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Œuvres de Du Marsais
Pougin (3p. --30).
OE U V R E S


D E


DU MARSAIS.

Ce volume contient :


Des Tropes.

Dissertation sur la Prononciation et sur l’Orthographe de la langue françoise, où l’on examine s’il faut écrire français au lieu de françois.

Lettre à M. Durand, avocat au parlement, en Périgord, sur ce passage de l’Art Poétique d’Horace : Difficile est propriè communia dicere.

Lettre d’une jeune Demoiselle à l’Auteur des Vrais Principes de la langue françoise.

Inversion.

Fragment sur les Causes de la Parole.




Cet ouvrage se vend à Paris, chez Pougin, Libraire-Imprimeur, rue des Saints-Pères, Faubourg St.-Germain, n°. 61.

Et chez Gide, Libraire, place St.-Sulpice,

au Grand Balcon, n°. 547.
OE U V R E S


D E


DU MARSAIS.


TOME TROISIÈME


_______


A PARIS,


DE L'IMPRIMERIE DE POUGIN.


__________


1797, an V.
DES TROPES


OU


DES DIFFÉRENS SENS


Dans lesquels on peut prendre un même


mot dans une même langue


Ouvrage utile pour l'intelligence des auteurs, et qui peut servir d'introduction à la rhétorique et à la logique.



Tome III a


AVERTISSEMENT


De la première édition.


Je suis persuadé, par des expériences réitérées, que la méthode la plus facile et la plus sûre pour comencer à aprendre le latin, est de se servir d’abord d’une interprétation interlinéaire, où la construction soit toute faite, et où les mots sous-entendus soient supléés. J’espère doner bientôt au public quelques-unes de ces traductions.

Mais, quand les jeunes gens sont devenus capables de réflexion, on doit leur montrer les règles de la grammaire, et faire avec eux les observations grammaticales qui sont nécessaires pour l’intelligence du texte qu’on explique. C’est dans cette vue que j’ai composé une grammaire où j’ai rassemblé ces observations.

Je divise la grammaire en sept parties, c’est-à-dire, que je pense que les observations que l’on peut faire sur les mots, en tant que signes de nos pensées, peuvent être réduites sous sept articles, qui sont :

1o. La conoissance de la proposition et de la période, en tant qu’elles sont composées de mots, dont les terminaisons et l’arangement leur font signifier ce qu’on a dessein qu’ils signifient :

2o. L’orthographe.

3o. La prosodie, c’est-à-dire, la partie de la grammaire qui traite de la prononciation des mots, et de la quantité des syllabes.

4o. L’étymologie.

5o. Les préliminaires de la syntaxe : j’apèle ainsi la partie qui traite de la nature des mots et de leurs propriétés grammaticales, c’est-à-dire, des nombres, des genres, des persones, des terminaisons ; elle contient ce qu’on apèle les rudimens.

6o. La syntaxe.

7o. Enfin, la conoissance des diférens sens dans lesquels un même mot est employé dans une même langue. La conoissance de ces diférens sens est nécessaire, pour avoir une véritable intelligence des mots, en tant que signes de nos pensées : ainsi j’ai cru qu’un traité sur ce point apartenoit à la grammaire, et qu’il ne faloit pas atendre que les enfans eussent passé sept ou huit ans dans l’étude du latin, pour leur aprendre ce que c’est que le sens propre et le sens figuré, et ce qu’on entend par Métaphore ou par Métonymie.

On ne peut faire aucune question sur les mots qui ne puisse être réduite sous quelqu’un de ces sept articles. Tel est le plan que je me suis fait, il y a long-temps, de la grammaire.

Mais, quoique ces diférentes parties soient liées entre elles, de telle sorte qu’en les réunissant toutes ensemble, elles forment un tout qu’on apèle Grammaire ; cependant chacune en particulier ne supose nécessairement que les conoissances qu’on a aquises par l’usage de la vie. Il n’y a guère que les préliminaires de la syntaxe qui doivent précéder nécessairement la syntaxe ; les autres parties peuvent aler assez indiférament l’une avant l’autre : ainsi cette partie de grammaire que je done aujourd’hui, ne suposant point les autres parties, et pouvant facilement y être ajoutée, doit être regardée come un traité particulier sur les tropes et sur les diférens sens dans lesquels on peut prendre un même mot.

Nous avons des traités particuliers sur l’orthographe, sur la prosodie, ou quantité, sur la syntaxe, etc. : en voici un sur les tropes.

Je rapèle quelquefois dans ce traité certains points, en disant que j’en ai parlé plus au long ou dans la syntaxe, ou dans quelqu’autre partie de la grammaire ; on doit me pardoner de renvoyer ainsi à des ouvrages qui ne sont point encore imprimés, parce qu’en ces ocasions je ne dis rien qu’on ne puisse bien entendre sans avoir recours aux endroits que je rapèle, j’ai cru que puisque les autres parties suivront celle-ci, il y auroit plus d’ordre et de liaison entre elles, à suposer pour quelque tems ce que j’espère qui arivera.


AVERTISSEMENT


De l’auteur.



Peu de tems après que ce livre parut pour la première fois, je rencontrai par hazard un homme riche qui sortoit d’une maison pour entrer dans son carosse. Je viens, me dit-il en passant, d’entendre dire beaucoup de bien de votre Histoire des Tropes. Il crut que les Tropes étoient un peuple. Cette aventure me fit faire réflexion à ce que bien d’autres persones m’avoient déjà dit, que le titre de ce livre n’étoit pas entendu de tout le monde ; mais après y avoir bien pensé, j’ai vu qu’on en pouvoit dire autant d’un grand nombre d’ouvrages auxquels les auteurs ont conservé le nom propre de la science ou de l’art dont ils ont traité.

D’ailleurs, le mot de Tropes n’est pas un terme que j’aie inventé, c’est un mot conu de toutes les persones qui ont fait le cours ordinaire des études, et les autres qui étudient les belles-lettres françoises trouvent ce mot dans toutes nos rhétoriques.

Il n’y a point de science ni d’art qui ne soit désigné par un nom particulier, et qui n’ait des termes consacrés, inconus aux persones à qui ces sciences et ces arts sont étrangers. Les termes servent à abréger, à mettre de l’ordre et de la précision, quand une fois ils sont expliqués et entendus. Seulement la bienséance, et ce qu’on apèle l’apropos, exigent qu’on ne fasse usage de ces termes qu’avec des persones qui sont en état de les entendre, ou qui veulent s’en instruire, ou enfin, quand il s’agit de la doctrine à laquelle ils apartiènent.

J’ai ajouté dans cette nouvelle édition, l’explication des noms que les grammairiens donent aux autres figures, tant à celles qu’ils apèlent figures de dictions, dictionum figurœ, qu’à celles qu’ils noment figures de pensées, figurœ sententiarium.

Cète addition ne sera pas inutile, du moins à une sorte de persones ; et pour le prouver, je vais raconter en peu de mots ce qui y a doné lieu.

