Chronique d’une ancienne ville royale Dourdan/Appendice II

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APPENDICE II

PROMENADE DANS LES DEUX CANTONS DE DOURDAN.


Notre intention n’est pas de faire, dans ce livre, une histoire, même abrégée, des quarante communes qui composent aujourd’hui les deux cantons de Dourdan. C’est sur la ville de Dourdan, et sur elle seule, que nous voulons, du moins quant à présent, appeler l’attention, l’intérêt et l’étude du lecteur. Toutefois, ne serait-ce que pour compléter le tableau par son cadre, faire juger de la position relative de cette ville comme centre territorial et administratif, et donner à ceux qui ont bien voulu nous lire quelque désir de connaître un pays voisin de Paris et pourtant peu exploré, il nous semble utile de leur faire parcourir ici cette région, dans une très-rapide excursion, à la fois topographique et historique. Les lieux ne seront souvent qu’indiqués et les principaux souvenirs rappelés en passant.

Les uns et les autres sont loin d’être étrangers à l’histoire de Dourdan, car les communes dont cette ville est aujourd’hui le chef-lieu ont été autrefois comprises dans son bailliage ou dans son élection, et, suivant leur proximité, ont été plus ou moins directement intéréssées à ses destinées ou soumises à son influence.

I

Bien que la division en deux cantons soit purement factice, nous l’observerons pour plus de clarté, et, commençant par le canton nord, nous ferons le tour de son territoire en appuyant d’abord sur la droite, c’est-à-dire au levant, pour remonter et revenir par le nord.

Si l’on sort de Dourdan par l’ancienne porte Saint-Pierre, aujourd’hui porte de Paris, et le carrefour de la Croix-Rouge, on voit bientôt la vallée se rétrécir. Quand on a laissé à droite les dernières prairies de Dourdan et les dernières pentes des Jalots, qui forment promontoire en face de Dourdan et semblent vouloir fermer la vallée de ce côté, on retrouve le cours de l’Orge qui serpente entre deux versants presque parallèles et descend lentement, cotoyée par la route départementale et par le chemin de fer. La première commune qu’on traverse, à 2 kilomètres de Dourdan, c’est Roinville, qui doit à sa position le nom de Roinville-sous-Dourdan. Roinville, désigné sous le nom de Roinviletta dans un pouillé du diocèse de Chartres de la seconde moitié du xiiie siècle[1], ne comptait, suivant ce pouillé, que cinquante-sept feux. Son église, dont la nef surbaissée a été augmentée d’un chœur élevé, à voûte réticulée, avait dès lors pour patron saint Denis dont la fête d’automne amenait, suivant un ancien usage, les paroissiens de Dourdan qui venaient chercher ce jour-là à Roinville l’office du soir et les premières châtaignes de l’année. Roinville était une seigneurie et sa censive s’étendait jusque sur une partie de la ville de Dourdan. Les seigneurs du Marais étaient seigneurs de Roinville et en prenaient le titre. L’un d’eux, Philippe Hurault, fit bâtir en 1613 le petit château de briques qu’on voit encore près de l’église, désigné alors dans les aveux par ces mots : Pavillon couvert d’ardoise, cour avec fontaine au milieu, cour, basse-cour, avec quatre tourelles aux coins, jardin, parterre, basse-cour et jardin joints à la consistance de la ferme de Châteaupers. On lit encore l’inscription suivante sur la façade de ce pavillon qui servait de rendez-vous de chasse au Marais :

Si ceste maison ne te plaist,
Sans m’en désigner de nouvelle.
Laisse-la moy telle qu’elle est,
Et fais la tienne plus belle.

Roinville fut ravagé par la peste en 1632. Quarante personnes environ périrent presque en même temps de la contagion dans le village. Un incendie violent y éclata le 11 août 1719.

Plusieurs fiefs fort anciens dépendaient de la paroisse de Roinville et existent encore aujourd’hui, à l’état de fermes ou de hameaux, sur les deux plateaux qui dominent la vallée au-dessus du village. Sur le plateau de gauche, la ferme de Châteaupers rappelle un lieu seigneurial. Le haut bâtiment à pignon aigu qui lui sert de grange et se voit de loin à l’horizon est un reste de l’ancien manoir. Le fief de Châteaupers, autrefois appelé « les Cremaux » et dépendant de la paroisse Saint-Pierre de Dourdan, était une des plus belles propriétés de plaisance et de rapport des environs. D’un côté, des terres labourables, de l’autre un versant exposé en plein midi et couvert de vignes. Le vignoble de Châteaupers était le plus estimé de la contrée et de Lescornay en vante les vins. Pierre de Gobache, l’écuyer de Louis XI, était seigneur de Châteaupers en 1496. Pierre Lucas et son épouse Perrine Boutet demeuraient, vers 1510, dans leur maison « des Châteaupers. » Jean Hurault, seigneur du Marais, acheta cette terre en 1520, et quand Rachel de Cochefilet, veuve de François Hurault (1590), épousa Sully, elle s’appelait, du nom de son mari, madame de Châteaupers. — Tout près et non moins bien exposée, est la ferme, ou ancienne seigneurie de Beauvais ou Beauvoir[2] et, un peu plus loin, celle des Hautes-Minières[3], dont le nom rappelle une des exploitations métallurgiques jadis tentées dans le pays.

Sur le plateau de droite, Marchais[4] regarde Châteaupers. Derrière, est Plateau[5] dont les terres rejoignent la route d’Étampes. Le hameau de la Brière ou la Bruyère fait suite à Marchais ; son nom est mentionné dans une charte du viie siècle[6]. C’était, de ce côté, la limite du « Pagus Stampensis » ou de l’Étampais. Le prieur de Saint-Pierre était seigneur de la Brière et sa censive était établie par terrier[7]. Longtemps on a cru et écrit que La Bruyère était né à la Brière, mais il est bien prouvé qu’il était Parisien.

Plus bas, sur le bord de la route, est Ménilgrand, dont le peu d’étendue fait mentir aujourd’hui le nom et dont l’aspect délabré semble attester une décadence[8].

La commune de Sermaise occupe, comme celle de Roinville dont elle est le prolongement, le fond et les versants de la vallée. De Roinville à Sermaise et au delà, la route est bordée sur la droite de frais ombrages suivant le cours de l’Orge, de bois marécageux, de prés humides ou tourbeux. Sermaise, un peu caché quoique tout près de la route, est un village aux maisons peu nombreuses groupées autour d’une église qu’entoure un cimetière dont le terrain mal nivelé accuse un bouleversement du sol. En effet Sermaise a failli être détruit plusieurs fois par les inondations. On a de la peine à croire aux colères de la paisible et modeste rivière d’Orge, et pourtant, sans parler de débordements anciens dont des alluvions témoignent, le village a été submergé le 4 juin 1780. À six heures du soir, après un violent orage, l’Orge subitement gonflé a ruiné une partie des maisons et englouti plusieurs personnes. De braves gens, dont on a conservé les noms et qui furent en ce temps-là récompensés, Blot et Beaumont, sauvèrent à eux deux dix-sept personnes. La vallée se trouva comblée de 1 mètre 40, l’église enterrée et le sol végétal recouvert de bancs de ravine qui sont encore sur plusieurs points un obstacle à la culture. Une seconde inondation a eu lieu en 1829.

La seigneurie de Sermaise s’est transmise pendant plusieurs siècles dans la famille d’Hémery[9]. Au xviie siècle, elle passa dans les mains des Lamoignon et entra dans la composition de leur marquisat de Bâville qui absorba tout le territoire circonvoisin. Anne d’Autriche démembra en faveur de Guillaume de Lamoignon la paroisse de Sermaise du bailliage de Dourdan.

Ce qui donnait à la seigneurie de Sermaise son importance, c’étaient les fiefs qui en dépendaient ou qui l’avoisinaient, réunis, pour la plupart, dans la même main, aujourd’hui fermes ou écarts qui constituent la commune de Sermaise :

Mondétour ou plutôt Maudétour, mauvais détour, à cause de sa situation escarpée et de ses mauvais chemins[10].

La Villeneuve, théâtre de meurtres atroces commis au siècle dernier parla bande de Renard.

Le Moulin de la Mercerie, — le Tertre, — la Borde, — la Bretonnière, etc., etc.[11].

Mais principalement :

Blancheface ou Blanchefouasse et le Mesnil[12], seigneuries longtemps héréditaires achetées au xviie siècle par de Lamoignon et revendues par lui à l’Hôtel-Dieu de Paris.

La Râchée[13], dont le moulin à farine était autrefois un moulin à

fouler le drap et dont la fontaine est célèbre par la constance de sa source qui fait tourner jour et nuit une des meules du moulin, par la limpidité de ses eaux qui passent pour minérales, par la fraîcheur et le pittoresque de son site que les lavoirs modernes ont, hélas ! bien dépoétisé, par le souvenir de Lamoignon qui en faisait une de ses excursions favorites, par les vers de Boileau qui l’a chantée sous le nom de « Polycrène » et par l’ambitieuse inscription :

LAMONIANA FORTVNA HUNC
FONTEM INVENIT QUI PERENNEM
AQVAM PERENNITATI
DEDIT DAT DABIT.

Ici, nous nous éloignons un peu du cours de l’Orge, et, laissant le chemin de fer s’arrêter au bas du versant et continuer à mi-côte sa route vers Paris, nous nous élevons sur la gauche pour gagner Saint-Chéron. Toutefois, avant de quitter le fond de la vallée, signalons le hameau de Saint-Évroult qui mérite l’attention de l’antiquaire par sa station romaine et son ancien prieuré[14], et les fiefs de la Petite-Beauce, Mirgaudon, etc.

La montée de Saint-Chéron est rapide. À mesure qu’on s’élève, la vue embrasse un panorama justement renommé. La vallée s’est élargie, le paysage a pris un aspect grandiose. Des pentes sauvages, des crêtes élevées se dressent en face, au-dessus du vallon verdoyant, et, au bout d’un immense défilé, l’horizon s’ouvre et l’œil se perd dans d’harmonieux lointains. Dominant Saint-Chéron de leur double sommet, les buttes Saint-Nicolas avec leur sombre panache d’arbres verts, sont les géants de la contrée. Leur vigoureuse silhouette se découvre de fort loin et, dans tous les points de vue des environs, tranche sur les lignes indécises et les molles ondulations des coteaux voisins. Aussi Saint-Chéron s’appelle-t-il Saint-Chéron-Montcouronne ou mont-couronné et se distingue-t-il ainsi de ses homonymes de la Beauce, Saint-Chéron-lès-Chartres, Saint-Chéron-du-Chemin, en revendiquant un privilége presque unique dans la région, celui de posséder une montagne.

Donnons-nous le plaisir d’admirer ici une de ces échappées de grande et belle nature que nous retrouverons rarement dans notre pérégrination à travers les fertiles vallons du Hurepoix ou les plaines sans limites de la Beauce. Sans doute la nature est belle partout : ceux qui l’aiment le savent bien ; les pittoresques horizons ne sauraient faire mépriser les charmes des horizons prochains ni même ceux des horizons déserts : mais on est toujours heureux de rencontrer ces tableaux complets où détails, plans et perspectives ont été, pour ainsi dire, savamment ménagés. Ainsi pensent les touristes et les peintres qui viennent exprès de Paris visiter la vallée de Saint-Chéron. Un grand connaisseur, le fameux Cicéri, qui avait vu et créé tant de beaux paysages, avait fixé là sa tente et, pendant de longues années, habita une demeure qu’il décora de ses propres mains. À son exemple, des artistes, des littérateurs ont tour à tour échelonné leurs ermitages sur le versant. Oublions donc, pour son site, les souvenirs historiques ou archéologiques de Saint-Chéron. Aussi bien, nos lecteurs sont peut-être déjà fatigués de mouvances seigneuriales et de cadastres féodaux, et Bâville les attire, car l’ombre des Lamoignon, comme celle des buttes de Montcouronne, plane encore sur toute la vallée.

De l’église de Saint-Chéron, où Bourdaloue a prêché et fait le catéchisme aux enfants du village que mademoiselle de Lamoignon trouvait bien ignorants et faisait asseoir à ses côtés, il faut encore monter pour redescendre ensuite, avant d’arriver à Bâville qui est situé entre deux vallées, et dont la principale entrée regarde Saint-Maurice. Au milieu d’un parc immense aux ombrages séculaires, le grand château de grès et de brique du temps de Louis XIII, subsiste comme un royal monument de l’antique magistrature française, avec son corps principal flanqué de deux ailes en retour dont l’une est détruite, sa chapelle, ses vastes communs, ses larges et solitaires allées qui ont gardé les noms d’hôtes illustres, ses longues charmilles, ses hautes futaies et cet aspect austère et un peu triste que donne toujours aux lieux le souvenir des grandes familles éteintes et des gloires disparues.

