« Monologue du Franc Archier de Baignollet » : différence entre les versions

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Version du 11 mars 2015 à 10:35

Œuvres complètes de François Villon, Texte établi par éd. préparée par La Monnoye, mise à jour, avec notes et glossaire par M. Pierre JannetA. Lemerre éd. (p. 122-135).

Ainsi que fut Nabugodonosor ;
Ou bien ait perte aussi griefve et villaine
Que les Troyens pour la prinse d’Heleine ;
Ou avallé soit avec Tantalus
Et Proserpine aux infernaulx pallus,
Ou plus que Job soit en griefve souffrance,
Tenant prison en la court Dedalus,
Qui mal vouldroit au royaume de France !

Quatre mois soit en un vivier chantant,
La teste au fons, ainsi que le butor ;
Ou au Grand-Turc vendu argent contant,
Pour estre mis au harnois comme un tor ;
Ou trente ans soit, comme la Magdelaine,
Sans vestir drap de linge ne de laine ;
Ou noyé soit, comme fut Narcisus ;
Ou aux cheveux, comme Absalon, pendus,
Ou comme fut Judas par desperance,
Ou puist mourir comme Simon Magus,
Qui mal vouldroit au royaume de France !

D’Octovien puisse venir le temps :
C’est qu’on luy coule au ventre son trésor ;
Ou qu’il soit mis entre meules flotans ;
En un moulin, comme fut saint Victor ;
Ou transgloutis en la mer, sans haleine,
Pis que Jonas au corps de la baleine ;
Ou soit banny de la clarté Phœbus,
Des biens Juno et du soulas Venus,
Et du grant Dieu soit mauldit à outrance,
Ainsi que fut roy Sardanapalus,
Qui mal vouldroit au royaume de France !

ENVOI.

Prince, porté soit des clers Eolus,
En la forest où domine Glocus,
Ou privé soit de paix et d’espérance,
Car digne n’est de posseder vertus,
Qui mal vouldroit au royaume de France !

LE JARGON OU JOBELIN
DE MAISTRE
FRANÇOIS VILLON.

BALLADE I.


A Parouart, la grand Mathe Gaudie,
Où accollez sont duppez et noirciz,
De par angels suyvans la paillardie,
Sont greffiz et prins cinq ou six.
Là sont bleffeurs, au plus hault bout assis
Pour l’evagie, et bien hault mis au vent.
Escevez-moy tost ces coffres massis !
Ces vendengeurs, des ances circoncis,
S’embrouent du tout à néant…
Eschec, eschec, pour le fardis !

Brouez-moy sur ces gours passans,
Advisez-moy bien tost le blanc,
Et pictonnez au large sur les champs :
Qu’au mariage ne soyez sur le banc
Plus qu’un sac de plastre n’est blanc.

Si gruppez estes des carireux,
Rebignez-moy tost ces enterveux,
Et leur montrez des trois le bris :
Que clavés ne soyez deux et deux…
Eschec, eschec, pour le fardis !

Plantez aux hurmes vos picons,
De paour des bisans si très-durs,
Et, aussi, d’estre sur les joncs,
En mahe, en coffres, en gros murs.
Escharricez, ne soyez durs,
Que le grand Can ne vous fasse essorer.
Songears ne soyez pour dorer,
Et babignez tousjours aux ys
Des sires, pour les debouser…..
Eschec, eschec, pour le fardis !

ENVOI.

Prince Froart, dit des Arques Petis,
L’un des sires si ne soit endormis,
Levez au bec, que ne soyez griffis,
Et que vous n’en ayez du pis…..
Eschec, eschec, pour le fardis !



BALLADE II.

Coquillars, narvans à Ruel,
Men ys vous chante que gardez
Que n’y laissez et corps et pel,
Com fist Colin de l’Escaillier,
Devant la roe babiller

Il babigna, pour son salut.
Pas ne sçavoit oingnons peller,
Dont Lamboureur lui rompt le suc.

Changez, andossez souvent,
Et tirez tout droit au tremble,
Et eschicquez tost en brouant,
Qu’en la jarte ne soyez ample.
Montigny y fut, par exemple,
Bien estaché au halle-grup,
Et y jargonnast-il le temple,
Dont Lamboureur lui rompt le suc.