J’alai voir, il y a quelque tems, un jeune home qui a bon esprit, et qui a aquis avec l’âge assez de lumières et d’expérience pour seniir qu’il lui seroit utile de revenir sur ses pas, et de relire les auteurs classiques. Les jeunes gens qui comencent leurs études, et qui en fournissent la carrière, n’ont pas encore assez de consistance, du moins comunément, pour etre touchés des beautés des auteurs qu’on leur fait lire, ni même pour en saisir le sens. Il seroit à souhaiter que le goût des plaisirs et les ocupations de leur état leur laissassent le loisir d’imiter le jeune home dont je parle.

Je le trouvai sur Horace. Il avoit sur son bureau l’Horace de M. Dacier, celui du P. Sanadon, et celui des Variorum avec les notes de Jean Bon. Il en étoit à l’Ode XIII. du Ve. Livre Horrida tempestas. Horace au troisième vers nunc mare, nunc syluœ ; fait ce dernier mot de trois syllabes sy-lu-æ. M. Dacier ne fait aucune remarque sur ce vers ; le P. Sanadon se contente de dire qu’Horace a fait ici ce mot de trois syllabes, et que ce n’est pas la première fois que ce Poète l’a employé ainsi. Jean Bon ajoute qu’Horace a fait ce mot de trois syllabes par Diérèse, per Diœresin. Mais qu’est-ce que faire un mot de trois syllabes par Diérèse ? c’est ce que Jean Bon n’explique pas, me dit ce jeune home. Y a-t-il là quelque mystère ? Ne vous en dit-il pas assez, lui répliquai-je, quand il vous dit que le mot est ici de trois syllabes ? Oui, me répondit-il, si le comentateur en demeuroit-là, mais il ajoute que c’est par Diérèse, et voilà ce que je n’entends point. Dans un autre endroit il dit que c’est par Aphérèse, ailleurs par Epenthèse, etc.

Je voudrois bien, ajouta le jeune home, que puisque ces termes sont en usage chez les grammairiens, ils fussent expliqués dans quelque recueil où je puisse avoir recours au besoin. Ce fut ce qui me fit venir la pensée d’ajouter l’explication de ces termes à celle des Tropes.

Come les géomètres ont doné des noms particuliers aux diférentes sortes d’angles, de triangles et de figures géométriques, angle obtus, angle adjacent, angles verticaux, triangle îsoscèle, triangle oxygone, triangle scalène, triangle amblygone, etc., de même les grammairiens ont doné des noms particuliers aux divers changemens qui arivent aux lettres et aux syllabes des mots. Le mot ne paroit pas alors sous sa forme ordinaire ; il prend, pour ainsi dire, une nouvelle figure à laquelle les grammairiens donent un nom particulier. J’ai cru qu’il ne seroit pas inutile d’expliquer ici ces diférentes figures, en faveur des jeunes gens, qui en trouvent souvent les noms dans leurs lectures, sans y trouver l’explication de ces noms.

On me dira peut-être que je m’arrête ici quelquefois à des choses trop aisées et trop comunes. Mais les jeunes gens, pour qui principalement ce livre a été fait, ne viènent pas dans le monde avec la conoissance des choses comunes, ils ont besoin de les aprendre, et l’on doit les leur montrer avec soin, si l’on veut les passer à la conoissance de celles qui sont plus dificiles et plus élevées, parce que celles-ci suposent nécessairement celles-là. C’est dans le discernement de la liaison, de la dépendance, de l’enchainement et de la subordination des conoissances, que consiste le talent du maître.

D’autres, au contraire, trouveront que ce traité contient des réflexions qui sont au-dessus de hi portée des jeunes gens, mais je les suplie d’observer que je supose toujours que les jeunes gens ont des maîtres. Mon objet est que les maîtres trouvent dans cet ouvrage les réflexions et les exemples dont ils peuvent avoir besoin, si ce n’est pour eux-mêmes, au moins pour leurs élèves. C’est ensuite aux maîtres cl régler l’usage de ces réflexions et de ces exemples, selon les lumières, les talens et la portée de l’esprit de leurs disciples. C’est cète conduite qui écarte les épines, qui done le goût des lettres ; de là l’amour de la lecture, d’où naît nécessairement l’instruction, et l’instruction fait le bon citoyen, quand un intérêt sordide et mal entendu n’y forme pas d’opposition.


ERRATA
De l’auteur.

Je ne crois pas qu’il y ait de fautes typographiques dans cet ouvrage par l’attention des imprimeurs, ou s’il y en a, elles ne sont pas bien considérables. Cependant, corne il n’y a point encore en France de manière uniforme d’orthographier, je ne doute pas que chacun, selon ses préjugés, ne trouve ici un grand nombre de fautes.

Mais, 1o. mon cher lecteur, avez-vous jamais médité sur l’orthographe ? Si vous n’avez point fait de réflexions sérieuses sur cette partie de la grammaire ; si vous n’avez qu’une orthographe de hazard et d’habitude, permettez-moi de vous prier de ne point vous arêter à la manière dont ce livre est orthographié, vous vous y acoutumerez insensiblement.

2o. Etes-vous partisan de ce qu’on apèle anciène orthographe ? Prenez donc la peine de mettre des lettres doubles qui ne se prononcent point, dans tous les mots que vous trouverez écrits sans ces doubles lettres. Ainsi, quoique selon vos principes il faille avoir égard à l’étymologie en écrivant, et que tous nos anciens auteurs, tels que Villehardouin, plus proches des sources que nous, écrivissent home, de homo, persone de persona, honeur de honor, doner de donare, naturèle de naturalis, etc. cependant ajoutez une m à home, et doublez les autres consones, malgré l’étymologie et la prononciation, et donez le nom de novateurs à ceux qui suivent l’anciène pratique.

Ils vous diront peut-être que les lettres sont des signes, que tout signe doit signifier quelque chose : qu’ainsi une lettre double qui ne marque ni l’étymologie, ni la prononciation d’un mot, est un signe qui ne signifie rien, n’importe : ajoutez-les toujours, satisfaites vos yeux, je ne veux rien qui vous blesse ; et pourvu que vous vous doniez la peine d’entrer dans le sens de mes paroles, vous pouvez faire tout ce qu’il vous plaira des signes qui servent à l’exprimer.

Vous me direz peut-être que je me suis ecarté de l’usage présent ; mais je vous suplie d’observer, 1o. Que je n’ai aucune manière d’écrire qui me soit particulière, et qui ne soit autorisée par l’exemple de plusieurs auteurs de réputation.

2o. Le P. Bufier prétend même que le grand nombre des auteurs suit aujourd’hui la nouvèle orthographe, c’est-à-dire, qu’on ne suit plus exactement l’anciène. J’ai trouvé la nouvèle orthographe, dit-il, (Gramm. Franc, pag. 588.) dans plus des deux tiers des livres qui s’impriment depuis dix ans. Le P. Bufier nome les Auteurs de ces livres. Le P. Sanadon ajoute que depuis la suputation du P. Bufier le nombre des partisans de la nouvèle orthographe s’est beaucoup augmenté et s’augmente encore tous les Jours. (Poésies d’Horace. Préface, page xvii.) Ainsi, mon cher lecteur, je conviens que je m’éloigne de votre usage ; mais, selon le P. Bufier et le P. Sanadon, je me conforme à l’usage le plus suivi.

3o. Etes-vous partisan de la nouvèle orthographe ? Vous trouverez ici à réformer.

