduine) « vieillard » ; ˈʃαnəˌvʹαn (seana­bhean) « vieille femme », mais ˌʃαnəˈvro:g (seana-bhróg) « vieux soulier », d’où « histoire rebattue ».

ˈlʹαˌχᴜmə (leathchuma) « partialité », mais ˌlʹαˈʃg̬ʹì:al (leath­sgéal) « excuse ».

§ 276. Premier terme comportant une voyelle longue :

ˈmʹi:ˌvlɑs (mí-bhlas) « mauvais goût », mais ˌmʹi·ˈǥlʹì:as (mí-ghléas ghléas) « mauvais état de fonc­tionne­ment» ; ˌmʹi·ˈnɑ:ⁱrʹəχ (mí-náireach) « éhonté ».

De même ˌdʹi·ˈkʹe:lʹɩ (díthcéille) « folie » ; ˌkwᴇ̈:ᵊχrᴜ·ə (caoch-ruadh) « maladie des pommes de terre » ; ˌlᴀᴜmˈᴇ̈:stə (lom-aosta) « d’un certain âge » ; ˌᴀᴜnˈro: (annró) « cata­strophe » ; ˌro:ˈᴇ̈:stə (ro-aosta) « trop âgé » ; mais : ˈrɪ:ˌvah (rí-mhaith) « excellent » ; ˈkʷᴇ̈:ᵊlˌχʷɩdʹ (caol-chuid) « toute petite partie » ; ˈdʹi·ənˌvah (dian-mhaith) « excellent » ; ˈlᴀᴜmˌçαrt (lom-cheart) « droit strict » ; ˈro:ˌjαl (ro-gheal) « trop brillant » ; ˈᴀᴜnˌçαrt (anncheart) «injustice ».

§ 277. Composés formés de trois termes :

ˌbᴜnöʃˈg̬ʲᴜ:n (bun ós cionn) « cul par-dessus tête » ; ˌdʌləvᵊˈlχ (dul-í-bhfolach) « cache-cache » ; ˌkʹimʹɩləˈvɑ:ⁱlʹi·nʹ (címil an mháilín) « tiraille­ment, tracasse­ment ».

Pour les proclitiques et enclitiques, voir chap. xi.