C’était en effet une belle famille que cette maison des Lamoignon aux mœurs simples et dignes, où les vertus filiales se transmettaient avec les talents et les charges, où la charité s’exerçait aussi noblement que l’hospitalité. Il n’y avait point de château à Bâville du temps où Charles de Lamoignon y mourait en laissant vingt enfants à Charlotte de Besançon (1572). Là, grandissaient les vingt enfants, avec ceux que la fille aînée avait eus de Jean de Bullion. Devenu surintendant des finances et président à mortier, Claude de Bullion se rappelait gaiement qu’on le promenait à Bâville sur un âne avec son jeune oncle, Chrétien de Lamoignon, et qu’en les mettant chacun dans un panier, on plaçait un pain du côté de Lamoignon parce qu’il était plus léger. Ce n’était pas dans un château que Chrétien recevait sous Henri IV et sous Louis XIII tous ses illustres amis : « Bâville n’était qu’une petite chaumière, nous apprend son fils Guillaume. On n’y venait pas pour voir une belle maison ni un beau parc, car il n’y avait rien de plus petit ni de plus simple que l’un et l’autre. On n’avait que deux ou trois chambres à donner aux étrangers. Dans la plus grande on mettait quatre lits qui servaient à autant de personnes en ce temps-là que quatre grands appartements pourraient le faire présentement. Quelquefois les invités couchaient en carrosse ; tous se trouvaient bien reçus et partaient avec regrets. »

Et quand, après avoir recueilli la riche succession de M. des Landes, son beau-père, Chrétien voulut laisser à son fils un état de maison digne de la haute position de la famille, il commença par doubler ses aumônes avant d’augmenter son luxe. Une sage entente et une prudente économie présidèrent à la construction du beau château de Bâville. Son fils nous assure qu’il ne coûta que 45,000 livres et il ajoute : « On n’en ferait pas tant aujourd’hui pour le double. » II s’agirait maintenant de millions. On aime à se figurer le premier président Guillaume parlant avec attendrissement du temps où il vivait à Bâville avec ses sœurs, près de son père, « ne se souvenant pas de lui avoir jamais désobéi ou déplu, ou même d’avoir manqué de lui plaire, en ce qui pouvait dépendre de lui. » On aime à se représenter cette grande école de respect et ce séjour d’élite où, après avoir vu recevoir avec vénération le vertueux Jérôme Bignon, Guillaume accueillait à son tour Boileau, Racine, Regnard, et son savant maître le P. Rapin, qui se plaisaient tous à chanter dans leur immortel langage les charmes de Bâville.

Les Lamoignon du xviiie siècle remplacèrent ceux du xviie. Le nom de Malesherbes est inséparable de celui de ses pères. Bâville connut des heures de tristesse. Aujourd’hui, tout son riche et vaste domaine repose sur la tête de deux orphelins[15].

S’orientant du haut des buttes de Bâville, le lecteur voudra bien traverser à vol d’oiseau la vallée de Saint-Chéron et nous suivre de l’autre côté du versant, à Saint-Sulpice-de-Favières. Nous sommes ici sur l’ancien territoire du « diocèse de Paris, » dans une vallée étroite où court le ruisseau de Souzi, sur un pauvre sol de grès et de sable aux roches immenses qui font suite à celles de Fontainebleau, et s’exploitent de la même manière ; à la porte de cette contrée de Torfou, célèbre par ses dangereux défilés et ses brigands armés. Favières, Fabaria, Faveriæ (des fèves qu’on y cultivait, dit-on), se résume dans son église qui est un chef-d’œuvre et a mérité d’être appelée « la plus belle église de village de tout le royaume. » Bâtie dans un fond assez resserré, sur l’emplacement d’un ancien pèlerinage, au lieu où saint Sulpice guérissait des malades vers le vie siècle, elle est éclose au xiiie, comme la Sainte-Chapelle de Paris, d’une pensée de foi hardie et gracieuse. Sa forme étroite et élancée rappelle l’époque fleurie du style ogival, et son vaisseau percé à l’abside de trois rangs superposés de baies à double ogive trilobée, serait complet, sans ses verrières murées en partie, sa voûte écroulée au xviiie siècle et refaite en bardeaux, sa tour aux contreforts fleuronnés privée de clocher. Au pied de cette tour, s’avance l’ancienne chapelle des miracles, d’un style ogival primitif, que l’abbé Lebœuf voyait pleine de béquilles au xviiie siècle. A l’occident, la façade de l’édifice, datant de la moitié du xive siècle, s’offre avec ses trois portes aux fines sculptures, son tympan feuillagé, son grand pignon à jour malheureusement détruit vers le haut. A l’intérieur, règnent une nef principale et deux nefs latérales se terminant carrément à la hauteur du sanctuaire et comptant six travées. Les cinq travées de l’abside percées de leurs grandes verrières illuminent le chœur. De sveltes piliers s’élancent en faisceaux de douze colonnes. Vingt-deux stalles de bois sculpté du xive et xve siècle portent des sujets variés et des figures en prière. Une porte architecturale, d’admirables vitraux presque détruits, quelques épitaphes des seigneurs de Saint-Pol, un charmant sonnet de Gilles du Couldrier à sa fille de dix-neuf ans (1604), attirent et captivent l’œil de l’antiquaire. L’édifice est classé parmi les monuments historiques et il ne manque que de l’argent pour le réparer comme il le mérite[16].

Avant le xiie siècle, Favières dépendait de la châtellenie de Montlhéry et passa, par usurpation, sous la prévôté d’Étampes. Arraud du Chesnay en était seigneur au xiiie siècle, Antoine du Bourg sous François Ier, Claude Daubray au xviie siècle. Englobé dans le marquisat de Bâville, Saint-Sulpice releva des Lamoignon, avec les fiefs de Harville, Mauprofit, etc. Signalons, dans la paroisse, les fiefs des Jurodières, d’Escury, de Taillegrain,[17] de Guillerville, appartenant aux de Saint-Pol, et particulièrement la belle terre de Segrez avec son parc renommé, ses belles eaux, ses grottes, ses cascades du siècle dernier, et sa magnifique collection botanique d’aujourd’hui[18].

Saint-Yon et sa montagne offrent un poste célèbre et le plus bel observatoire des environs. Sur le haut d’une butte sablonneuse et escarpée, les possesseurs de la contrée ont eu de tout temps leur forteresse. Quelques vestiges de fossés, les ruines de trois portes connues encore au siècle dernier sous le nom de portes de Paris, de la Folie et de Bourdeaux, la disposition du sol, tout annonce l’emplacement d’un ancien oppidum devenu plus tard celui d’un château féodal. D’obscures légendes enveloppent les origines du village. L’apôtre martyr Œonius aurait donné son nom à la montagne qui lui sert de tombeau, désignée aussi par le nom problématique d’Hautefeuille. Sur l’oratoire du saint, le prieuré aurait été bâti au xie siècle, desservi par des religieux de la Charité-sur-Loire, de l’ordre de Cluny. Une église du xviie siècle a remplacé l’ancienne. On peut lire dans l’abbé Lebœuf la description de quelques pierres tombales et la liste, depuis le xiie siècle, des seigneurs de Saint-Yon, hommes-liges du roi, relevant de Montlhéry. C’est aux Saint-Yon, ces terribles bouchers bourguignons, possesseurs du lieu, qu’on attribue la démolition de la forteresse. Au xvie siècle, l’amiral de Graville est seigneur de Saint-Yon ; au xviie, la baronnie de Saint-Yon s’unit au marquisat de Bâville et Guillaume de Lamoignon y joint des droits seigneuriaux, de justice et autres, avec les fiefs de Moret, de la Madeleine, etc[19]. L’antique léproserie de la Madeleine était au bas de la côte avec son cimetière.

Situé au pied de la montagne de Saint-Yon qui l’abrite du sud-ouest, et au bout de la plaine qui commence à Arpajon, Boissy-sous-Saint-Yon s’élève sur un terrain uni entouré jadis de quelques vignes. Connu, dès la fin du xie siècle, par les titres de Longpont, sous le nom de Buxiacum (de Buxus, buis, ou Boscus, bois), le pays appartenait alors aux chevaliers de Vaugrigneuse ; divers seigneurs y eurent des droits aux siècles suivants. Aux xve et xvie, les de Montagu, les Graville, les Balsac d’Entragues rattachèrent cette terre à Marcoussis, et, en 1635, haute et puissante dame Marie-Charlotte de Balsac, maîtresse et se disant dame de Bassompierre et maréchalle de France, se disait aussi « dame dudit Boissy. » Peu après, Guillaume de Lamoignon enclavait Boissy avec Saint-Yon dans son grand marquisat et obtenait par lettres patentes des foires et marchés. Ancien oratoire du titre de Saint-Thomas de Cantorbéry, l’église, bâtie vers le commencement du xvie siècle, reçut au xviiie divers embellissements de l’abbé Penneti, secrétaire du grand duc de Toscane en France. Nous sommes toujours en plein diocèse de Paris, dans le doyenné de Montlhéry, et assez loin de Dourdan. Églies, village voisin, généralement nommé en même temps que Boissy, appartient aujourd’hui à un autre canton.

Nous retrouvons la vallée de l’Orge et le chemin de fer. Deux villages se regardent : à droite, Breux ; à gauche, Breuillet. Breux était encore une seigneurie dépendant du marquisat de Bâville avec les fiefs des Granges, du moulin et du grand étang de Breux, et le fief de Rimoron, appartenant aux dames de Saint-Cyr. Breuillet, seigneurie unie au même marquisat et mouvant du roi à cause du Châtelet de Paris, comprenait les fiefs du Colombier, de Guisseray, des Hautes (relevant de Bruyères-le-Châtel), des soixante-dix arpents (relevant de Marcoussis)[19], de la Boissière et de Guillot-Belloche, (relevant des dames de Saint-Cyr à cause de Chevreuse). Le chemin de fer s’arrête au Bout-du-Monde. De la côte qui le domine, une vue superbe complète celle de Saint-Chéron. Derrière cette côte, qui s’avance comme un promontoire à la jonction de deux vallées, court une autre rivière, la Rémarde.

Remontons cet affluent de l’Orge, qui serpente au milieu des plus vertes prairies et des plus frais bocages, et fait tourner de nombreux moulins. Voici le Colombier, ancien lieu seigneurial, la Folleville, Ardenelle, et sur le versant, en face de Bâville que nous laissons sur la gauche :

Saint-Maurice dont le château est démoli. Au xve siècle, Jean de Saint-Germain possédait la seigneurie de Saint-Maurice ; au xvie, c’était la famille de Bastemont ; au xviie et au xviiie celle du président Pecquot. Aujourd’hui un noviciat de religieux s’est installé dans ce paisible séjour.

Une route charmante nous amène sur le territoire du Val-Saint-Germain, et les grands arbres qui s’offrent à nous révèlent tout d’abord une propriété princière : c’est le Marais. Si l’on veut bien jouir du coup-d’œil d’ensemble, il faut tourner autour du parc et entrer par le bas. Une pièce d’eau immense, canal digne de Versailles, reflète la ligne de grands arbres, le rideau de peupliers et les haies taillées qui la bordent. Encadré dans le fond, le château au blanc péristyle, aux ailes symétriques, mire dans l’eau, d’où il paraît sortir, ses colonnes, ses balcons et son profil horizontal, que la renaissance Louis XVI emprunta aux villas italiennes.

Avançons, car outre les magnifiques appartements de l’intérieur, le visiteur a un parc splendide à admirer. Entre le château et le canal, à la place de la route qui naguère encore les séparait, un étincelant tapis de fleurs s’étend devant la cour d’honneur aux fossés remplis d’eau. À gauche, le colombier féodal s’élève à l’entrée d’une avenue d’arbres séculaires. À droite, un immense parterre dominé par les futaies du parc et des gazons sans limites éblouit et charme le regard par les lignes régulières et harmonieuses de mille plantes aux vives couleurs. Lorsque, en août et septembre, toutes ces fleurs s’épanouissent à la fois et embaument le parc, et qu’à travers les nombreuses serres entr’ouvertes les plantes rares des tropiques rivalisent avec elles de vie et de parfum, nous ne savons rien de plus luxueux, de plus gracieux en même temps.