Le parti de l’anciène orthographe et celui de la nouvèJe se subdivisent en bien des branches : de quelque côté que vous soyez, retranchez ou ajoutez toutes les lettres qu’il vous plaira, et ne me condânez qu’après que vous aurez vu mes raisons dans mon Traité de l’orthographe.


DES TROPES


OU


DES DIFÉRENS SENS


Dans lesquels on peut prendre un même
mot dans une même langue.


PREMIÈRE PARTIE.


Des Tropes en général.




ARTICLE PREMIER.


Idées générales des figures.


Avant que de parler des Tropes en particulier, je dois dire un mot des figures en général ; puisque les Tropes ne sont qu’une espèce de figures.

On dit comunément que les figures sont des manières de parler éloignées de celles qui sont naturèles et ordinaires : que ce sont de certains tours et de certaines façons de s’exprimer, qui s’éloignent en quelque chose de la manière comune et simple de parler : ce qui ne veut dire autre chose, sinon que les figures sont des manières de parler éloignées de celles qui ne sont pas figurées, et qu’en un mot les figures sont des figures, et ne sont pas ce qui n’est pas figures.

D’ailleurs, bien loin que les figures soient des manières de parler éloignées de celles qui sont naturèles et ordinaires, il n’y a rien de si naturel, de si ordinaire et de si comun que les figures dans le langage des homes. M. de Bretteville après avoir dit que les figures ne sont autre chose que de certains tours d’expression et de pensée dont on ne se sert point comunément,

Eloq. de la Chaire et du Barreau. L. III. ch. i.


ajoute « qu’il n’y a rien de si aisé et de si naturel. J’ai pris souvent plaisir, dit-il, à entendre des paysans s’entretenir avec des figures de discours si variées, si vives, si éloignées du vulgaire, que j’avois honte d’avoir si long-tems étudié l’éloquence, voyant en eux une certaine rhétorique de nature beaucoup plus persuasive et plus éloquente que toutes nos rhétoriques artificièles ».

En éfet, je suis persuadé qu’il se fait plus de figures un jour de marché à la halle, qu’il ne s’en fait en plusieurs jours d’assemblées académiques. Ainsi, bien loin que les figures s’éloignent du langage ordinaire des homes, ce seroit, au contraire, les façons de parler sans figures qui s’en éloigneroient, s’il étoit possible de faire un discours où il n’y eût que des expressions non figurées. Ce sont encore les façons de parler recherchées, les figures déplacées et tirées de loin, qui s’écartent de la manière comune et simple de parler ; come les parures afectées s’éloignent de la manière de s’habiller, qui est en usage parmi les honètes gens.

Les apôtres étoient persécutés, et ils soufroient patienment les persécutions. Qu’y a-t-il de plus naturel et de moins éloigné du langage ordinaire, que la peinture que fait S. Paul de cette situation et de cette conduite des apôtres (i)[1] ? « On nous maudit, et nous bénissons : on nous persécute, et nous soufrons la persécution : on prononce des blasphèmes contre nous, et nous répondons par des prières ». Quoiqu’il y ait dans ces paroles de la simplicité, de la naïveté, et qu’elles ne s’éloignent en rien du langage ordinaire, cependant elles contiènent une fort belle figure qu’on apèle antithèse, c’est-à-dire, oposition : maudir est oposé à benir, persécuter à soufrir, blasphemes à prières.

Il n’y a rien de plus comun que d’adresser la parole à ceux à qui l’on parle, et de leur faire des reproches quand on n’est pas content de leur conduite (2)[2]. O nation incrédule et méchante ! s’écrie Jesus-Christ, jusques à quand serai-je avec vous ! juscques à quand aurai-je à vous soufrir ! C’est une figure très-simple

qu’on apèle apostrophe.


Orais. funeb. de Turene. Exorde.


M. Flêchier au comencement de son oraison funèbre de M. de Turène, voulant doner une idée générale des exploits de son héros, dit « conduites d’armées, sièges de places, prises de villes, passages de rivières, attaques hardies, retraites honorables, campemens bien ordonés, combats soutenus, batailles gagnées, énemis vaincus par la force, dissipés par l’adresse, lassés par une sage et noble patience : où peut-on trouver tant et de si puissans exemples, que dans les actions d’un home, etc. » ?

Il me semble qu’il n’y a rien dans ces paroles qui s’éloigne du langageniilitairele pliissimple ; c’est là cependant une figure qu’on apèle con." geries y amas, assemblage. M. Fléchier la termine encetexemple, par une autre figure qu’on apèle interrogation^ qui estencoreune façon de parler fort triviale dans le langage ordinaire.


And act. V.Sc.z.v 3.


Dans l’Andriène de Térence, Simon se croyant trompé par son fils, lui dit : Quid ais omnium . . . Que dis-tu le plus… vous voyez que la proposition n’est point entière, mais le sens fait voir que ce père vouloit dire à son fils : Que dis-tu le plus méchant de tous les homes ? Ces façons de parler dans lesquelles il est évident qu’il faut supléer des mots, pour achever d’exprimer une pensée que la vivacité de la passion se contente de faire entendre, sont fort ordinaires dans le langage des homes. On apèle cette figure Ellipse, c’est-à-dire, omission,

Il y a, à la vérité, quelques figures qui ne sont usitées que dans le style sublime ; telle est la prosopopée, qui consiste à faire parler un

mort, une persone absente, ou même les


Oraison funèbre de M. de Montensier..


choses inanimées. « Ce tombeau s’ouvriroit, ces ossemens se rejoinuroient pour nie dire : Pourquoi viens-tu mentir pour moi, qui ne mentis jamais pour persone ? Laisse-moi reposer dans le sein de la vérité, et ne viens pas troubler ma paix, par la flaterie que j’ai haïe ». C’est ainsi que M. Flèchier prévient ses auditeurs, et les assure par cette prosopopée, que la flaterie n’aura point de part dans l’éloge qu’il va faire de M. le duc de Moutausier.

Hors un petit nombre de figures semblables, réservées pour le style élevé, les autres se trouvent tous les jours dans le style le plus simple, et dans le langage le plus comun.

Qu’est-ce donc que les figures ? Ce mot se prend ici lui-même dans un sens figuré. C’est une métaphore. Figure dans le sens propre, est la forme extérieure d’un corps. Tous les corps sont étendus ; mais outre cette propriété générale d’être étendus, ils ont encore chacun leur figure et leur forme particulière, qui fait que chaque corps paroît à nos yeux diférent d’un autre corps : il en est de même des expressions figurées ; elles font d’abord conoître ce qu’on pense ; elles ont d’abord cette propriété générale qui convient à toutes les phrases et à tous les assemblages de mots, et qui consiste à signifier quelque chose, en vertu de la construction grammaticale ; mais de plus les expressions figurées ont encore une modification particulière qui leur est propre, et c’est en vertu de cette modification particulière, que l’on fait une espèce à part de chaque sorte de figure.

L’anthithèse, par exemple, est distinguée des autres manières de parler, en ce que dans cet assemblage de mots qui forment l’antithèse, les mots sonL oposeoés les uns aux autres ; ainsi quand on rencontre des exemples de ces sortes d’oposilions de mots, on les rapporte à l’antithèse.