Gailleurs, bien faitz en piperie,
Pour ruer les ninars au loing,
A l’assault tost, sans suerie !
Que les mignons ne soient au gaing,
Tout farcis d’un plumas à coing,
Qui griefve et garde le duc,
Et de la dure si très loing,
Dont Lamboureur luy rompt le suc.

ENVOI.

Prince, arrière de Ruel,
Et n’eussiez vous denier ne pluc,
Que au giffle ne laissez la pel,
Pour Lamboureur, qui rompt le suc.



BALLADE III.

Spélicans,
Qui, en tous temps,
Avancez dedans le pogois,
Gourde piarde,
Et sur la tarde,
Desboursez les pauvres nyais,
Et pour soustenir vostre pois,
Les duppes sont privez de caire,
Sans faire haire,
Ne hault braiere,
Mais plantez ils sont comme joncz,
Pour les sires qui sont si longs.

Souvent aux arques,
À leurs marques,
Se laissent tous desbouser
Pour ruer,
Et enterver
Pour leur contre que lors faisons.
La fée aux Arques vous respond,
Et rue deux coups, ou bien troys,
Aux gallois.
Deux, ou troys
Mineront trestout aux frontz,
Pour les sires qui sont si longs.

Et pour ce, benards,
Coquillars,
Rebecquez-vous de la montjoye,

Qui desvoye
Votre proye,
Et vous fera de tout brouer ;
Par joncher
Et enterver,
Qui est aux pigeons bien cher :
Pour rifler
Et placquer
Les angels de mal tous rondz,
Pour les sires qui sont si longs.

ENVOI.

De paour des hurmes
Et des grumes,
Rassurez-vous en droguerie
Et faerie,
Et ne soyez plus sur les joncz,
Pour les sires qui sont si longs.



BALLADE IV.

Saupicquetz frouans des gours arques,
Pour deshouser, beau sire dieux,
Allez ailleurs planter vos marques !
Benards, vous estes rouges gueux.
Berard s’en va chez les joncheux
Et babigne qu’il a plongis.
Mes frères, soiez embrayeux
Et gardez les coffres massis.

Se gruppez estes, desgrappes
De ces angels si graveliffes ;

Incontinent, manteaulx et cappes,
Pour l’emboue ferez eclipses ;
De vos sarges serez besifles,
Tout debout et non pas assis.
Pour ce, gardez d’estre griffes
Dedens ces gros coffres massis.

Nyais qui seront attrapez,
Bientost s’en brouent au Halle,
Plus ne vault que tost ne happez
La baudrouse de quatre talle.
Des tires fait la hairenalle,
Quand le gosser est assiegis,
Et si hurcque la pirenalle,
Au saillir des coffres massis.

ENVOI.

Prince des gayeulx, à leurs marques,
Que voz contres ne soient griffis.
Pour doubte de frouer aux arques,
Gardez-vous des coffres massis.



BALLADE V.

Joncheurs, jonchans en joncherie,
Rebignez bien où joncherez ;
Qu’Ostac n’embroue vostre arrerie,
Où acollez sont vos ainsnez.
Poussez de la quille et brouez,
Car tost seriez roupieux.
Eschet qu’acollez ne soyez,
Par la poe du marieux.

Bendez-vous contre la faerie,
Quanques vous aurez desbousez,
N’estant à juc la riflerie
Des angelz et leurs assosez.
Berard, se povez, renversez,
Si greffir laissez voz carieux ;
La dure bientost renversez,
Pour la poe du marieux.

Entervez à la floterie,
Chantez-leur trois, sans point songer.
Qu’en artes ne soyez en surie,
Blanchir vos cuirs et essurger.
Bignez la mathe, sans targer ;
Que vos ans ne soyent ruppieux !
Plantez ailleurs contre assiéger,
Pour la poe du marieux.

ENVOI.

Prince Benard en Esterie,
Querez coupans pour Lamboureux
Et autour de vos ys tuerie,
Pour la poe du marieux.



BALLADE VI.