M. le marquis de la Ferté, qui possède ce beau domaine, aime l’horticulture et la pratique en vrai grand seigneur.

Le Marais est une dot transmise par les femmes dans de nobles maisons. Madame la marquise de la Ferté est la fille de M. Molé. L’éminent ministre venait se reposer de ses fatigues d’homme d’État au château du Marais, qu’il tenait de sa femme, mademoiselle de la Briche ; et madame de la Briche, l’aimable châtelaine qui donna, au commencement du siècle, de si belles fêtes au Marais, appartenait à cette famille Le Maître du Marais qui fit démolir l’ancien château et construire à frais immenses l’édifice actuel, par l’architecte Neveu, de Versailles, vers 1770.

Un plan en relief, conservé dans les archives du Marais, nous a fait voir ce qu’était l’ancien château. La disposition était la même : pièces d’eau, canal, douves, grande cour d’honneur, parc ombragé, entouraient un manoir seigneurial, mais les sombres assises de grès, les hauts toits d’ardoise, les ponts-levis de l’entrée[20] rappelaient un autre âge et l’habitation féodale et sévère d’une importante famille qui, pendant plus de deux siècles, joua un des premiers rôles dans la contrée, la famille Hurault[21]. Fils de Jacques, trésorier des guerres, vieux Breton très en faveur auprès des rois Louis XI et Louis XII, Jean Hurault était, sous François Ier, seigneur de Vueil et du Marais ; ses sœurs avaient épousé les seigneurs de Rochefort et de Limours ; son neveu était ce fameux chancelier et gouverneur Hurault de Cheverny, qui recherchait tant la faveur des rois et des belles dames ; son petit-fils, tué sous la Ligue, laissait une jeune veuve qui devait épouser Sully et lui faire acheter Dourdan, et sa petite fille Jacqueline devenait la femme d’Anne de l’Hospital Sainte-Mesme, le bailli et gouverneur de Dourdan. Intrigues politiques, cours galantes, visites, noces et fêtes princières, on peut deviner ce que dut voir le Marais sous Henri IV, sous Louis XIII, sous la Fronde. Quand la grande demoiselle de Montpensier venait, tout près de là, prendre « ses eaux de Forges, » elle ne manquait pas de descendre au Marais et de le consigner dans ses Mémoires : « J’allai coucher au Marais chez madame des Marais, où il y avait beaucoup de monde du pays ; elle me reçut, à son ordinaire, avec beaucoup de joie et de magnificence. »[22] On lisait encore avant la Révolution, sur l’écorce d’un orme séculaire, à l’entrée du château : « La main du grand Sully me planta dans ces lieux. »

César Hurault vendit le Marais à Pierre Henry Le Maître, le 19 mars 1706.

L’avenue du château nous conduit au Val-Saint-Germain, le chef-lieu de la commune, qu’on appelle aussi Sainte-Julienne car nous sommes ici en plein pèlerinage, et l’image de la sainte dans sa chaudière se voit aux enseignes du village. Sur une petite place, une très-vieille église, au clocher nouveau, ouvre son porche de charpente au passant. Descendons dans cette nef humide et sombre, aux massifs et primitifs piliers, à laquelle les siècles suivants ont ajouté un chœur élancé et des ornements de tous les âges. Le long des murs, sous les arceaux, sont rangées, comme en procession, des files de torches enrubannées de formes bizarres, avec des inscriptions et des dates. Ce sont les « souches » offertes par les villes, les villages, les églises, les fidèles venus en pèlerinage au Val. Elles sont en marbre, en bois, en métal, travaillées comme des chefs-d’œuvre de maîtrise ou grossièrement taillées. Il y a des noms de grandes villes, il y a des hommages venus de loin. C’est qu’en effet le pèlerinage de Sainte-Julienne était — on peut dire est encore — le plus célèbre de la région. Suivant Surius et Baillet, la relique de sainte Julienne de Nicomédie en Afrique fut apportée de Constantinople, après la prise de cette ville par les Latins en 1203. D’après une pieuse tradition, un gentilhomme breton qui faisait partie de la croisade et qui avait obtenu le précieux chef de la sainte avec l’intention de l’emporter dans son pays, passa, chemin faisant, par le Val-Saint-Germain. Retenu dans ce lieu par une grave maladie, il fit vœu, s’il recouvrait la santé, d’élever au Val une église en l’honneur de sainte Julienne et d’y déposer sa relique. Pendant des siècles, cinq à six mille pèlerins, dit-on, se donnaient rendez-vous chaque année, principalement dans la semaine de la Pentecôte, de plus de trente lieues à la ronde[23]. Des paroisses de Paris y venaient avec leur clergé, et les églises des environs, celle de Dourdan en tête, arrivaient de toutes parts en procession. La foi s’est singulièrement attiédie, on n’accourt plus de si loin à Sainte-Julienne ; pourtant on peut voir encore à l’époque des pélerinages quelques cortéges villageois venir avec leurs bannières d’au delà de Dourdan, et s’y reposer en chantant à la chapelle de l’Hôtel-Dieu ; des charrettes pleines de vieillards cheminer par les routes, et une sorte de foire, moitié religieuse moitié profane, dresser ses tentes autour de l’église.

Saluons, en passant, la dernière maison qu’on rencontre en sortant du village, aux contrevents verts, à la grille blanche, avec son jardin taillé dans les prés. C’est l’ermitage du vieux poëte académicien Viennet qui a atteint et chanté là ses quatre-vingts ans et qui, durant de nombreuses années, maire du Val-Saint-Germain, a voulu s’y faire porter encore une fois l’an passé et s’y est éteint, visité à sa dernière heure par tous les grands personnages des environs qui sont venus rendre un dernier hommage à l’aimable patriarche de la vallée.

Laissant sur la droite le moulin de Levimpont et traversant le hameau du Pont-Rué, nous apercevons à mi-côte la commune de Saint-Cyr dominée par son clocher. A l’entrée du village une ferme, avec des tourelles aux angles, ressemble à une demeure fortifiée ; là en effet était l’hôtel seigneurial du fief de la Tour de Saint-Cyr, bâti en 1560 à la place d’une vieille tour, auprès de l’église construite elle-même en 1540 sur l’emplacement de l’enclos du fief. Admirons dans l’église, nouvellement restaurée avec beaucoup de goût et parfaitement entretenue, les colonnettes s’épanouissant en forme de palmiers qui séparent la nef de l’unique bas-côté et les voûtes armoriées. Saint-Cyr par lui même est restreint, mais le hameau de Bandeville lui fait immédiatement suite. Traversant la route de Limours qui monte entre les deux et que nous reprendrons tout à l’heure, visitons Bandeville. Ceux qui l’ont vu il y a plusieurs années auraient peine à reconnaître son chemin boueux et ses chaumières dans cette longue rue à chaussée solide, bordée de trottoirs et de maisons neuves qui respirent l’aisance. C’est qu’au bout de cette rue est le château dont l’heureuse influence est loin d’être étrangère à tout ce qui se fait d’utile dans le pays. Encore une belle propriété, une noble demeure, centre depuis le xvie siècle d’un très-vaste domaine territorial. Cette fois, la grande façade de brique et les hautes cheminées nous reportent au temps de Louis XIII ; un perron s’ouvre en face de la grille, un autre regarde le parc où des pièces d’eau superposées montent avec le terrain et s’encadrent dans de magnifiques ombrages habités par des troupeaux de daims.

Jadis existait là une simple maison seigneuriale avec un colombier et quelques jardins. Sept fiefs et plusieurs arrière-fiefs formaient sa mouvance et elle relevait elle-même de la grosse tour de Montlhéry. L’ancienne famille de Simon de Bandeville l’habitait au xiiie et au xive siècle, les du Belloy et les de Balu se la transmettaient au xve ; Thomas Rappouël l’achetait en 1530. Ce Thomas Rappoüel, notaire et secrétaire du roi et de sa chambre, surintendant de ses finances, comme l’indiquait une tombe placée dans la chapelle à côté du chœur dans l’église de Saint-Cyr, paraît avoir été un homme très en faveur à la cour de François Ier. Il arrondit singulièrement son domaine par l’acquisition d’un grand nombre de fiefs voisins[24]. C’est lui qui commença à agrandir les bâtiments de l’hôtel seigneurial, fit enclore de murs la pièce de bois appelée la Touffe, aujourd’hui le parc du château, et rebâtir l’église paroissiale de Saint-Cyr.

La famille de Thomas Rappoüel, famille de robe, recueillit ce riche héritage. Adrien Dudrac, conseiller au parlement sous Henri II, Jean Dudrac et son gendre Thierry Sevin ou Servin, président au parlement, ajoutèrent encore à l’importance de la seigneurie[25]. Thierry et son fils Jean ont fait bâtir le château tel qu’il est aujourd’hui. Jean, seigneur de Bandeville, aimait les chasses fastueuses, au moins autant que la magistrature, et quand il arrivait aux rendez-vous du prince de Guéménée dans la forêt de Dourdan, on admirait en souriant, dit le malicieux marquis de Châtre, son justaucorps chamarré d’or et son chapeau à plumes flottantes. Des embarras de fortune forcèrent ses enfants à vendre[26] la seigneurie en 1676, à François Bazin, maître des requêtes. Le nouveau seigneur, désireux d’augmenter encore l’étendue de son domaine, acquit la terre de Longvilliers et la moitié de celle du Plessis-Marly, et en 1682, obtint de Louis XIV des lettres-patentes qui érigeaient en marquisat la terre de Bandeville. Vendue en 1704 à Pierre Doublet de Croüy, elle appartint à son fils aîné messire Pierre François Doublet, président au parlement, puis à son second fils Michel Doublet, baron de Beaulche, accrue de fiefs considérables acquis près de Dourdan des comtes de Sainte-Mesme[27]. Les Cypierre de Chevilly, les Roslin d’Ivry, alliés aux Doublet, se succédèrent à Bandeville durant les dernières années du xviiie siècle, et cédèrent le 10 décembre 1806 à James Alexandre, comte de Pourtalès. Son fils, M. le comte Robert de Pourtalès, est aujourd’hui propriétaire de Bandeville.

Morcelée en partie à la révolution, la grande terre des Doublet de Croüy se reforme peu à peu. Les fiefs importants d’autrefois, représentés par des fermes modernes, se rattachent de nouveau l’un après l’autre au château de Bandeville et de vastes exploitations rurales fleurissent sous son influence. Longeons quelques instants la grille du château et nous verrons à quel point le maître du domaine aime et protége la terre et sa culture. Presque dans le parc, une ferme modèle qu’il fait exploiter sous ses yeux réunit des spécimens de races, procédés, instruments agricoles perfectionnés. Un beau moulin, qui était très-anciennement une fonderie de minerai de fer, s’élève en face du château. Les terres de la vallée sont soumises à des essais de toutes sortes ; le Plessis, où nous reviendrons, a son institut agricole, la Bâte a ses tuileries mécaniques, et le promeneur intelligent se plaît à retrouver aux portes de notre Beauce des goûts qui rappellent la noble vie anglaise.

Repassant par Saint-Cyr et gravissant la route de Limours, on gagne la commune d’Angervilliers. Deux généralités, celle de Paris et celle d’Orléans se partageaient autrefois son territoire. L’église date du xive siècle. A la place du château moderne de M. de Périgny, s’élevait encore au commencement du siècle, le vieux château dont Le Nôtre avait dessiné le parc et dont les étangs s’alimentaient par des aqueducs souterrains passant sous le village.

La terre d’Angervilliers, jadis relevant d’Aunainville en Beauce, appartenait à Élisabeth d’Angervilliers et à Étienne Boutard au xive siècle, — aux Sanguin, etc., pendant le xve. Donnée, en 1555, par le cardinal de Meudon à la dame de Pisseleu, duchesse d’Étampes, qui possédait aussi Dourdan et habitait le château de Limours, elle passa à son neveu Charles de Barbançon. Au xviie siècle, acquise par le président de Thou, cédée à Jacques Bouhier de Beauregard, considérablement augmentée par son petit-fils Édouard Ollier de Nointel, vendue à la famille Bouin qui l’occupa pendant une grande partie du xviiie siècle, elle eut pour derniers possesseurs les Rolland, les de Bouville et les Julien.

Le sol, sur plusieurs points ingrat pour la culture des céréales, mais assez favorable pour celle du châtaignier, a été de tout temps fouillé, et on a cherché à utiliser ses éléments divers. Les rognons ou minerais de fer qu’on rencontre assez abondamment dans les sables argileux ont été jadis l’objet d’une exploitation depuis longtemps abandonnée, et nous trouvons, entre autres, la mention d’une usine à fer sur le chemin d’Angervilliers au Marais, appartenant au seigneur du Marais en 1488. L’argile, propre à la cuisson, a toujours attiré sur les lieux des tuileries dont certains hameaux portent encore le nom et dont les produits sont estimés. Les pentes sableuses ont été affectées autrefois à la culture du raisin et il est question de vente de vignes « aux montagnes d’Angervilliers, » dans des contrats de 1484. Le sable lui-même, par son grain régulier, par son lavage parfait, est recherché et exploité pour les ciments. La main de l’homme, toujours industrieuse et active, arrache à la terre ses entrailles quand elle n’y trouve pas des sucs nourriciers.