L’apostrophe est diférente des autres énonciations, parce que ce n’est que dans l’apostrophe qu’on adresse tout d’un coup la parole à quelque persone présente, ou absente, etc.

Ce n’est que dans la prosopopée que l’on fait parler les morts, les absens, ou les êtres inanimés : il en est de même des autres figures, elles ont chacune leur caractère particulier, qui les distingue des autres assemblages de mots, qui font un sens dans le langage ordinaire des homes.

Les grammairiens et les rhéteurs ayant fait des observations sur les diférentes manières de parler, ils ont fait des classes parliculières de ces diférentes manières, afin de mettre plus d’ordre et d’arangement dans leurs réflexions. Les manières de parler, dans lesquelles ils n’ont remarqué d’autre propriété que celle de faire conoître ce qu’on pense, sont apelées simplement phrases, expressions, périodes ; mais celles qui expriment non seulement des pensées, mais encore des pensées énoncées d’une manière particulière qui leur done un caractère propre, celles-là, dis-je, sont apelées figures, parce qu’elles paroissent, pour ainsi dire, sous une forme particulière, et avec ce caractère propre qui les distingue les unes des autres, et de tout ce qui n’est que phrase ou expression.


Caract. Des ouvrag. de l’esprit.


M. de La Bruyere dit « qu’il y a de certaines choses dont la médiocrité est insuportable ; la poésie, la musique, la peinture, et le discours public ». Il n’y a point là de figure ; c’est-à-dire, que toute celle phrase ne fait autre chose qu’exprimer la pensée de M. de la Bruyère, sans avoir de plus un de ces tours qui ont un caractère particulier. Mais quand il ajoute, « Quel supplice que d’entendre déclamer pompeusement un froid discours, ou prononcer de médiocres vers avec emphase » ! c’est la même pensée ; mais de plus elle est exprimée sous la forme particulière de la surprise, de l’admiration, c’est une figure.

Imaginez-vous pour un moment une multitude de soldats, dont les uns n’ont que l’habit ordinaire qu’ils avoient avant leur engagement, et les autres ont l’habit uniforme de leur régiment : ceux-ci ont tous un habit qui les distingue, et qui fait conoître de quel régiment ils sont ; les uns sont habillés de rouge, les autres de bleu, de blanc, de jaune, etc. 11 en est de même des assemblages de mots qui composent le discours ; un lecteur instruit raporte un tel mot, une telle phrase à une telle espèce de figure, selon qu’il y reconoît la forme, le signe, le caractère de cette figure ; les phrases et les mots, qui n’ont la marque d’aucune figure particulière, sont corne les soldats qui n’ont l’habit d’aucun régiment : elles n’ont d’autres modifications que celles qui sont nécessaires pour faire conoître ce qu’on pense.

il ne faut point s’étoner si les figures, quand elles sont employées à propos, donent de la vivacité, de la force, ou de la grâce au discours ; car outre la propriété d’exprimer les pensées, come tous les autres assemblages de mots, elles ont encore, si j’ose parler ainsi, l’avanlnge de Iciirliuhit, je veux dire, de Irur modilKalion particulière, qui sert à réveiller ralenlion, à plaire, ou à toucher.

Mais , quoique les figures bien placées embéb’ssent le discours, et qu’elles soient , pour ainsi dire, le langage de l’imagination et des passions ; il ne faut pas croire que le discours ne lire ses beautés que des figures. Nous avons plusieurs exemples en tout genre d’écrire, où toute la ]a beauté consiste dans la pensée exprimée sans figure. Le père des trois Horaces ne sachant point encore le motif de la fuite de son fds, aprend avec douleur qu’il n’a pas résisté aux trois Curiaces.

Corneille. Horaces. Act. III. sc. 5.

Que vouliez-vous qu'il fit contre trois ? lui dit Julie , Quil mourut , répond le père.

id. Nicomède. Dans une autre tragédie de Corneille, Prusias dit qu’en une ocasion dont il s’agit, il veut se conduire en père, en mari. Ne soyez ni l’un ni l’autre, lui dit Nicomèdc : P R U s I A s. Et que dois-je être ? N I c O M È D E. rvoi. 11 n^y a point là de (igure, et il y a cependant beaucoup de sublime dans ce seul mot : voici un exemple plus simple. En vain pour satisfaire à nos lâches envies , a a cr c. jy^yg passons près des rois tout le tems de nos vies , hr ’ au ?l ^ souffrir des mépris, à plojer les genoux : ’JXLV. " Cequ’ilspeuventn’estrien pis sont cequc noussomcs. Véritablement homes, tt meurent corne nous» lomèd ictJV.sc.S Je pourois raporter un grand nombre d’exemples pareils , énoncés sans figure , et dont la pensée seule fait le prix. Ainsi, quand on dit que les figures enibélissent le discours , on veut dire seulement, que dans les ocasions où les figures ne seroient point déplacées^ le même fonds de pensée sera exprimé d’une manière ou plus vive , ou plus noble, ou plus agréable par le secours des figures , que si on l’exprimoit sans figure.

De tout ce que je viens de dire, on peut former celte définition des figures : Les Figures sont des manières de parler distinctement des autres par une modification particulière , qui fait qu’on les réduit chacune à une espèce à part , et qui les rend ou plus vives , ou plus nobles, ou plus agréables que les manières de parler, qui expriment le même fonds de pensée^ sans avoir d’autre modification particulière.



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ARTICLE II.
Division des figures.

Σχήμα, ατοζ, forme, habit, attitude.

On divise les figures en figures de pensées, figurœ sententiarum, Schémata ; et en figurœ verborum. Il y a cette diférence , dit Cicéron (i) [3], entre les figures de pensées et les figures de mots , que les fii ^urcs de pensées ; dépendent uniquement du tour de l’imagination ; elles ne consistent que dans lu manicie particulière de penser ou de ^_-^ sentir, ensortcqucia ligure demeure toujours la même, quoiqu’on viène à changer les mois qui l’expriment. De quelque manière que M. Flèchier eût fait parler M. de iVlontausier dans la prosopopée cjue j’ai raportée ci-dessus , il auroit fait une prosopopée. Au contraire , les figures de mots sont telles que si vous changez les paroles, la figure s’évanouit ; par exemple , lorsque parlant d’une armée navale , je dis qu’elle etoit composée de cent voiles ; c’est une figure de mots dont nous parlerons dans la suite ; voiles est là pour vaisseaux : que si je substitue le mot de vaisseaux à celui de voiles ^ j’exprime également ma pensée ; mais il n’y a

plus de figure.
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A R T I C L E III
Division des figures de mots.

Il y a quatre différentes sortes de figures qui regardent les mots.

1°. Celles que les grammairiens apèlent figures de diction : elles regardent 1rs eliani^eineris qui afivenl dans les lettres ou dans les syllabes des mots ; telle est, par exemple, la syncope , c’est le retram lit-ment d’une lettre ou d’une syllabe au milieu d’un mot, scula virura pour vîrôruin.

2°. Celles qui regardent uniquement la construction ; par exemple, lorsqu’Horace, pariant de Cléopatre , dit monstnini , qiice. .. nous di- L. i. Od, sons en tram ais la plupart des homes (lisent , ^ ’• ^^* et non pas dit. On fait alors la construction selon le sens. Cette tigure s’apèle srllepse. j’ai traité ailleurs de ces sortes de figures, ainsi je n’en parlerai point ici.

