Recherches sur la culture de la pomme de terre industrielle et fourragère/Préface

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PRÉFACE DE LA DEUXIÈME ÉDITION.





L’agriculture française a fait, à mes Recherches sur la culture de la pomme de terre, un accueil que je n’aurais pas osé espérer.

L’édition que MM. Gauthier-Villars et fils avaient offerte au public en 1889 a été épuisée en dix-huit mois, malgré le prix élevé que l’annexion des belles héliogravures de M. P. Dujardin avait forcé de fixer pour chaque exemplaire.

Pour répondre aux nombreuses demandes que je reçois, je me décide à faire de ces Recherches une édition nouvelle celle-ci, je l’espère, trouvera près du public agricole le même accueil que la précédente.

Depuis l’époque, peu éloignée cependant, où la première édition a paru, la question que j’abordais alors a complètement changé de face.

A nos agriculteurs j’apportais, en 1889, le fruit de quatre années d’études, mais ces études m’étaient absolument personnelles.

Attaché à la recherche d’une pratique agricole qui permît la régénération en France de la culture si arriérée de la pomme de terre, j’avais, peu à peu, pendant ces quatre années, élargi le cercle de mon action. Prenant pour guide exclusif la méthode scientifique, j’avais marché lentement d’observation en observation, multipliant les démonstrations que m’apportaient des cultures modestes pour, ensuite, appliquer sur des surfaces étendues les préceptes dont ces démonstrations m’avaient permis d’établir l’efficacité.

C’est ainsi qu’en 1889 je pouvais faire connaître les résultats remarquables que m’avait fournis, l’année précédente, l’application de ces préceptes sur un champ d’un hectare, et que, confiant dorénavant dans la valeur des procédés culturaux auxquels j’avais été conduit, je croyais ne pas faire acte de témérité en présentant aux agriculteurs français le fruit de mes recherches.

Ces recherches ont porté leurs fruits ; grâce à la libéralité de M. le Ministre de l’Agriculture et à l’appui éclairé de mon savant ami M. Tisserand, directeur de l’Agriculture, j’ai pu leur donner une grande publicité.

Une variété remarquable entre toutes par son rendement en poids et sa richesse en fécule, la variété Richter’s Imperator, devait être le principal instrument de cette publicité. Cultivée suivant les procédés rationnels que j’avais peu il peu combinés, cette variété avait fourni, sur mes cultures, des résultats inconnus jusqu’alors. J’ai été autorisé par M. le Ministre de l’Agriculture ü distraire du produit obtenu dans ces conditions sur la ferme de la Faisanderie, à Joinville-le-Pont, des quantités importantes de plant qui, gratuitement, ont été mises à la disposition du plus grand nombre d’agriculteurs possible. Aujourd’hui, tous les professeurs départementaux d’agriculture, tous les directeurs d’Écoles pratiques et de Fermes-écoles, nombre d’agriculteurs également, étrangers à l’Administration, ont reçu du plant trié et sélectionné par moi en quantité suffisante pour pouvoir entreprendre, chacun dans sa région, la vulgarisation non seulement de la variété, mais aussi et surtout des procédés culturaux qui seuls peuvent assurer les rendements maxima.

Tenu par tous ces collaborateurs, dont le nombre, dès 1890, a dépassé la centaine, au courant de leurs travaux, instruit des résultats qu’ils obtenaient, j’ai pu ainsi centraliser des documents nombreux dont l’analyse apporte aux procédés que je préconise une force particulière.

C’est par la publication de ces documents que la deuxième édition de mes Recherches se distingue surtout de la première ce n’est plus moi seul qui parle ; ce sont les cent et quelques agriculteurs qui ont bien voulu avoir confiance en moi et me suivre, qui apportent à leurs confrères la sanction que leur pratique a donnée à mes travaux.

Ceux-ci les écouteront, je l’espère ; la voie du progrès est, aujourd’hui, entièrement déblayée, l’élan est donné de tous côtés ; au moment où j’écris cette préface, plus de mille cultivateurs me demandent les moyens de suivre leurs devanciers, et, si rien ne vient contrarier ce mouvement, on verra bientôt la culture de la pomme de terre industrielle et fourragère en France atteindre un degré de prospérité qu’elle n’a jamais connu, que ne connaissent même pas les plus habiles parmi nos concurrents de l’étranger.

Aimé Girard.

1891.