Traversons, ou plutôt côtoyons des bois qui s’étendent sur le plateau, et dont la lisière nous conduira, en tournant, sur la commune de Bonnelles. Voici, adossé à ces bois, le domaine de Bissy, dont le château nouvellement restauré, les belles pièces d’eau, le grand parc, constituaient un fief considérable pour lequel messire d’Orsay, président au grand conseil, rendait aveu en 1588 au seigneur de Bonnelles[28]. Bonnelles appartenait, au xvie siècle, à la famille de La Villeneuve. Au xviie siècle, M. de Bullion en était seigneur, et le fameux surintendant des finances y vint souvent avec une cour nombreuse. Au xviiie siècle, François-Emmanuel de Crussol, duc d’Uzès, réunit à ses grands domaines ceux de Bonnelles, de Bullion, des Bordes et autres lieux. M. le duc d’Uzès est encore aujourd’hui le propriétaire de Bonnelles. Après avoir traversé le village, dont l’église, bientôt reconstruite, est presque enclavée dans le parc, on passe devant la grille du château. Ne cherchons pas ici un antique manoir. La féodalité a disparu. Un château qui date de 1849 a remplacé l’ancien. Édifice monumental où la pierre, la meulière, la brique se mêlent harmonieusement, le château de Bonnelles est une des plus riches demeures modernes. Haut vestibule, dont l’armure à cheval d’un noble ancêtre garde l’entrée, salons immenses reliés par une serre magnifique à une salle à manger princière qui occupe tout le pavillon de droite : un grand luxe et un grand goût ont tout ordonné. Le parc, un peu découvert, laisse l’œil se reposer sur une vaste prairie où serpente un cours d’eau ; la campagne continue indéfiniment le paysage, et des bouquets d’arbres semés au loin encadrent des échappées sur les environs dont le château devient à son tour le point de vue.

Un peu au delà de Bonnelles est Bullion, l’ancien Bualone, qui faisait, au viie siècle, de ce côté, la limite extrême du « Pagus Stampensis »[29]. On l’appelait Boolun, Boolon[30] au moyen âge et jusqu’en 1618 on disait encore Boullon. Le nom de Bullion date du surintendant. La seigneurie de Bullion relevait de Magny-Lessart, près Chevreuse. On lui connaît des maîtres dès le xiie siècle. Au xve et au xvie siècle, elle était possédée par la famille de la Motte. C’est en 1611 qu’elle fut vendue à Claude de Bullion, seigneur de Bonnelles, etc., l’un des plus habiles ministres du grand siècle. Anne de Bullion, en épousant le duc d’Uzès, lui apporta la terre de Bonnelles[31].

Autour de Bullion plusieurs écarts méritent l’attention : la ferme des Carneaux, ancien manoir seigneurial, a conservé quelques constructions du xve siècle. Au hameau de Moûtiers, jadis paroisse et prieuré de bénédictins, dépendant de Saint-Arnoult, une grande chapelle dédiée à sainte Anne et sainte Scariberge, qui date de l’époque romane, était l’objet d’un pèlerinage fréquenté ; elle appartient à la fabrique de Bullion et vient d’être réparée. Lonchêne a eu ses seigneurs et sa chapelle. Le château et la ferme de Ronqueux, après avoir appartenu au général Digeon et au comte d’Aramont, sont aujourd’hui la propriété de l’honorable M. d’Hendecourt.

Ronqueux nous mène près du territoire de la commune de la Celle-les-Bordes, et nous tentrons dans l’ancien diocèse de Paris. Le village de la Celle est situé dans une petite vallée dominée au nord par la plaine et bordée jadis par des vignes. Le voisinage de la forêt de Rambouillet ou d’Yveline lui a fait donner le nom de Cella Æqualina[32] ; la proximité de Cernay-la-Ville, celui de Cella ad Sarnetum ; les vieux souvenirs de saint Germain lui ont valu le surnom de Cella Sancti Germani[33]. Peut-être donnée à saint Germain lui-même par Childebert, cette terre appartenait à l’abbaye Saint-Germain, et il est constant que, du temps même de Charlemagne, il y avait deux paroisses et deux églises dans la commune, celle de la Celle et celle des Bordes. L’église des Bordes n’existe plus. Les seigneurs de la Celle étaient les de Harville. Le premier paraît être Claude de Harville, également seigneur de Palaiseau (1580). Le château de brique et de grès a été récemment vendu à la maison de Bonnelles ; quant à l’église, elle a été dévastée à la Révolution. — Parmi les seigneurs des Bordes, on cite Alexandre des Bordes, parent de l’illustre Guy de Lévis, et Philippe des Bordes (1326), dont la femme est inhumée dans l’église de la Celle. L’ancien château-fort des Bordes, qui appartenait, avant la Révolution, aux maîtres de Bonnelles, a passé entre les mains du représentant Calès, de la bande noire, de M. Bar, du comte de Wall. Le propriétaire actuel, M. Flury, a fait élever au milieu du parc un nouveau château ; mais il reste de l’ancien la porte principale, flanquée de deux tours, et des bâtiments convertis en communs.

Rapprochons-nous de Dourdan, en traversant les bois de la Celle qui touchent à ceux de Rochefort. Sur la route de Bonnelles à Rochefort, le vieux pont du Bourg-neuf servait à traverser le fond de la prairie, et, non loin de là, dans la ferme de la Cense, on montre la chambre de Henri IV et de la belle Gabrielle. Pour avoir une juste idée de Rochefort, ce n’est point par le haut qu’il faudrait l’aborder. C’est d’en bas et d’un peu loin qu’il convient de voir l’abrupte colline faite exprès pour servir de base à une citadelle. Rochefort-en-Yveline est une des capitales de la féodalité, c’est la féodalité vivante. Ce n’est pas un village, c’est une ville seigneuriale. Les ruines qui couronnent sa tête, les maisons aux grandes portes armoriées qu’on rencontre dans ses rues montueuses, la fière position de son église, le vaste parc de son château, tout révèle une cité qui a eu de nobles maîtres et qui vit aujourd’hui des souvenirs d’une ancienne histoire. Cette histoire, nous ne l’aborderons pas ici ; elle mériterait un ouvrage spécial. C’est à peine si nous la résumerons en quelques lignes[34].

Les murailles du vieux château, dont les pans ruinés forment une enceinte bizarre et irrégulière autour du sommet allongé de la colline, rappellent l’ancienne disposition de l’oppidum gaulois. Les possesseurs de la contrée ont dû, dans tous les temps, profiter de ce poste avantageux pour commander le pays, et, bien avant la féodalité, les légendes nous parlent du lieu d’Hibernie, dominant la Rabette sur les confins de l’Yveline et du Châtrais. Quand, avec la troisième race, les seigneurs de Rochefort commencent à jouer un rôle dans l’histoire, le château et l’église existent sans doute déjà, et la vaste circonscription du doyenné de Rochefort, dans le diocèse de Chartres, atteste bien évidemment l’ancienne importance de la localité. Chef-lieu d’un comté qui embrassait tout le midi de l’Yveline et une partie de la Beauce, Rochefort appartenait, au xie siècle, à ces puissants et redoutés seigneurs de Montlhéry, qui avaient dans leurs mains la clef de tous les passages entre Paris et Orléans. Nous avons vu les sanglantes inimitiés des maîtres de Rochefort et du roi Louis le Gros. C’est sur ces entrefaites que la seigneurie passa, par un mariage, aux Montfort, les fiers barons qui, pendant le xiie et le xiiie siècle, tenaient la couronne de France en échec, en traitant au besoin, comme des puissances, avec le roi d’Angleterre, et promenaient de croisade en croisade leur turbulente et farouche ambition[35]. Une femme, la princesse Béatrix, demeura seule, durant près d’un demi-siècle, maîtresse et gardienne de l’héritage des Montfort, et c’est sa fille Jeanne, comtesse de Roucy, qui eut en partage Rochefort, laissant Montfort à sa sœur Yolande (1317).

Aux de Roucy, aux de la Roche-Guyon, succèdent les de Silly. Rochefort, partagé (1556) entre Bertin de Silly, Adrienne d’Estouteville et Jean d’Épinay, passe en 1596 au petit-fils de Catherine de Silly, Hercule de Rohan, et à toute sa race.

On sait les rôles politiques et religieux, les fortunes et les scandales de cette maison de Rohan, de ces princes de Guéménée, ducs de Montbazon, courtisans en faveur, hommes de guerre ou de plaisir. Rochefort a vu et gardé pendant cinq ou six années à peine le dernier monument de leur luxe, le splendide château terminé en 1787 et peu après démoli par les fureurs populaires[36]. Une aile, en face de laquelle on montre encore « la maison du Cardinal, » forme aujourd’hui l’emplacement du château habité par M. le comte Alfred de la Rochefoucauld, au pied du mont escarpé, devenu l’un des accidents du parc, avec ses rocs pittoresques et les ruines si imposantes et si curieuses qui se profilent sur son sommet. Ce grand domaine, aux landes peuplées de gibier, aux pentes couvertes de bruyères, aux lointains horizons, a gardé quelque chose de sauvage comme le souvenir de ses premiers seigneurs[37].

Longvilliers est situé plus bas que Rochefort, au-dessus de la vallée de la Rémarde qui s’offre une seconde fois à nous. A gauche, sur la route, est l’église au portail cintré ; en face, dans la verdure, un cimetière circulaire et fermé, si tranquille que des étrangers y ont choisi le lieu de leur repos. Quant au village on le voit peu, il consiste dans un petit nombre de maisons et dans des écarts ou hameaux. Relevant du Plessis-Marly, Longvilliers formait, avant 1475, deux fiefs voisins avec deux manoirs seigneuriaux réunis par Philippe de Boilard et possédés par ses héritiers Jacques de Bonnes (1525), Pierre de Monsoy, procureur au parlement, Georges Boyer, contrôleur des guerres, François de Harville, etc., jusqu’à la réunion à la seigneurie de Bandeville (1679).

La Bâte, située au levant, en remontant dans la direction d’Angervilliers, est un des principaux écarts. La Bâte, autrefois fief relevant de Marolles, avait un hôtel seigneurial depuis longtemps démoli et une justice qu’un maire gardait encore au xviiie siècle. Possédée, au xve, par Guillaume Claustre, avocat au parlement et par ses descendants, cette terre fut réunie, au xvie siècle, au domaine de Bandeville. Le terrain argileux de la Bâte, qui retient les eaux, donne naissance à des mares dont les abords se couvrent de verdure. L’argile, exploitée avec intelligence, se convertit en tuiles, en poteries, en drains pour l’agriculture.

Au-dessous de Longvilliers où le moulin de la Forge a remplacé d’ anciennes mines, passe la Rémarde. Si l’on franchit la vallée et si l’on remonte en face sur l’autre versant, on voit à mi-côte, adossé au bois, un manoir seigneurial qui donne au paysage un pittoresque caractère. Château, forteresse, maison des champs, le Plessis-Marly ou Plessis-Mornay, avec ses tourelles, ses combles parfaitement restaurés, ses longues fenêtres à vitraux plombés, ses hautes lucarnes pointues, les pans de ses murs crénelés et les tours ruinées de son enceinte, conserve toute sa couleur et tous les souvenirs de l’hôte célèbre qui y vécut au xvie siècle. Le fief du Plessis, relevant de Magny-Lessart, comprenant plus de deux cents arpents de terre et près de trois cents arpents de bois, avec plusieurs arrière-fiefs et avec des droits de censive et de justice, formait au xive et xve siècle une belle seigneurie appartenant aux sieurs de Harville, seigneurs de Palaiseau. Dans un partage de famille, au commencement du xvie siècle, l’aîné garda le manoir et la moitié des biens. C’est cette part qui fut possédée par la dame du Bec et le sieur de Mornay, son fils. On connaît l’histoire de Philippe de Mornay, l’austère calviniste, le véritable représentant du protestantisme en France sous la Ligue, le « pape des huguenots » comme on l’appelait ; à la fois politique, homme de guerre, théologien et écrivain mystique, ami de Henri IV, recherché pour son habileté, disgracié pour sa rigueur. De sa terre du Plessis, qu’il habitait et quittait tour à tour, comme on le voit dans ses mémoires, il négociait les plus délicates affaires et, pendant le siège de Dourdan en 1591, de continuels messages s’échangeaient entre le camp de Biron et la demeure du plénipotentiaire du roi de Navarre. Près du manoir fortifié, s’abritait un consistoire ; et des familles qui avaient embrassé la réforme se serraient autour de ce centre de religion et de parti. De Saumur, où il commandait pour le roi, Philippe de Mornay n’oublia pas son église du Plessis, et une clause de son testament assurait une rente au pasteur, aux « entiens » et surtout aux pauvres de son consistoire[38]. Louis XIV, après la révocation de l’édit de Nantes, accorda à l’hospice de Dourdan les matériaux du temple et la rente du consistoire du Plessis.