3°. Il y a quelcjues figures de mots, dans lesquelles les mots conservent leur signification propre, telle est la répétition , etc. (^est aux rbéteurs à parler de ces sortes de figures , aussi bien que des figures de pensées. Dans les uneset dans les autres, la figure ne consiste point dans le changement de signification des mots, ainsi elles ne sont point de mon sujet.

4°. Enfin, il y a des figures de mots qu’on apèle tropes ; les mots prènent par ces figures des siirnificationsdilerentesdeleur siiinificatioii propre. Ce sont h les figures dont j’entreprens de parler dans cette partie de la grammaire. _____________________________________________


ARTICLE IV.


Définition des Tropes.


Les Tropes sont des figures par lesquelles on fait prendre à un mot une signification , qui n’est pas précisément la signification propre de ce mot : ainsi pour entendre ce que c’est qu’un trope, il faut comencer par bien comprendra ce que c’est que la signification propre d’un mot ; nous l’expliquerons bien-tôt.

Ces figures sont apelées tropes du grec τρόποζ, τρέπα tropos convérsio, dont la racine est trepo , vcrto, je tourne. Elles sont ain.si apelées , parce que quand on prend ui,i mot dans le sens figuré, on le tourne^ pour ainsi dire , afin de lui faire signifier ce qu’il ne signifie point dans le sens propre : moites dans le sens propre ne signifie^’ point vaisseau jc , fis, voiles ne sont qu’une partiedu vaisseau : cependant ’Z.’o/A ?^ se dit quelquefois pour "vaisseaux , corne nous l’avons déjà remarqué.

Les tropes sont des figures , puisque ce sont des manières de parler, qui, outre la propriété de faire conoître ce qu’on pense , sont encore distinguées par quelque diférence particulière, qui fait qu’on les raporte chacune à une espèce à part.

Il y a dans les tropes une modification ou diférence générale qui les rend tropes, et qui les distingue des autres figures : elle consiste en ce qu’un mot est pris dans une signification qui n’est pas précisément sa signification propre ; mais de plus chaque trope difère d’un autre trope, et cette diférence particulière consiste dans la manière dont un mot s’ecarte de sa signification propre : par exemple, Il n’y a plus de Pyrénées, dit Louis XIV d'immortelle mémoire, lorsque son petit-fils le duc d’Anjou, aujourd’hui Philippe V, fut apelé à la couronne d’Espagne. Louis XIV vouloit-il dire que les Pyrénées avoient été abimées ou anéanties ? nulement : persone n’entendit cette expression à la lettre, et dans le sens propre ; elle avoit un sens figuré. Boileau faisant allusion, à ce qu’en 1664 le roi envoya au secours de l’empereur des troupes qui défirent les Turcs, et encore à ce que sa majesté établit la compagnie des Indes, dit :

Discours au roi.

Quand je vois ta sagesse. . . . . . .
Rendre a l'Aigle éperdu sa premiere vigueur,
La France sous tes lois maîtriser la fortune,
Et nos vaisseaux domtant l’un et l’autre Neptune . . . . . .

Ni l’Aigle ni Neptune ne se prènent point là dans le sens propre. Telle est la modification ou diférence générale, qui fait que ces façons de parler sont des tropes.

Mais quelle espèce particulière de trope ? cela dépend de la manière dont un mot s’écarte de sa signification propre pour en prendre une autre. Les Pyrénées dans le sens propre, sont de hautes montagnes qui séparent la France et l’Espagne. Il n’y a plus de Pyrénées, c’est-à-dire, plus de séparation, plus de division, plus de guerre : il n’y aura plus à l’avenir qu'une bone intelligence entre la France et l’Espagne : c’est une métonymie du signe, ou une métalepse : les Pyrénées ne seront plus un signe de séparation.

L’ai’f^le est le symbole de l’Empire ; l’empereur porle un ai ;:(le à d(.’ux tèfcs dans ses armoiries : ainsi, dans l’exenjple que je viens de raoorter , }’« ;>/«. si f^ni fie l’Allemajrne. C/est le sii^ne pour la chose siL,nifiée : c est une métonymie.

Neptune étoit le dieu delà mer, il est pris dans le même exemplepourl’Océan , pour la merdes Indes orientales et occidentales : c’est encore une métonymie. ISous remarquerons dans la suite ces diférences particulières qui font les diférentes espèces de tropes.

Il y a autant de tropes qu’il v a de manières diférentes, par lesquelles on doue à un mot une signification qui n’est pas précisément la signification propre de ce mot. Aveugle dans le sens propre, signifie une persone qui est privée de l’usage de la vue : si je me sers de ce mot pour marquer ceux qui ont été guéris de leur aveuglement, corne quand Jesus-Christ a dit, les aveugles voient (Math. c. XI. v. 3.), alors aveugles n’est plus dans le sens propre , il est dans un sens que les philosophes apèlent sens divisé : ce sens divisé est wn trope , puisqu’alors «cez/^/e^ signifie ceux qui ont été aveugles, et non pas ceux qui le sont. Ainsi outre les tropes dont on parle ordinairement , j’ai cru qu’il ne seroit pas inutile ni étranger à mon sujet, d’expliquer encore ici les autres sens dans lesquels un même mot peut être pris dans le discours.


_______________


ARTICLE V.



Le traité des Tropes est du ressort de la grammaire. On doit conoître Les Tropes pour bien entendre les auteurs, et pour avoir des conoissances exactes dans l’art de parler et d’écrire.

Au reste ce traité me paroît être une partie essentièle de la grammaire puisqu’il est du ressort de la grammaire de faire entendre la véritable signification des mots, et en quel sens ils sont employés dans le discours.

Il n’est pas possible de bien expliquer l’auteur même le plus facile, sans avoir recours aux conoissanees dont je parle ici. Les livres que l’on met d’abord entre les mains des començans, aussi-bien que les autres livres, sont pleins de mots pris dans des sens détournés et éloignés de la première signification de ces mots ; par exemple :


Virg. Ecl. I, V. I..Tityre, tu pátulæ, récubans sub tégmine fagi,
Sylvéstrem, ténui, musam meditáris, ayénâ.


Vous méditez une muse, c’est-à-dire, une chanson, vous vous exercez à chanter. Les muses étoient regardées dans le paganisme come les déesses qui inspiroient les poëtes et les musiciens : ainsi Muse se prend ici pour la chanson même, c’est la cause pour l’éfet ; c’est une métonymie particulière, qui étoit en usage en latin ; nous l’expliquerons dans la suite. Avéna dans le sens propre, veut dire de l’aveine : mais parce que les bergers se servirent de petits tuyaux de blé ou d’aveine pour en faire une sorte de flûte, come font encore les enfans à la campagne ; de là par extension on a apelé avéna un chalumeau, une flûte de berger.

On trouve un grand nombre de ces sortes de figures dans le Nouveau Testament, dans l’imitation de J. C dans les fables de Phèdre, en un mot, dans les livres même qui sont écrits le plus simplement, et par lesquels on comence : ainsi je demeure toujours convaincu que cette partie n’est point étrangère à la grammaire, et qu’un grammairien doit avoir une conoissance détaillée des tropes.

