« Page:Dostoïevski - Carnet d’un inconnu 1906.djvu/152 » : différence entre les versions
État de la page (Qualité des pages) | État de la page (Qualité des pages) | ||
- | + | Page validée | |
Contenu (par transclusion) : | Contenu (par transclusion) : | ||
Ligne 1 : | Ligne 1 : | ||
⚫ | |||
moi, eh bien, tu resteras ici |
|||
⚫ | |||
moi, je quitterai cette maison sur-le-champ. J’ai dit. Va-t-en ! |
|||
— Il me semble que vous êtes un peu sévère, remarqua très |
— Il me semble que vous êtes un peu sévère, remarqua très mollement Obnoskine. |
||
mollement Obnoskine. |
|||
— En effet ! c’est très juste ! s’exclama mon oncle. Mais il s’arrêta |
— En effet ! c’est très juste ! s’exclama mon oncle. Mais il s’arrêta et se tut. Foma le couvait d’un regard sombre. |
||
et se tut. Foma le couvait d’un regard sombre. |
|||
— Je m’étonne, Paul Sémionovitch, de l’attitude des écrivains contemporains, de ces poètes, de ces savants, de ces penseurs, déclara-t-il. Comment ne se préoccupent-ils pas des chansons que chante en dansant le peuple russe ? Qu’ont fait jusqu’à présent tous ces Pouchkine, tous ces Lermontov, tous ces Borozdine ? Je reste songeur. Le peuple danse la Kamarinskaïa, cette apothéose de l’ivrognerie, et eux, pendant ce temps-là, ils chantent les myosotis ! C’est une question sociale ! Qu’ils me montrent un paysan, s’il leur plaît, mais un paysan sublime, un villageois, dirai-je, et non un paysan. Qu’ils me le montrent dans toute sa simplicité, ce sage villageois, fût-il même chaussé de laptis<ref><small>''Laptis'', sandales en écorce de bouleau.</small></ref> — faisons cette concession ! — |
|||
— Je m’étonne, Paul Sémionovitch, de l’attitude des écrivains |
|||
contemporains, de ces poètes, de ces savants, de ces penseurs, |
|||
déclara-t-il. Comment ne se préoccupent-ils pas des chansons que |
|||
chante en dansant le peuple russe ? Qu’ont fait jusqu’à présent |
|||
tous ces Pouchkine, tous ces Lermontov, tous ces Borozdine ? Je |
|||
reste songeur. Le peuple danse la Kamarinskaïa, cette apothéose de |
|||
l’ivrognerie, et eux, pendant ce temps-là, ils chantent les |
|||
myosotis ! C’est une question sociale ! Qu’ils me montrent un |
|||
paysan, s’il leur plaît, mais un paysan sublime, un villageois, |
|||
dirai-je, et non un paysan. Qu’ils me le montrent dans toute sa |
|||
simplicité, ce sage villageois, fût-il même chaussé de laptis |
|||
<ref><small>''Laptis'', sandales en écorce de bouleau.</small></ref> — faisons cette concession ! — |
Version du 4 février 2011 à 12:54
moi, eh bien, tu resteras ici pour consoler les maîtres en leur dansant la Kamarinskaïa ; quant à moi, je quitterai cette maison sur-le-champ. J’ai dit. Va-t-en !
— Il me semble que vous êtes un peu sévère, remarqua très mollement Obnoskine.
— En effet ! c’est très juste ! s’exclama mon oncle. Mais il s’arrêta et se tut. Foma le couvait d’un regard sombre.
— Je m’étonne, Paul Sémionovitch, de l’attitude des écrivains contemporains, de ces poètes, de ces savants, de ces penseurs, déclara-t-il. Comment ne se préoccupent-ils pas des chansons que chante en dansant le peuple russe ? Qu’ont fait jusqu’à présent tous ces Pouchkine, tous ces Lermontov, tous ces Borozdine ? Je reste songeur. Le peuple danse la Kamarinskaïa, cette apothéose de l’ivrognerie, et eux, pendant ce temps-là, ils chantent les myosotis ! C’est une question sociale ! Qu’ils me montrent un paysan, s’il leur plaît, mais un paysan sublime, un villageois, dirai-je, et non un paysan. Qu’ils me le montrent dans toute sa simplicité, ce sage villageois, fût-il même chaussé de laptis[1] — faisons cette concession ! —
- ↑ Laptis, sandales en écorce de bouleau.