Le baron de Saint-Héranne (1626), Pierre Chartier, avocat au conseil (1668) et enfin le prince de Guéménée qui le joignit à Rochefort, possédèrent le Plessis[39]. Aujourd’hui c’est une des plus belles annexes du domaine de Bandeville. M. de Pourtalès a acheté, restauré, complété par l’acquisition des bois et des terres qui l’environnent, le château du Plessis-Mornay. Une école pratique de culture agricole et horticole l’occupe sans le défigurer. De grands bâtiments d’exploitation, des champs d’expérience l’environnent, et le vieux Philippe, dont le portrait surmonte la haute cheminée de pierre de la salle principale, retrouverait encore les enfants de la religion réformée dans ses murailles calvinistes.

Nous avons achevé l’énumération des communes du canton nord. Il nous reste à rentrer à Dourdan. Nous pourrions y arriver plus directement en continuant de monter la côte du Plessis par la route qui serpente jusqu’aux bois. Du haut de cette côte, nous aurions un des plus beaux points de vue des environs et la montagne de Rochefort nous apparaîtrait dans toute sa hauteur. Un chemin accidenté dans le bois nous amènerait à la route de Saint-Arnoult à Dourdan ; mais nous aurons occasion de connaître cette route, et une autre voie, moins directe mais non moins accidentée, nous offrira plus d’intérêt. Regagnons le fond du vallon de la Rémarde et redescendons le cours de la rivière. Nous reverrons d’en bas la grande façade rougeâtre et les hautes cheminées de Bandeville s’élever au milieu de la verdure, Foinard au bord de l’eau et un peu plus loin le clocher de Saint-Cyr. Là, au bas du village, en face du chemin qui nous a amenés naguère du Val-Saint-Germain, nous nous arrêtons et tournant sur la droite nous nous engageons dans la route de Limours à Dourdan. Le versant franchi, un premier plateau se découvre, les petits bois du bord cessent et la plaine s’étend. Une ferme se montre sur la route, c’est Bistelle, jadis « Bichetelle » relevant de Béchereau, tenu par Thomas le Boucher (1405), Nicole de Longueil, procureur au Châtelet de Paris (1483) et ses descendants jusqu’à la vente de 1607 aux seigneurs de Bandeville. C’est encore une des fermes que le nouveau domaine a réunies. Plus loin, au milieu des terres, dans la direction du Marais, sont les Loges que traversait jadis le chemin de Dourdan[40]. La route s’élève en tournant, bordée de châtaigniers, jusqu’au plateau supérieur de Liphard. Une ferme occupe la place de l’ancien hameau de vignerons de « Luffehard. » Nous sommes sur la commune de Dourdan et sur un terrain connu de nos lecteurs. À gauche, Vaubénard ou Vaubélard, et plus loin Châteaupers ; à droite, Rouillon dans un repli de terrain, et Semont derrière le boisdes Brosses. Encore un pas et une descente rapide nous ouvre l’horizon. Toute la vallée de Dourdan nous apparaît, et les clochers de l’église et le sommet de la tour sont plus bas que nous. A mi-côte, le cimetière s’adosse au versant et les tombes blanches s’étagent en plein midi là où s’alignaient les vignes d’autrefois. Le chemin de fer traverse la route sur un pont ; la gare est tout près. Les promenades entourent la ville en suivant ses murailles. Nous voici à la porte de Chartres et la première partie de notre excursion est finie.

II

Pour visiter le canton sud, la route départementale d’Arpajon à Rambouillet, par Saint-Arnoult, s’offre à nous en face de la porte de Chartres et nous conduit dans une direction qui n’est pas bien éloignée de celle que nous quittons. Avant de trouver la fin du territoire de la commune de Dourdan, il faut faire de ce côté plusieurs kilomètres, car la forêt tout entière est à traverser.

Au sortir de la vallée de Dourdan, au-dessus du Val-Biron, les bois du domaine commencent et s’étendent sur le plateau de l’est à l’ouest, mesurant environ 6,600 mètres de long sur 4,600 de large. Une route superbe, droite et unie comme une allée de parc, laisse à peine deviner les détours et les sites intérieurs de la forêt. Assez peu accidentée d’ailleurs, mais admirablement percée pour la chasse, la forêt de Dourdan peut offrir au promeneur de faciles et charmantes excursions. Les bois, peu profonds d’abord sur la droite et bordés par des champs, laissent découvrir Semont, Bonchamp et la route pavée de Rochefort.

À gauche, des chemins conduisent aux Buttes Blanches, dont les pentes sablonneuses, couvertes de lichens, s’étendent sur la lisière ; d’autres mènent dans la direction de Sainte-Mesme et de Denisy. Coupant ces artères latérales, la large route de la Fresnaye et la route de la Lieue traversent la forêt dans sa plus grande longueur, et au centre des bois, derrière la Mare double, l’Étoile de Nemours forme un grand carrefour.

A six kilomètres environ de Dourdan, la route départementale descend brusquement. Du haut de la côte, en face du Rendez-vous, un point de vue magnifique laisse embrasser, sur la droite, tout le panorama des vallées et des coteaux que nous a fait parcourir le canton nord. La Garenne, plantée d’arbres verts, nous amène, en tournant, dans la vallée de Saint-Arnoult, en laissant sur la gauche les versants boisés du Bréau.

Saint-Arnoult en Yveline, situé sur la Rémarde qui alimente ses moulins et autrefois servait à ses tanneurs, est, après Dourdan, la ville la plus importante du canton, et son histoire mériterait d’être retracée avec plus de détails. Nous avons raconté, dans notre premier chapitre, la légende de son origine, qui se perd dans les profondeurs et les obscurités de la forêt Yveline ; le cortége venant de Reims et conduisant le corps de saint Arnoult, évêque de Tours ; son arrêt miraculeux, la fondation de la pieuse Scariberge, le don du seigneur Dordingus, etc.[41].

Un prieuré, dépendant de l’abbaye de Saint-Maur-des-Fossés, exista très-anciennement à Saint-Arnoult, et Saint-Arnoult était une des procurationes de l’évêque de Chartres, dans le grand archidiaconé. La paroisse de Saint-Arnoult était fort importante au xiiie siècle, d’après le pouillé du diocèse à cette époque. Plus peuplée que les deux paroisses de Dourdan, elle comptait 290 chefs de famille ou parochiani, qui représentaient environ 1,200 personnes. L’église, en partie romane, en partie du xve et du xvie siècle, est curieuse à étudier. Sa façade, son portail, son ancienne crypte, les charpentes sculptées et apparentes de sa nef la signalent à l’attention. La maison dite « le prieuré, » avec ses magnifiques caves, une autre maison à grande porte armoriée, se font remarquer sur la grande rue, qui est la grande route.

Pour aller de Paris à Chartres, souverains en voyage, armées en marche, ennemis en conquête, prisonniers de guerre, passaient par Saint-Arnoult. C’était une ville d’étape, de relai, visitée et habitée, prise et saccagée par occasion. C’est à Saint-Arnoult que le corps de ville de Dourdan vint saluer sa dame, Marie de Médicis, en 1621 ; Louis XIV y dîna les 25 et 26 mars 1665. Ruiné au passage par tous les conquérants de la contrée, entre autres par Salisbury en 1428, fortifié et plusieurs fois forcé, le bourg fut livré pendant deux jours au pillage (13 déc. 1562) par le prince de Condé à la tête des protestants.

L’histoire féodale de Saint-Arnoult se rattache à celle de Rochefort, car Saint-Arnoult n’a pas de seigneurs particuliers, et sa chronique consisterait principalement dans le relevé des donations, concessions etc., au prieuré de Saint-Arnoult, par les seigneurs ou dames de Rochefort, dans le genre de celle que relate une charte assez apocryphe des Montfort, gravée sur une pierre que l’on conserve dans l’église. Le marché de Saint-Arnoult, qui se tient encore tous les mardis, était, avec celui de Rochefort et de Dourdan, un des trois marchés de l’élection. La foire de Saint-Fiacre, du 30 août, rappelle l’ancienne chapelle de la maladrerie de Saint-Fiacre, qui s’élevait entre Saint-Arnoult et Rochefort, et était encore, au siècle dernier, un bénéfice estimé 100 livres.

Au-dessus de Saint-Arnoult, du côté du nord, après une montée rapide, s’ouvre une contrée aride et sauvage, couverte de bruyères, où nous pourrions nous croire bien loin de Dourdan. Nous sommes dans le pays des moines. Voici les bois Saint-Benoît. Au delà, dans une pittoresque vallée, le village de Clairefontaine a fait, des eaux limpides auxquelles il doit son nom, des marais à sangsues, et ses habitants y cultivent les prairies de l’ancienne abbaye.

L’antique abbaye de Claire-Fontaine (clarus fons), de l’ordre de Saint-Augustin, fondée, dit-on, en 1100, sous l’invocation de la Vierge, dans la forêt Yveline, entre les bois de Montfort et Dourdan, par Simon, comte de Montfort, fut confirmée le 14 des calendes d’octobre 1164, par Robert III, évêque de Chartres, et reçut le privilége de main-morte de Philippe-Auguste en 1207. Des chanoines réguliers l’occupèrent jusqu’en 1627, et furent remplacés par des ermites déchaussés sous le titre de Saint-Augustin. Rétablis par autorité royale et acte du Parlement de juillet 1640, les chanoines réguliers de la congrégation de France firent encore une fois place aux déchaussés en 1656[42]. L’abbaye de Clairefontaine, par suite de donations ou d’acquisitions fort anciennes, avait étendu son influence et ses droits sur un grand nombre de paroisses des environs. Détachés, comme des essaims d’une ruche, des hôtes du couvent s’y étaient établis en qualité de colons agricoles. Des religieux y avaient reçu charge d’âmes, et Clairefontaine était devenue la maison mère de plusieurs prieurés : Boissy-le-Sec, Mérobert, Paray, Roinville, la Madeleine de Rochefort, etc.[43]. Les Jalots, près Dourdan, dont nous avons parlé spécialement, étaient une des premières exploitations rurales de l’abbaye.

On voit encore à Clairefontaine des restes intéressants du vieux monastère : l’ancienne église abbatiale, longue et simple chapelle romane, à chevet arrondi et à voûtes de bois ; quelques pierres tombales ; deux des côtés du cloître, l’un roman, l’autre de la Renaissance ; l’entrée à arcades de la salle capitulaire, etc.

Non loin de là, est l’emplacement d’une autre abbaye, plus ancienne encore peut-être, celle de Saint-Rémy-des-Landes, qui emprunte son nom aux pentes stériles, aux bruyères et aux landes qui l’environnent. C’est dans ce désert érémitique que, suivant la légende, Scariberge, veuve de saint Arnoult et nièce de Clovis, aurait bâti un oratoire et se serait retirée. Il est constant qu’il y avait là, au xiie siècle, sur une terre dépendant de l’abbaye de Fleury, un très-humble monastère, soumis à la règle de saint Benoît (angustum et tenue), sous la redevance annuelle d’une monnaie d’or valant 2 sous 6 deniers de la monnaie chartraine, lorsqu’en l’an 1160, à la prière de Robert III, évêque de Chartres, Macaire, abbé de Fleury, du consentement de ses moines, dota plus richement les religieuses de ce lieu[44]. Simon de Montfort leur aurait donné, en 1166, 200 arpents de bois dans la forêt Yveline, et, d’après les vieux registres de l’abbaye, serait regardé comme un des fondateurs. Au xiiie siècle, le couvent n’était pas riche, car Aubry le Cornu, évêque de Chartres (7 nov. 1242), donna aux pauvres religieuses (pauperes moniales), une part dans la dîme de la paroisse du Perray[45].

Favorisée pourtant et dotée par les seigneurs de Rochefort, l’abbaye possédait des prés exempts de dîmes (1179), des dîmes grosses et menues dans la paroisse de Clairefontaine (bulle du pape, 1179), des droits de pâturage dans les bois de Sonchamp (1177), des prés à Bullion, la verrerie de Clairefontaine, des droits sur le marché de Rochefort, sur la Mercerie, le prieuré de Saint-Évroult, la cure de Saint-Chéron, etc., et en 1414 on voyait encore les piliers marquant la justice du couvent au Trou de l’abbesse[46].