Réponse à une objection

Je conviens, si l’on veut, qu’on peut bien parler sans jamais avoir apris les noms particuliers de ces figures. Combien de persones se servent d’expressions métaphoriques, sans savoir précisément ce que c’est que métaphore ?

Molière Bougeois gentihomme, act. ii, sc. 4.

C’est ainsi qu’il y avoit plus de 40 ans que le Bourgeois-Geutilhome disoit de la prose, sans qu’il en sût rien.

ibid. act. iii. sc. 4

Ces conoissances ne sont d’aucun usage pour faire un compte, ni pour bien conduire une maison, come dit M. Jourdain, mais elles sont utiles et nécessaires à ceux qui ont besoin de l’art de parler et d’écrire ; elles mettent de l’ordre dans les idées qu’on se forme des mots ; elles servent à démêler le vrai sens des paroles, à rendre raison du discours, et donent de la précision et de la justesse. Les sciences et les arts ne sont que des observations sur la pratique : l’usage et la pratique ont précédé toutes les sciences et tous

Œuvres de Du Marsais
Pougin (3p. 133-144).

XI.
La s y l l e p s e Oratoire.

La syllepso oratoire est une espèce de nié- -^ôwn-lictaphore ou de comparaison, par laquelle un Comprehen^ même mot est pris en deux sens dans la même ,.,(, ^yx-. phrase , l’un au propre , l’autre au figuré ; par raju/2ha>, exemple, Corjdon dit que Galalliée est pour ’^'""^’^'■^’"'^*’ ! lui plus douce que le thym du mont Hybla (i) ; ainsiparle ce berger dans uneégloguedeVir^nle : fait dire ensuite à un autre berger, et moi (juoi-’ que j’cTparoisse à G-alat/tce plijs amer nue les herbes de Sardaigne , etc. (2). Nos bergers disent pUis aigre qu’un citron ojerd. Pyrrhus , fds d’Achille , l’un des principaux chefs des Grecs , et qui eut le plus de part à l’embrasement de la ville de Troie, s’exprime en ces termes dans l’une des plus belles pièces de Racine :

Je soufre tous les maux que j’ai faits devant Troie 5 r ?,c. A». Vaincu, chargé de fers, de regrets consumé, drom. acu BrûLé de plus de feux que je n’en alumai. i , se 4. Brûlé est au propre par raport aux feux que (1) . . . Calalha ?a lliymo milii dûlcior Hjbla ?. Vino. Ed. 7 , V. 37.

(i) . . . ego Sardôis videar tibi amârior herbis. Jbid, v. 4u Pyrrhus aluma dans la ville tle Troie ; et il est au n^uré , par raport à la passion violente que Pyrrhus dit qu’il ressenloitpour Androniaque, 11 y a un pareil jeu de mois dans le disti(jue qui est grave sur le tombeau de Despautère : Hic jacet unûculus visu prœslântior Argo, JNomen Joâniies cui ninivîta fuit. P^isu est au propre par raport à Argus , à qui la fable done cent yeux ; et il est au figuré par raport à Despautère : l’auteur de l’épitaphe a Toulu parler de la vue de l’esprit. Au reste cette figure joue trop sur les mots pour ne pas demander bien de la circonspection ; il faut éviter les jeux de mots trop afcctés çt tirés de loin.




XII.

L’Allégorie.


Ἀλληγορία, mutátio, figúra quâ áliud dícitur, áliud significátur, R. Ἀλλο, áliud, ἀγορέω, vel ἀγορεύω, narro conciónor, vel ἄλλη, ália ; ἀγορὰ, cóncio, orátio.


L’allégorie a beaucoup de raport avec la métaphore ; l’allégorie n’est même qu’une métaphore continuée.

L’allégorie est un discours qui est d’abord présenté sous un sens propre, qui paroît tout autre que ce qu’on a dessein de faire entendre, et qui cependant ne sert que de comparaison pour doner l’intelligence d’un autre sens qu’on n’exprime point.

La métaphore joint le mot figuré à quelque terme propre ; par exemple, le feu de vos yeux ; yeux est au propre, au lieu que dans l’allégorie tous les mots ont d’abord un sens figuré ; c’est-à-dire, que tous les mots d’une phrase ou d’un discours allégorique forment d’abord un sens litéral qui n’est pas celui qu’on a dessein de faire entendre : les idées accessoires dévoilent ensuite facilement le véritable sens qu’on veut exciter dans l’esprit ; elles démasquent, pour ainsi dire, le sens litéral étroit, elles en font l’aplication.

Quand on a comencé une allégorie, on doit conserver, dans la suite du discours, l’image dont on a emprunté les premières expressions. Madame des Houlières, sous l’image d’une bergère qui parle à ses brebis, rend compte à ses enfans de tout ce qu’elle a fait pour leur procurer des établissemens, et se plaint tendrement, sous cette image, de la dureté de la fortune.

Poésie de mad. des Houl. T. 2, p. 88


Dans ces prés fleuris
Qu’arose la Seine,
Cherchez, qui vous mène,
Mes chères brebis :
J’ai fait pour vous rendre
Le destin plus doux,
Ce qu’on peut atendre
D’une amitié tendre ;
Mais son long couroux
Détruit, empoisone
Tous mes soins pour vous,
Et vous abandone
Aux fureurs des loups.
Seriez-vous leur proie,
Aimable troupeau !
Vous de ce hameau
L’honeur et la joie,
Vous qui gras et beau,
Me doniez sans cesse
Sur l’herbète épaisse
Un plaisir nouveau !
Que je vous regrète !
Mais il faut céder ;
Sans chien, sans houlète,
Puis-je vous garder ?
L’injuste fortune
Me les a ravis.
Envain j’importune
Le ciel par mes cris ;
Il rit de mes craintes,
Et sourd à mes plaintes,
Houlète, ni chien,
Il ne me rend rien.
Puissiez-vous, contentes,
Et sans mon secours,
Passer d’heureux jours,
Brebis inocentes,
Brebis mes amours.
Que Pan vous défende,

Hélas ! il le sait ;
Je ne lui demande
Que ce seul bienfait,
Oui, brebis chéries,
Qu’avec tant de soin
J’ai toujours nouries,
Je prens à témoin
Ces bois, ces prairies,
Que si les faveurs
Du Dieu des pasteurs
Vous gardent d’outrages,
Et vous font avoir
Du matin au soir
De gras pâturages ;
J’en conserverai
Tant que je vivrai
La douce mémoire ;
Et que mes chansons
En mille façons
Porteront sa gloire,
Du rivage heureux,
Où, vif et pompeux,
L’astre qui mesure
Les nuits et les jours,
Començant son cours
Rend à la nature
Toute sa parure ;
Jusqu’en ces climats,
Où, sans doute, las
D’éclairer le monde,
Il va chez Thétis
Ralumer dans l’onde
Ses feux amortis.