Contres de la gaudisserie,
Entervez tousjours blanc pour bis,
Et frappez, en la hurterie,
Sur les beaulx sires bas assis.
Ruez de feuilles cinq ou six,
Et vous gardez bien de la roe,

Qui aux sires plante du gris,
En leur faisant faire la moe.

La giffle gardez de rurie,
Que vos corps n’en ayent du pis,
Et que point, à la turterie,
En la hurme ne soyez assis.
Prenez du blanc, laissez du bis,
Ruez par les fondes la poe,
Car le bizac, à voir advis,
Faict aux Beroars faire la moe.

Plantez de la mouargie,
Puis ça, puis là, pour l’artis,
Et n’espargnez point la flogue
Des doulx dieux sur les patis.
Vos ens soyent assez hardis,
Pour leur avancer la droe ;
Mais scient memorandis,
Qu’on ne vous face la moe.

ENVOI.

Prince, qui n’a bauderie
Pour eschever de la soe,
Danger du grup, en arderie,
Faict aux sires faire la moe.


Fin des œuvres de maistre
François Villon.


POÉSIES
ATTRIBUÉES À VILLON


I. RONDEL.


Les biens dont vous estes la dame
Ont mon cueur si très fort espris,
Qu’il feust mort, s’il n’eust entrepris
De vous aymer plus que nul ame.

Quant à moy, point je ne l’en blasme,
Pour ce qu’ilz ont de tous le pris
Les biens dont vous estes la dame.

De ce qu’il fault que je vous ayme,
Je sçay trop bien que j’ay mespris ;
Mais qui en doit estre repris ?
Non pas moi. Qui donc ? Sur mon ame,
Les biens dont vous estes la dame.


II. RONDEL.

A bien juger mon propre affaire
Et piteux cas, sans riens en taire,

Plus qu’autre croire me debvez,
Se par advanture n’avez
Information de contraire.

Celle ou celluy qui m’a brassé
Ce maulvais los et pourchassé
Me het et ne vous ayme pas ;
Mais il quiert que soye chacié
De vostre amour et effacié.
Je congnois bien telz advocas.

Se vous avez voulu refaire
Leur voulenté pour me deffaire,
Vous faictes mal et me grevez.
Considerez que vous sçavez
Qu’onc vers vous ne voulus meffaire
A bien juger.


III. RONDEL.

Une fois me dictes ouy,
En foy de noble et gentil femme ;
Je vous certifie, ma Dame,
Qu’oncques ne fuz tant resjouy.

Veuillez le donc dire selon
Que vous estes benigne et doulche,
Car ce doulx mot n’est pas si long
Qu’il vous face mal en la bouche.

Soyez seure, si j’en jouy,
Que ma lealle et craintive ame
Gardera trop mieulx que nul ame
Vostre honneur. Avez-vous ouy ?
Une fois me dictes ouy.

IV. RONDEL.

Se mieulx ne vient d’amours, peu me contente ;
Une j’en sers qui est bien suffisante
Pour contenter un grant duc ou un roy.
Je l’ayme bien, mais non pas elle moy ;
Il n’est besoing que de ce je me vante.

Combien qu’elle est de taille belle et gente,
De m’en louer pour ceste heure presente
Pardonnez-moy, car je n’y voy de quoy ;
Se mieulx ne vient d’amours, peu me contente.

Quant je luy dy de mon vouloir l’entente,
Et cueur et corps et biens je luy presente,
Pour tout cela remede je n’y voy.
Deliberé suis, sçavez-vous de quoy ?
De luy quicter et le jeu et l’actente.
Se mieulx ne vient d’amours, peu me contente.


V. RONDEL.

De mon faict je ne sçay que dire ;
Par tout où je vois je m’adire,
Et des yeulx voy moins que du coute.
En danger suis qu’il ne me couste
La vie, tant suis remply d’ire.

De mon faict je ne sçay que dire,
Car ma dame si ne tient compte
De mon martyre, quant luy compte,
Mais me dit que trop aise suis,
Et qu’en ce royaulme n’a conte
Qui ait de nulle meilleur compte
Que j’ay d’elle, quant je la suis.