Si le lecteur veut avoir un échantillon assez amusant de la manière dont certains auteurs écrivaient l’histoire au xviie siècle, nous lui recommandons un petit livre devenu rare : « La vie de saint Arnoul et de sainte Scariberge, son épouse, où l’on voit l’origine et la fondation de l’abbaye royale des religieuses Bénédictines de Saint-Rémy-des-Landes, à neuf lieues de Paris, au diocèse de Chartres, par L. P. I. M. (le père Jean-Marie-Cernot) 1676. » On y voit aussi des descriptions fort attrayantes sur le site et le paysage, sur l’air qui « y est si tempéré que s’il y avoit au monde un endroit où l’on pust estre dispensé de la mort et devenir immortel, ce seroit le païs dont on dépeint les beautez et les avantages, » sur le calme du lieu qui est tel que « comme on n’a plus la veue que des arbres, des cerfs, des biches, des sangliers et des chevreuils, on a loisir de converser en tranquillité avec les Anges par la contemplation, » d’où cette conclusion : « cette pensée doit attirer les filles dans l’abbaye de Saint-Rémy des Landes pour y prendre le voile et pour y passer le reste de leurs jours dans la solitude. »

Les dames de Saint-Rémy furent transportées à l’abbaye de Louye, à la fin du siècle dernier et nous avons vu comment finit le couvent avec la dernière abbesse.

Les Bois de Sonchamp nous font redescendre, par le Coin du bois et les Chênes secs, à Sonchamp, dans une vallée qu’arrose le cours naissant de la Rémarde et que traverse la route départementale qui nous a amenés à Saint-Arnoult.

Le terrain change ici complétement d’aspect et s’aplanit. Toutefois, sur plusieurs points, la main de l’homme déchire la terre pour l’extraction de pierres à chaux qui donnent lieu à une exploitation importante.

La paroisse de Sonchamp (suus campus) dans le sol de laquelle ont été trouvées des haches celtiques et de nombreuses monnaies romaines, avait au moyen âge une grande importance due aux possessions et à l’influence de la puissante abbaye de Saint-Benoît-sur-Loire[47].

On y comptait 360 feux, lorsqu’on n’en comptait à Dourdan que 256[48], et la paroisse de Clairefontaine en dépendait alors. L’abbé de Saint-Benoît-sur-Loire, Léodebaut, y avait acheté, moyennant 300 sous d’or, de dame Mathilde, des terres depuis échangées. Des donations successives de Pépin, de Louis le Débonnaire (836), mirent toute cette paroisse aux mains de l’abbaye. Les seigneurs de Rochefort y percevaient des dîmes et tentèrent plus d’une fois des envahissements que les abbés de Saint-Benoît eurent toujours grand soin de conjurer. Par un accord avec Simon IV, l’un d’eux obtint l’engagement qu’aucun seigneur ne pourrait établir de manoir à Sonchamp, y résider, s’y clore, s’y étendre, etc. De temps immémorial, la paroisse de Sonchamp dépendait du bailliage de Dourdan et avait des redevances envers le domaine, entre autres les « coustumes de Sonchamp » sur 840 arpents adjugés au roi par arrêt du Parlement. Les abbés, qui cherchaient à s’affranchir de toute entrave, firent des difficultés pour reconnaître la juridiction de Dourdan, lors de la rédaction des coutumes en 1556, et revendiquèrent celles d’Orléans ; mais il fut prouvé que Sonchamp n’avait jamais eu d’autre chef-lieu fiscal que Dourdan, et que ses gentilshommes avaient toujours répondu au ban et arrière-ban de ce bailliage[49]. Au siècle dernier, les bois de Sonchamp furent souvent visités par les chasses royales. Le domaine appartenait au duc de Penthièvre. A la demande du prince, la paroisse fut pendant plusieurs années déchargée de la taille et sa part supportée par les autres paroisses de l’élection.

L’église de Sonchamp est une des belles églises des environs et l’on y sent l’influence de la riche abbaye. Placée sous l’invocation de saint Georges, elle offre la réunion de plusieurs styles. La nef est du xiie siècle, le chœur du xiiie, les nefs latérales du xvie et du xviie.

Près de Sonchamp, le château de Pinceloup, qui appartient aujourd’hui à M. Ruffier, a été habité et agrandi au siècle dernier par Prévost, notaire de Louis XVI. Il date du xvie siècle. François Simonneau était seigneur de Pinceloup en 1556.

La route impériale de Corbeil à Mantes nous fait pénétrer en pleine Beauce et nous conduit directement à Ablis ; pour cela nous passerons rapidement devant les communes d’Orphin, de Craches, de Prunay-sous-Ablis, situées aux dernières limites occidentales du canton. Nous sommes ici fort loin de Dourdan. Vingt-deux kilomètres nous en séparent. Orphin, avec Cerqueuse, Craches qu’on surnommait l’abbé, appartiennent plutôt à l’histoire de Rambouillet qui n’est distant que de deux lieues. Quant à Prunay, son grand clocher en pierre du xvie siècle, de forme pyramidale, bâti à côté d’une nef du xe siècle, attire de loin l’attention. Aux environs, plusieurs écarts mériteraient d’être visités : la ferme de Gourville (Gontharii villa), ancien lieu seigneurial, d’après des titres du xe siècle ; la Chapelle sur l’emplacement d’un ancien sanctuaire de saint Laurent ; Villiers-Landoue, siége d’un fief ; le château des Faures, important au xviie siècle, aujourd’hui détruit en partie ; Marchais-Parfond qui était aussi une seigneurie et relevait du prieur d’Auneau, etc.

Ablis est un pays de grande culture. Nous sommes au milieu du vaste bassin lacustre, dans la région du blé, qui couvre, vers l’ouest, un immense territoire. Point de jonction de deux routes impériales dont l’une va directement de Paris à Chartres, Ablis, qui possède une foire le lundi d’après le 2 février, a pour ses produits de magnifiques débouchés. La paroisse d’Abluyez était, au moyen âge, une des bonnes paroisses du doyenné de Rochefort, on y comptait plus de mille habitants. L’église, bâtie au xie siècle, sous l’invocation de saint Pierre et de saint Paul, et dont la cure était à la collation de l’abbé de Josaphat, jouissait d’un revenu qui équivalait environ à 5,000 fr. d’aujourd’hui. Le chapitre de Notre-Dame de Cléry, l’abbaye des Vaux-de-Cernay, avaient à Ablis des possessions et des droits. Le territoire d’Ablis faisait anciennement partie de la châtellenie de Bretencourt et par conséquent de la seigneurie de Rochefort. En faveur de M. Poncet de la Rivière, Ablis fut érigé en comté, et conserva longtemps un droit de passage sur les grains qui circulaient journellement par la grande route. Ablis avait jadis une maladrerie et possède aujourd’hui un hospice assez richement doté.

Autour d’Ablis, d’anciens fiefs sont représentés par des fermes ou des hameaux : Provelu, Long-Orme, Guierville, Mainguerain, Ménainville, Dimancheville, dont la seigneurie appartenait au chapitre de Cléry et dont relevait le fief de Semont, près de Dourdan.

Sans pénétrer plus avant dans le canton au midi, prenons sur la gauche le chemin de grande communication qui ramène dans la direction de Dourdan, en côtoyant le chemin de fer. La commune de Boinville-le-Gaillard est, comme celle d’Ablis, essentiellement agricole. Boenvilla était au moyen âge une des procurationes de l’évêque de Chartres au doyenné de Rochefort. L’église, sous l’invocation de Notre-Dame, reconnaissait comme collateur l’abbé de Bonneval. Aux siècles derniers, les de l’Hospital Sainte-Mesme étaient regardés comme les seigneurs du lieu.

A côté de Boinville est le Bréau, dont le château du xvie siècle est aujourd’hui habité par MM. de Noé et d’Hervey. Le Bréau a reçu le surnom de Bréau-sans-nappe. Ce surnom a pu être l’occasion d’un bon mot de Henri IV, mais avait cours bien avant lui sous une forme qui a été altérée. Le nom de Sannapes ou Sanapes était celui d’une très-ancienne famille qui figure au moyen âge dans l’histoire féodale de la contrée. Philippe Guérin, grand pannetier de France, était « seigneur du Bréau Sannapes » et bailli de Dourdan en 1463[50].

Dans la plaine unie et sans limite, un sillon se creuse, un vallon s’ouvre, quelques bois apparaissent et un cours d’eau s’en échappe ; nous sommes aux sources de l’Orge et à l’origine de notre vallée, sur le territoire de la commune de Saint-Martin de Bréthencourt. Ce double nom représente et rappelle les deux parties distinctes et voisines d’une même paroisse. Bretencourt, Breteucourt, Bertrancourt (Bertoldi, Bertocuria), est un gros hameau qui est séparé par un kilomètre environ du village de Saint-Martin. Des souvenirs intéressants, des ruines fort curieuses et bientôt anéanties ont amené plus d’une fois l’antiquaire sur la plate-forme et le versant abrupte qui dominent le chemin de fer et les maisons.

Il est facile de reconnaître, de prime abord, la position avantageuse du lieu et l’intérêt évident qu’ont eu, dans tous les temps, les maîtres de la contrée à posséder et à conserver cette clef de la vallée. Aussi trouve-t-on au bord du plateau, sur plusieurs points, des vestiges d’établissements de diverses époques. Les Celtes, prétend-on, y ont laissé des traces de leur passage ; des armes et monnaies trouvées sur les collines d’Aigremont et de Montgarrier attestent la présence d’un camp romain. Le château de Bretencourt est un des plus anciens témoins de l’époque féodale.

Pour tenir en échec le vieux château de Dourdan, que Hugues le Grand avait laissé à ses descendants couronnés comme un des forts avancés du nouveau domaine royal, Guy, comte de Rochefort-en-Yveline, seigneur de Montlhéry, vassal encore indompté du trône, fit construire le château de Bretencourt vers la fin du xie siècle. Sur l’un des côtés d’une première enceinte circulaire assez étendue, un large fossé détache une seconde enceinte, longue de 50 mètres et large de 30, qui contient un donjon rectangulaire. Ce donjon, qui est de la même date, de la même forme et de la même dimension que celui de Chevreuse, est un type de la maison-forte, domus lapidea, dérivée de la salle ou aula des nations germaniques. Les murailles, qui atteignent à peine deux mètres d’épaisseur, étaient soutenues par quatorze contre-forts, quatre sur chacun des grands côtés, trois sur les petits. Elles contenaient une salle divisée en plusieurs étages par des planchers que supportaient des murs de refend. Malheureusement ce donjon curieux, vendu pierre à pierre, a été depuis quelque temps presque entièrement démoli et ne sera bientôt plus qu’un souvenir, ainsi que les deux enceintes de l’ancienne forteresse.

La châtellenie de Bretencourt, qui embrassait un territoire assez étendu et comprenait Ablis et Auneau en partie, suivit le sort de la seigneurie de Rochefort et passa comme elle aux Montfort. Devenue, en 1181, l’apanage de Gui, troisième fils de Simon III, elle passa, par sa petite-fille Éléonore, à la maison de Vendôme, qui la posséda jusqu’à la dernière année du xive siècle. Tenue alors par Sanguin, bourgeois de Paris, et son gendre Gilles Malet, vicomte de Corbeil, elle eut à souffrir, comme Dourdan, en 1428, du terrible assaut de l’impitoyable Salisbury. Acquise par les Hurault de Cheverny, elle fut revendue, à la fin du xvie siècle, à la famille de l’Hospital Sainte-Mesme. C’est au château de Bretencourt que nous avons vu de Lescornay se retirer, en bon royaliste, pendant le siége soutenu à Dourdan contre Henri IV, en 1591.

On montre encore à Bretencourt la place des fourches patibulaires, le vieux puits du château avec un chemin souterrain, la place de l’ancienne chapelle Sainte-Madeleine, devenue le rendez-vous d’une fête, et celle de la chapelle Saint-Jacques, près de laquelle se voient de magnifiques caves. Dans un terrain proche du château, le sol d’un ancien cimetière est facile à reconnaître. Au milieu d’une terre noirâtre, on rencontre des débris et parfois de petites lampes ou godets en terre rouge terminés en pointe.