Cette allégorie est toujours soutenue par des images qui toutes ont raport à l’image principale par où la figure a comencé ; ce qui est essentiel à l’allégorie [4]. Vous pouvez entendre à la lettre tout ce discours d’une bergère, qui, touchée de ne pouvoir mener ses brebis dans de bons pâturages, ni les préserver de ce qui peut leur nuire, leur adresseroit la parole, et se plaindroit à elles de son impuissance ; mais ce sens, tout vrai qu’il paroît, n’est pas celui que madame des Houlières avoit dans l’esprit ; elle étoit ocupée des besoins de ses enfans, voilà ses brebis : le chien dont elle parle, c’est son mari qu’elle avoit perdu : le dieu Pan c’est le roi.

Dacier, Œuvres d’Horace, t. i, p. 211, trois, édit. 1709.

Quint. 1. 8, c. 6, alleg.

Cet exemple fait voir combien est peu juste la remarque de monsieur Dacier, qui prétend qu’une allégorie qui rempliroit toute une pièce, est un monstre, et qu’ainsi l’ode 14 du I. livre d’Horace, O navis referent, etc., n’est point allégorique, quoi qu’en ait cru Quintilien et les comentateurs. Nous avons des pièces entières toutes allégoriques. On peut voir dans l’Oraison de Cicéron contre Pison (1)[5], un exemple de l’allégorie, où, come Horace, Cicéron compare la république romaine à un vaisseau agite par la tempête.



L’allégorie est fort en usage dans les proverbes. Les proverbes allégoriques ont d’abord un sens propre qui est vrai, mais qui n’est pas ce qu’on veut principalement faire entendre : on dit familièrement, tant va la cruche à l’eau, qu’à la fin elle se brise ; c’est-à-dire, que, quand on afronte trop souvent les dangers, à la fin on y périt ; ou que quand on s’expose fréquenment aux ocasions de pécher, ou finit par y succomber.

Les fictions que l’on débite come des histoires pour en tirer quelque moralité, sont des allégories qu’on apèle apologues, paraboles, ou fables morales ; telles sont les fables d’Esope. Ce fut par un apologue que Ménénius Agrippa rapela autrefois la populace romaine, qui, mécontente du sénat, s’étoit retirée sur une montagne. Ce que ni l’autorité des lois, ni la dignité des magistrats romains n’avoient pu faire, se fit par les charmes de l’apologue.

Souvent les anciens ont expliqué, par une histoire fabuleuse, les éfets naturels dont ils ignoroient les causes, et dans la suite on a doné des sens allégoriques à ces histoires.

Boileau, Art. Poët. chant. iii.


Ce n’est plus la vapeur qui produit le tonerre,
C’est Jupiter armé pour éfrayer la terre ;
Un orage terrible aux yeux des matelots,
C’est Neptune en courroux qui gourmande les flots ;
Echo n’est plus un son qui dans l’air retentisse,
C’est une nymphe en pleurs qui se plaint de Narcisse.


Cette manière de philosopher flate l’imagination ; elle amuse le peuple, qui aime le merveilleux ; et elle est bien plus facile que les recherches exactes que l’esprit méthodique a introduites dans ces derniers tems. Les amateurs de la simple vérité aiment bien mieux avouer qu’ils ignorent, que de fixer ainsi leur esprit à des illusions.

Les chercheurs de la pierre philosophale s’expriment aussi par allégorie dans leurs livres ; ce qui done à ces livres un air de mystère et de profondeur que la simplicité de la vérité ne pouroit jamais leur concilier. Ainsi ils couvrent sous les voiles mystérieux de l’allégorie, les uns leur fourberie, et les autres leur fanatisme, je veux dire leur fole persuasion. En éfet, la nature n’a qu’une voie dans ses opérations, voie unique que l’art peut contrefaire à la vérité, mais qu’il ne peut jamais imiter parfaitement. Il est aussi impossible de faire de l’or par un moyen diférent de celui dont la nature se sert pour former l’or, qu’il est impossible de faire un grain de blé d’une manière diférente de celle qu’elle emploie pour produire le blé.

Le terme de matière générale n’est qu’une idée abstraite qui n’exprime rien de réel, c’est-à-dire, rien qui existe hors de notre imagination. Il n’y a point dans la nature une matière générale dont l’art puisse faire tout ce qu’il veut : c’est ainsi qu’il n’y a point une blancheur générale d’où l’on puisse former des objets blancs. C’est des divers objets blancs qu’est venue l’idée de blancheur, come nous l’expliquerons dans la suite, et c’est des divers corps particuliers, dont nous somes afectés en tant de manières diférentes, que s’est formée en nous l’idée abstraite de matière générale. C’est passer de l’ordre idéal à l’ordre physique, que d’imaginer un autre systême.

Les énigmes sont aussi une espèce d’allégorie : nous en avons de fort belles en vers françois. L’énigme est un discours qui ne fait point connoître l’objet à quoi il convient, et c’est cet objet qu’on propose à deviner. Ce discours ne doit point renfermer de circonstance qui ne conviène pas au mot de l’énigme.

Observez que l’énigme cache avec soin ce qui peut la dévoiler ; mais les autres espèces d’allégories ne doivent point être des énigmes, elles doivent être exprimées de manière qu’on puisse aisément en faire l’aplication.






XIII.

L’Allusion.


Allúdere. R. ad, et lúdere.

Les allusions et les jeux de mots ont encore du raport avec l’allégorie. L’allégorie présente un sens et en fait entendre un autre ; c’est ce qui arrive aussi dans les allusions, et dans la plûpart des jeux de mois, rei altérius ex álterâ, notátio. On fait allusion à l’histoire, à la fable, aux coutumes, et quelquefois même on joue sur les mots.

Henriade, chant 7.


Ton roi, jeune Biron, te sauve enfin la vie ;
Il t’arache sanglant aux fureurs des soldats,
Dont les coups redoublés achevoient ton trépas :
Tu vis ; songe du moins à lui rester fidèle.


Ce dernier vers fait allusion à la malheureuse conspiration du maréchal de Biron ; il en rapèle le souvenir.


Hist. l’Acad. t. 1, p. 277.

Voiture étoit fils d’un marchand de vin. Un jour qu’il jouoit aux proverbes avec des dames, madame des Loges lui dit : Celui-là ne vaut rien, percez-nous en d’un autre. On voit que cette dame fesoit une maligne allusion aux toneaux devin ; car percer se dit d’un toneau, et non pas d’un proverbe ; ainsi, elle réveilloit malicieusement dans l’esprit de l’assemblée le souvenir humiliant de la naissance de Voiture. C’est en cela que consiste l’allusion ; elle réveille les idées accessoires.

A l’egard des allusions qui ne consistent que dans un jeu de mots, il vaut mieux parler et écrire simplement que de s’amuser à des jeux de mots puérils, froids et fades : en voici un exemple dans cette épitaphe de Despautère.


Grammáticam scivit, multos docúitque per annos ;
Declináre tamen non pótuit túmulum.


Vous voyez que l’auteur joue sur la double signification de declináre.

Il sut la grammaire, il l’enseigna pendant plusieurs années, et cependant, il ne put décliner le mot túmulus. Selon cette traduction, la pensée est fausse ; car Despautère savoit fort bien décliner túmulus.

Que si l’on ne prend point túmulus matérièlement, et qu’on le prène pour ce qu’il signifie, c’est-à-dire, pour le tombeau, et par métonymie pour la mort, alors il faudra traduire que, malgré toute la conoissance que Despautère avoit de la grammaire, il ne put éviter la mort : ce qui n’a ni sel, ni raison ; car on sait bien que la grammaire n’exente pas de la nécessité de mourir.

La traduction est l’écueil de ces sortes de pensées. Quand une pensée est solide, tout ce qu’elle a de réalité se conserve dans la traduction ; mais quand toute sa valeur ne consiste que dans un jeu de mots, ce faux brillant se dissipe par la traduction.

Boileau, Art. Poët. chant. 2.

Giles Robin, natif du S. Esprit, de l’académie d’Arles


Ce n’est pas toutefois qu’une muse un peu fine
Sur un mot, en passant, ne joue et ne badine ;
Et d’un sens détourné n’abuse avec succès :
Mais fuyez sur ce point un ridicule excès.


Dans le placet que M. Robin présenta au roi pour être maintenu dans la possession d’une île qu’il avoit dans le Rhône, il s’exprime en ces termes :


Qu’est-ce en éfet pour toi, grand monarque des
Gaules,
Qu’un peu de sable et de gravier ?
Que faire de mon île ? Il n’y croit que des saules ;
Et tu n’aimes que le laurier.


Saules est pris dans le sens propre, et laurier dans le sens figuré ; mais ce jeu présente à l’esprit une pensée très-fine et très-solide. Il faut pourtant observer qu’elle n’a de vérité que parmi les nations où le laurier est regardé come le symbole de la victoire.

Les allusions doivent être facilement aperçues. Celles que nos poètes font à la fable sont défectueuses, quand le sujet auquel elles ont raport n’est pas conu. Malherbes, dans ses stances à M. du Périer pour le consoler de la mort de sa fille lui dit :

Poésies de Malherbe, I. vi.


Tithon n’a plus les ans qui le firent cigale,
Et Pluton aujourd’hui,
Sans égard du passé les mérites égale
D’Archemore et de lui.

Il y a peu de lecteurs qui conoissent Archemore, c’est un enfant du tems fabuleux. Sa nourice l’ayant quité pour quelques momens, un serpent vint et l’étoufa. Malherbe veut dire que Tithon, après une longue vie, s’est trouvé à la mort au même point qu’Archemore, qui ne vécut que peu de jours.

L’auteur du poème de la Madeleine, dans une apostrophe à l’amour profane, dit, parlant de Jésus-Christ :

I. 2, pag. 25.


Puisque cet Antéros t’a si bien désarmé :

Le

Œuvres de Du Marsais
Pougin (3p. 405-408).
________________________________________
TABLE
DES MATIÈRES
DU TOME TROISIÈME.
__________________

DES TROPES, ou des différens sens dans lesquels on peut prendre un même mot dans une même langue.

Pages
Pages

II. Usages ou effets des Tropes. 36

III. Ce qu’on doit observer, et ce qu’on doit éviter dans l’usage des Tropes, et pourquoi ils plaisent. 41

IV. Suite des réflexions générales sur le sens figuré. 43

V. Observations sur les dictionnaires latins-françois. 44

SECONDE PARTIE. Des Tropes en particulier. 49

I. La Catachrèse. Abus, extension, ou imitation. idem

II. La Métonymie. 66

III. La Métalepse. 84

IV. La Synecdoque. 90

V. L’Antonomase. 102

VI. La communication dans les paroles. 110

VII. La Litote. 112

VIII. L’Hyperbole. 113

IX. L’Hypotypose. 116

X. La Métaphore. 119

XI. La Syllepse oratoire. 133

XII. L’Allégorie. 135

XIII. L’Allusion. 142

XIV. L’Ironie. 149

XV. L’Euphémisme. 151

XVI. L’Antiphrase. 161

XVII. La Périphrase. 164

XVIII. L’Hypallage. 170

XIX. L’Onomatopée. 179

XX. Qu’un même mot peut être doublement figuré. 181

XXI. De la subordination des Tropes, ou du rang qu’ils doivent tenir les uns à l’égard des autres, et de leurs caractères particuliers. 183

XXII. i. Des Tropes dont on n’a point parlé. ii. Varité dans la dénomination des Tropes. 187

XXIII. Que l’usage et l’abus des Tropes sont de tous les temps et de toutes les langues. 191

TROISIÈME PARTIE. Des autres sens dans lesquels un même mot peut être employé dans le discours. 194

I. Substantifs pris adjectivement, adjectifs pris substantivement, substantifs et adjectifs pris adverbialement. 195

II. Sens déteminé, sens indéterminé. 200

III. Sens actif, sens passif, sens neutre. 201

IV. Sens absolu, sens relatif. 206

V. Sens collectif, sens distributif. 207

VI. Sens équivoque, sens louche. 208

VII. Des jeux de mots et de la Paronomase. 212

VIII. Sens composé, sens divisé. 214

IX. Sens littéral, sens spirituel. 216

Division du sens spirituel. 222

1°. Sens moral. idem

2°. Sens allégorique. 223

X. Du sens adapté, ou que l’on donne par allusion. 227

Remarques sur quelques passages adaptés à contre-sens. idem

Suite du sens adapté. De la parodie et des centons. 233

XI. Sens abstrait, sens concret. 240 Pages

Des termes abstraits. 242

Réflexions sur les abstractions, par rapport à la manière d’enseigner. 251

XII. Dernière observation. S’il y a des mots synonymes. 255

DISSERTATION sur la Prononciation et sur l’Orthographe de la langue françoise, où l’on examine s’ il faut écrire français au lieu de françois 263

LETTRE à M. Durand, avocat au parlement, en Périgord, sur ce passage de l’Art Poétique d’Horace : Difficile est propriè communia dicere. 282

LETTRE d’une jeune Demoiselle à l’Auteur des Vrais Principes de la langue françoise. 297

INVERSION. 337

FRAGMENT sur les Causes de la Parole. 377

FIN DE LA TABLE.

    cum inítium à tempestáte sumpsérunt, incéndio aut ruínâ fíniunt ; quæ est inconsequéntia rerum fœdíssima.

    Quint. l. 8, c. 6. Allegoria.

  1. (i) Maledicimur, et benedicimus : persecutionem pâtimur, et sustinémus : blasphemâmur, el obsecramus. i. Cor. c. 4. v. 12.
  2. (2) O generâtio incrédula et pervérsà, quo usque ero vobiscum ! Quo usque pâtiar vos. Matt. c. 17. V. 16.
  3. (i) Inter conformatiônem verborum et sententiârum hoc înterest, quôd verbôrum tôllitur, si verba mutaris, sententiàrum pérmanet, quibuscumque verbis uti velis. Cic. de Orat. L. III. n. 201. aliter LII.
  4. Id quoque imprímis est custodiéndum, ut quo ex génere cœperis translatiónis, hoc désinas. Multi enim,
  5. Neque tam fui tímidus, ut qui in máximis turbínibus ac flúctibus Reipúblicæ navem gubernássem, salvámque in portu collocássem ; frontis tuæ nubéculam, tum collégæ tui contaminátum spíritum pertiméscerem. Alios ego vidi ventos, álias prospéxi ánimo procélias : áliis impendéntibus tempestátibus non cessi, sed his unum me pro ómnium salúte óbtuli.
    Cic. in Pis. n. ix, aliter, 20 et 21.