A Saint-Martin, les souvenirs de l’ancien prieuré sont encore vivants[51]. Près de l’église, dont on remarque la belle tour carrée et quelques sculptures intérieures, une maison porte encore le nom de prieuré. Chapelle communiquant avec l’église, portail, vieilles murailles, caveaux, fontaines, font aujourd’hui partie d’une demeure particulière et sont enclavés dans des jardins. Les célestins d’Éclimont avaient une ferme non loin de là.

Au-dessus de Saint-Martin, les terres de la ferme de La Brosse s’étendent sur le plateau, et Ardenay et Haudebout rappellent d’anciens fiefs pour lesquels rendaient aveu les châtelains de Bretencourt.

En suivant la vallée que dominent les pentes abruptes de Brandelle et où courent à la fois le chemin de fer et la rivière, on rencontre le Moulin de Ville et des prés tourbeux où le sol manque souvent sous les pas. Une sorte de chaussée indique même sur la gauche le lit d’un ancien étang[52]. La fraîcheur et la verdure du fond de la vallée font ressortir les versants arides couverts de bruyères et les pentes sablonneuses de la forêt. Leur crête semble fermer le vallon, qui tourne presque à angle droit.

À cette seconde porte de la vallée de l’Orge, un très-vieux et très-intéressant village, dont nous avons eu souvent l’occasion d’entretenir nos lecteurs, Sainte-Mesme, commande et occupe le passage. Il est formé d’une longue rue, et à l’endroit où la route fait un coude brusque à la sortie du village, le château, dominé par l’église, s’appuie au coteau de la forêt et fait face à la prairie.

Nous avons mentionné, en parlant des origines de Dourdan[53], l’existence parfaitement prouvée d’une grande villa gallo-romaine dans cette prairie, près du moulin de Corpeaux. Nous avons raconté la légende du roi Dordanus et celle de sainte Mesme ou Maxima, sa fille, secrètement chrétienne, décapitée par son frère Maximin et donnant son nom au village. Nous n’avons pas dissimulé toutes les obscurités de ce récit au point de vue historique et toutes ses incertitudes au point de vue ecclésiastique, de l’aveu des hagiographes les plus accrédités[54]. Nous devons constater toutefois la persistance de la tradition. Deux fontaines en vénération existent encore à Sainte-Mesme ; l’une occupe le centre d’un petit terrain qui s’ouvre au milieu du village. Elle est recouverte d’un toit en charpente très-ancien et de forme curieuse, portant un groupe fort naïf du martyre de la sainte. L’autre est dans le bois, à l’endroit où Maximin fit, dit-on, pénitence, et naguère encore elle était entourée d’une foule de petites croix que les pèlerins devaient fabriquer de leurs mains pour être guéris de la fièvre.

Quant aux reliques de sainte Mesme, elles ne paraissent pas avoir été déposées dans l’église avant le xvie siècle. C’est seulement en 1539, suivant les Bollandistes, qu’une pieuse veuve (nobilis vidua) du nom d’Anne, sans doute Anne Lucas, veuve de messire Claude de Poisieux et dame de Sainte-Mesme, demande à Dieu la grâce de ne point mourir avant d’avoir contemplé de ses yeux les reliques de sainte Maxime. Cette consolation lui est procurée miraculeusement, et des reliques sont apportées de Rome[55].

L’église de Sainte-Mesme, située un peu au-dessus du village, est encore entourée des tombes de son cimetière, ce qui devient rare dans la contrée. Elle est intéressante à étudier ; mais ce que nous signalerons principalement, c’est la chapelle des seigneurs de Sainte-Mesme, où se voient des armoiries et des pierres tombales, dont l’une surtout, redressée et enchâssée contre le mur, a une véritable valeur artistique.

La seigneurie de Sainte-Mesme, relevant du roi à cause de sa grosse tour de Dourdan, et dépendant du bailliage dudit lieu, a été considérable et touche de trop près à Dourdan pour que nous n’entrions point dans quelques détails à son sujet.

Vers 1470, vivait à Sainte-Mesme, dans un beau manoir fortifié, un grand ami du roi Louis XI, Aymard ou Esmard de Poisieu ou Poisieux, surnommé Capdorat, colonel de quatre mille francs-archers. Il était baron de Marolle et seigneur de Sainte-Mesme. En 1473, il étendit singulièrement son domaine, en achetant de Guillaume Aymery la seigneurie de Rouillon avec ses fiefs de Liphard, Cens-Boursier, etc., bientôt accrus, en 1477, par noble dame Marguerite de Montorsier, dame de Sainte-Mesme, du fief de Semont, avec tous les arrière-fiefs de Grillon, Grousteau, Jorias, etc., qui mettaient dans la censive de Sainte-Mesme presque tout le territoire depuis Bonchamp jusqu’à Roinville, c’est-à-dire la plus grande partie de la vallée, des environs et de la ville même de Dourdan.

Le fils d’Aymard, messire Claude de Poisieux, baron de Montigny, seigneur de Sainte-Mesme, etc., conseiller du roi, capitaine de la porte du roi, était maître d’hôtel de la reine Anne de Bretagne, tandis que sa femme, Anne Lucas, issue de la maison de Tonnerre, servait ladite reine comme dame d’atour[56]. Ils avaient pour héritière une fille nommée Louise que la reine affectionnait. Ils la marièrent au chevalier Aloph de l’Hospital, seigneur de Choisy, et Anne de Bretagne, en apprenant ce mariage, ne put s’empêcher de faire un jeu de mots : « Louise, estant à Mesme, a Choisy l’Hospital. »

La famille de l’Hospital, à laquelle passait Sainte-Mesme, était une noble et très-ancienne maison. Le père d’Aloph, Adrian de l’Hospital, seigneur de Choisy, avait été un des officiers favoris du roi Charles VIII ; il avait commandé l’avant-garde à la bataille de Saint-Aubin-du-Cormier (1488), et s’était signalé à la conquête du royaume de Naples et à la bataille de Fornoue, où il combattait près du roi. Il était mort en 1503, gouverneur et bailli de Gien. — Les de l’Hospital, qui portaient primitivement le nom de « Gallucio, » étaient originaires d’Italie. Ils descendaient du frère de saint Louis, Charles d’Anjou, dont le petit-fils, Philippe d’Anjou, prince de Tarente, avait marié sa fille à monseigneur Frédéric, comte de l’Hospital, fils d’Alphonse de l’Hospital et d’une fille de Galéas, duc de Milan. Jean de l’Hospital était venu en France du temps du roi Jean, qui l’aimait beaucoup.

Louise de Poisieux et son mari furent en faveur à la cour. Aloph, échanson de la mère de François Ier, et chargé de ses affaires, devint chambellan du roi, gouverneur de Brie, capitaine de Fontainebleau, maître des eaux et forêts. Louise fut dame d’honneur de Catherine de Médicis. Aloph (1562) et Louise furent enterrés à Choisy, mais léguèrent leur cœur à Sainte-Mesme. Ils avaient eu trois fils et cinq filles[57].

Sainte-Mesme passa au second fils, René, qui, laissant à son aîné le titre de l’Hospital-Choisy et à son oncle celui de l’Hospital-Vitry, transmit aux siens le titre de l’Hospital-Sainte-Mesme. Gentilhomme ordinaire de la chambre du roi, il épousa Louise de Montmirail.

Le fils, Anne de l’Hospital, seigneur de Sainte-Mesme, baron de Montigny, vicomte de Vaux, Chambourcy, Lorry et Villemandel, devint, sous Henri IV, gouverneur et bailli de la ville de Dourdan, où plusieurs de ses parents avaient déjà commandé[58]. Des alliances avec le Marais achevèrent de mettre aux mains de la famille toute l’influence et toute la fortune territoriale. Anne épousa en effet Jacqueline Hurault, dont la belle-sœur, Rachel de Cochefilet, était devenue femme de Sully et dame de Dourdan.

La seigneurie de Sainte-Mesme fut, vers ce temps-là, érigée en comté[59] en faveur des l’Hospital, comme celle de Dourdan en faveur de Sully, et la plus grande partie du château fut reconstruite. Messire Anne-Alexandre, petit-fils d’Anne (mort en 1620), occupa, pendant tout le xviie siècle, une haute position. Comte de Sainte-Mesme, Rouillon, Liphard, Semont, le Jallier et Corpeaux, seigneur châtelain de Denisy et Ponthévrard, de Bretencourt et Houdebout, de Garantières, le Bréau-sans-nappe et Boinville-le-Gaillard, Villemanoche, Sorbonne, et autres lieux ; lieutenant général des armées du roi ; gouverneur, bailli, capitaine des chasses et maître particulier des eaux et forêts de Dourdan, il donna en plusieurs rencontres des marques de valeur et fut le premier écuyer de Gaston, frère de Louis XIII, plus tard de sa veuve. Tout dévoué à la famille d’Orléans, il devint chevalier d’honneur de la grande duchesse de Toscane, et sa femme, Élisabeth Gobelin, fut attachée à la princesse comme dame d’honneur[60]. Étroitement liée d’amitié avec les Sainte-Mesme, la grande duchesse, comme nous l’avons raconté au chapitre de l’Hôtel-Dieu, venait, à la fin du xviie siècle, passer chez eux, chaque année, les mois d’automne, et c’est à cette occasion qu’elle devint la charitable et puissante protectrice de l’hospice de Dourdan.

Le vieux comte Anne-Alexandre ne mourut qu’à soixante-dix sept ans et vit la première année du xviiie siècle. Sa veuve mourut à quatre-vingt sept ans, en 1725, et survécut à son fils Guillaume-François-Antoine de l’Hospital, marquis de Sainte-Mesme et de Montellier, à son tour bailli et gouverneur de Dourdan, savant très-distingué qui quitta l’armée pour se vouer à l’étude de l’algèbre et des mathématiques, fut nommé vice-président de l’académie des sciences et mourut à quarante-trois ans, en 1704.

Élie-Guillaume de l’Hospital conserva la terre patrimoniale, mais la démembra, en vendant à M. Lévy, riche bailli de Dourdan, la seigneurie de Rouillon (1723)[61]. Gallucey de l’Hospital, comte de Sainte-Mesme, vendit le tout le 27 février 1772. — L’acquéreur, César-Pierre-Thibault de la Brousse, marquis de Verteillac, rendit foi et hommage et prêta serment de fidélité le 28 juin 1773, au duc d’Orléans, pour la terre, seigneurie et comté de Sainte-Mesme, du Jallier et Denisy, avec droits de haute, moyenne et basse justice, sous le titre de bailliage, ladite terre mouvant et relevant en partie du duc d’Orléans à cause de sa grosse tour de Dourdan.

Sainte-Mesme fut, au commencement du siècle, la demeure paisible et la dernière retraite de l’aimable vieillard qui avait tant affectionné et protégé Dourdan : l’architrésorier Lebrun y mourut, vers la fin de la Restauration, entouré de ses livres qui l’avaient jadis consolé à Grillon, pendant l’orage révolutionnaire. Il avait fait dans la contrée de nombreuses acquisitions territoriales et rendu à la terre de Sainte-Mesme une grande importance. Presque toute la vallée appartenait à M. Lebrun jusqu’au-dessus de Roinville. Dans le partage entre ses enfants, le domaine de Sainte-Mesme échut à madame de Chabrol, qui ne le conserva point.

Le château passa, de M. Dujoncquoy de Ville-Lebrun, qui fit combler une partie des fossés, à madame la générale Dupont, et à MM. de Richemont. Il est aujourd’hui la belle et pittoresque demeure du célèbre romancier Auguste Maquet, qui a tout réparé et disposé en homme dégoût et en artiste. Avenue fermée aux bruits du dehors, grande poterne féodale, édifice de deux époques, façades et hautes cheminées Louis XIII, tourelle d’angle du temps de Louis XI avec magnifique escalier de pierre en spirale, vaste cabinet de travail aux murs tapissés de personnages, aux fenêtres ombragées de saules, au pied baigné par l’eau des douves, parterre dans le goût d’autrefois, formant un contraste savamment ménagé avec le parc solitaire que domine le versant des bois : par son site, son aspect et ses souvenirs, le vieux manoir est, à la fois, un sanctuaire et un cadre pour les études ou les rêveries de l’historien et du poëte.

Continuons notre route vers Dourdan ; mais, auparavant, visitons au-dessus de Sainte-Mesme le hameau de Denisy, qui touche à la forêt et avait peut-être plus d’importance au moyen âge que Sainte-Mesme[62], malgré les ravages du gibier royal ; — plus loin encore, la petite commune de Ponthévrard, qui se rapproche de Saint-Arnoult et du bois du Bréau et dont la vieille église et tout le territoire étaient un des revenus particuliers affectés aux évêques de Chartres. Par bulle du 24 septembre 1162, le pape Alexandre III leur garantissait cette possession de Pons-Ebrardi. La mairie de Ponthévrard, majoria Pontis-Evradi ou Evrardi devait dix-huit septiers de dîme, 38 sols de cens à la Toussaint, la tierce partie de la laine, le champart, menues dîmes, etc., et de plus l’obligation du rachat à chaque changement d’évêque[63]. À deux kilomètres de Ponthévrard, la ferme des Châtelliers rappelle le « castellum » romain que nous avons cité au chapitre des origines de Dourdan, et peut-être le rex Castiliæ de la légende.

Plusieurs chemins pourraient nous ramener de Sainte-Mesme à Dourdan : celui « d’en haut, » côtoyant la lisière des bois et dominant le panorama de la vallée ; celui « du milieu » ou celui « d’en bas. » Sur ce dernier, devenu la grande route, nous rencontrons, en longeant le cours de l’Orge, Ville-Lebrun, l’ancien fief du Jallier, où l’architrésorier a fait élever une manufacture, devenue aujourd’hui l’importante fabrique de MM. Dujoncquoy, dont nous avons parlé ailleurs ; plus loin, Grillon, où nos lecteurs chercheraient en vain dans les prés la joyeuse demeure de Regnard ou la paisible retraite de Lebrun[64] ; en face, la belle propriété de la Garenne appuyée au bois ; sur la rivière, le moulin de Grillon, une petite maison, dernier vestige de la cité ouvrière qui florissait au commencement du siècle, Potelet redevenu une ferme, Dourdan vu en raccourci et fièrement assis en amphithéâtre au milieu de la vallée.

Nous ne rentrons pas encore dans ses murs car notre tournée n’est pas finie. Au carrefour du Puits-des-Champs, une route monte vers le sud-ouest, c’est celle qui doit nous ramener en Beauce.

La route de Garancières, comme l’ancien chemin de Corbreuse et d’Auneau, traverse la forêt de Louye qui couronne tout ce versant de la vallée. Moins étendue que celle de Saint-Arnoult, cette portion de la forêt de Dourdan est plus pittoresque et plus accidentée. La route du Président, celle des Sept-Buttes la coupent en travers. À gauche, un chemin descend vers le vallon solitaire de la vieille abbaye. Au sortir du bois, le grand plateau commence.

Corbreuse est le premier village qui apparaît. Il doit sa fondation ou tout au moins son développement à une donation royale du xiie siècle. Louis le Gros, en 1116, à la prière d’Étienne de Garlande, permit au chapitre de Paris de construire ce village et commit, en même temps, son « prévôt royal de Dourdan » pour désigner aux « pauvres de Corbereuse » les terrains qu’ils pouvaient cultiver dans la terre de l’église de Paris[65]. Au bout de cinq siècles, les doyen, chanoines et chapitre de Paris se sentaient si bien maîtres sur leur terre et seigneurie de Corbreuse, Outrevilliers et la Grange-Paris, qu’ils refusaient au procureur du roi, lors de l’assemblée des coutumes, de reconnaître en aucune façon la juridiction de Dourdan. Se rattachant à la prévôté de Paris et portant ses appels à la barre du chapitre et au Parlement, la paroisse de Corbreuse voulait se soustraire au bailliage, en dépit des lettres patentes de 1532 qui réunissaient la justice de Corbreuse à celle de Dourdan, en dépit des redevances qui avaient toujours été payées au domaine et du service de ban et arrière-ban.

Jusqu’à la fin du siècle dernier, Corbreuse garda ses puissants seigneurs. Ils avaient une administration complète. Honorable homme Louis Jonquet, leur procureur fiscal et receveur, mort en 1622, est enterré à l’entrée du chœur de l’église[66]. Bâtie au xiiie siècle et depuis agrandie, l’église de Corbreuse avait été dédiée à Notre-Dame, comme la cathédrale de Paris. Le lendemain de la fête patronale du 15 août, un pèlerinage en l’honneur de saint Roch attirait jadis un grand concours de fidèles.

Corbreuse, dans les péripéties de l’histoire, partagea toutes les fortunes de Dourdan. Ses riches moissons tentèrent plus d’une fois l’avidité des partis rivaux. Il y a deux cents ans, son territoire était complétement ravagé par les armées de la Fronde, et le curé Giles Lenormand écrivait sur le registre paroissial : « Le 24 avril 1652, Étampes fut pris par le Prince et le 25 Corbreuse pillé ; et tout un chacun prit la fuite à Sainte-Mesme où Monseigneur Anne-Alexandre, comte du-dict lieu, nous reçut deux mois durant. »

Passant au Plessis-Corbreuse[67], derrière lequel se trouve la ferme du Trouvillier (l’Outre-Villiers du chapitre de Paris), la route court parallèlement à celle de Saint-Martin et traverse Chatignonville. Sujette et redevable au roi à cause de sa châtellenie de Dourdan, la paroisse de « Chantinonville » ou « Chantignoville » était une seigneurie[68] qui chercha vainement, au xvie siècle, à se rattacher à Montfort-l’Amaury. Jacques de Morinville, écuyer, en était alors seigneur. Aux siècles suivants, Châtignonville appartint à la famille le Boistel qui fournit à Dourdan plusieurs de ses principaux administrateurs et un des curés de sa paroisse Saint-Pierre. Aujourd’hui, sur l’emplacement du château et du parc détruits en 1827, une distillerie de betteraves, annexée à une belle ferme, offre à la contrée l’exemple d’un des perfectionnements de la culture moderne.

Nous retrouvons la route impériale qui mène d’Ablis à Étampes, et nous sommes sur la paroisse d’Allainville, paroisse agricole comme toutes ses voisines semées dans la plaine, dont l’histoire ne serait qu’une longue nomenclature de mouvances territoriales et de partages fonciers. Des fermes, au nom uniformément terminé en ville, se sont perpétuées, de temps immémorial, sur l’emplacement des anciennes villas ou maisons rurales, et chacune d’elles est restée le centre d’une exploitation cultivée d’abord, puis affermée par le maître. À chacun de ces centres était attachée la tradition d’une seigneurie ou le titre d’un fief, et de riches familles, propriétaires du sol, emportaient à la cour ou sur les champs de bataille, comme nom patronymique ou surnom nobiliaire, le nom de ces terres qu’elles avaient possédées ou possédaient encore. La maison des champs révélait toujours, par quelque côté, le lieu seigneurial, et la féodalité s’y affirmait par quelque corps d’hostel à côté de la grange, ou, à défaut de manoir, par quelque tourelle, colombier ou portail.

À Érainville existait un véritable château. Charles de Gaudart, sieur d’Érainville, était forcé d’y reconnaître les anciens droits de l’Église de Paris, et en même temps de répondre au ban du bailliage de Dourdan convoquant les gentilshommes pour les guerres de Louis XIV. À Soupplainville, le seigneur avait relié en un vaste domaine les champs et les fermes du voisinage, et un long terrier établissait, à la veille de la Révolution, ses droits et ses devoirs féodaux[69]. — Hattonville, — Obeville, — Groslieu, rappellent les embuscades et les rendez-vous des troupes du duc de Guise dans leur marche contre les reîtres d’Auneau.

Notre course est vers le sud. Toutefois, pour ne point omettre deux lointaines paroisses du canton, placées sur la limite du département, mentionnons celle de Paray-Douaville, autrefois Paray-le-Moineau, qui a reçu en 1845 le nom du château et de la grande terre du marquis de Barthélémy, et celle d’Orsonville, proche d’Auneau, où une vieille église et un ancien château disparaissent presque au milieu des créations factices et bizarres, du parc accidenté et des fabriques du marquis de Chabanais. — Le chemin de fer de Dourdan traverse ces communes essentiellement rurales, s’y arrête et ouvre à leurs produits un débouché vers la capitale.

Le route impériale, qui de Paray descend à Allainville, se dirige vers Étampes, et croise à Authon une autre grande route de la Beauce qui s’enfonce dans le cœur de la vaste plaine. Nous sommes dans cette Belsia, tour à tour chantée pour sa fertilité et raillée pour sa tristesse, dans « cette grande plaine fourmentière, plus féconde que ne fut jamais la Béotie, du nom de laquelle quelques-uns tirent l’excellence de son origine[70]. » Vaste désert de moissons, dont la monotonie impatiente le voyageur qui passe, la Beauce a sa grandeur qu’il serait injuste de vouloir nier. Ses habitants, qu’on plaint quelquefois, tiennent à leur sol et n’échangeraient pas volontiers, pour l’enceinte étouffée des villes, leur libre et lumineux horizon, immense comme la mer, leur air vif et nourrissant, leur terre féconde qui donne à ceux qui la touchent ce caractère à la fois doux, tenace et robuste qui a bien sa valeur.

De distance en distance, un clocher dont l’isolement grandit les proportions, émerge aux confins du ciel. Il révèle un centre habité mais semble reculer devant le marcheur, car les champs à perte de vue et les routes aux courbes immenses produisent de vrais mirages. Il est rare que quelques bouquets d’arbres et quelques remises n’apparaissent pas à l’horizon, et dans la contrée que nous parcourons ils sont encore assez fréquents. La paroisse de Saint-Escobille nous offre même un bois célèbre au siècle dernier pour avoir servi de repaire aux brigands de la bande d’Orgères. La ferme de Saint-Escobille est le plus beau spécimen peut-être de toute la région comme aménagement agricole, perfectionnement de culture, élève de bestiaux, choix de races et de procédés. Il y avait là encore, au commencement du siècle, un superbe château où habitait le riche intendant des finances sous Louis XVI, M. de Laborde. Le château et la terre de Saint-Escobille avaient été, avant lui, sous Louis XIV, la propriété du chevalier de Passart, le bienfaiteur de l’Hôtel-Dieu de Dourdan ; Le Venier de la Grossetière, issu d’Antoine Le Venier, doge de Venise au xive siècle, avait acheté, au xvie, la seigneurie de Saint-Escobille de Gabriel de la Vallée. Les hameaux d’Aubray, Paponville et le Bréau-Dame-Marie, en dépendaient. Quant à Guillerville, il appartenait à l’abbaye de Morigny. — De vastes carrières, où nos pères ont puisé pendant des siècles le calcaire de Beauce, forment à Saint-Escobille comme des catacombes où la tradition place le rendez-vous des premiers chrétiens.

Plus au sud encore est la paroisse de Mérobert, qui touche à un territoire accidenté et au vallon de Châlo-Saint-Mard. Mérobert, du bailliage d’Étampes, avait anciennement pour seigneurs les de la Vallée, et reconnaissait, au xviie siècle, messire Jean de Sève, président en la Cour des Aydes, avec droit de justice mouvante en plein fief de celui de Malicorne assis à Boutervilliers.

Authon-la-Plaine est placé au point de jonction des grandes routes qui amenaient jadis et amènent encore vers le Hurepoix et Dourdan les produits de la haute Beauce. La tour basse de sa vieille église est comme une sorte de borne milliaire. Une portion de la paroisse, du côté d’Étampes, était tenue en censive du roi, qui avait droit de péage, et elle répondait devant le prévôt d’Étampes. L’autre portion, avec le Grand et le Petit Plessis, le Grand et le Petit Sainville, appartenait, comme Sonchamp, à l’abbé de Saint-Benoît sur Loire, avec tous les droits de justice et le titre de bailliage et châtellenie. La grande abbaye avait toujours cherché à s’affranchir de toute juridiction et de toute servitude, et le représentant de l’abbé, révérendissime cardinal de Châtillon, sut si bien protester contre les prétentions des bailliages d’Orléans, Dourdan et Étampes, lors de la rédaction des coutumes, sous Henri II, qu’il obtint un renvoi à la Cour du Parlement, en dépit des lettres patentes de 1532, qui avaient bien réellement réuni au domaine de la châtellenie de Dourdan Authon et le Plessis-Saint-Benoît.

Le Grand et le Petit Guignard, les Pavillons, Hérouville, étaient autant de fiefs qui fournissaient des surnoms à leurs seigneurs. Les bois du Plessis offraient une chasse d’autant plus estimée que les bois sont rares en Beauce. Napoléon y vint chasser le loup, le 24 août 1806. Hérouville ou Érouville, dont M. Levavasseur était seigneur au siècle dernier et où M. Bazouin s’est fait aujourd’hui une solitaire et artistique demeure, a servi sans doute de station romaine au temps où une voie coupait de ce côté le pays des Carnutes. Des monnaies, des armes, des fragments, boucles et mors de bronze, statuette d’argent, débris enfouis dans un sol remué et dans un humus noirâtre, ont été recueillis et sont conservés avec soin.

La route d’Authon se dirige vers Dourdan en passant par les Granges, mais il reste à visiter la paroisse de Richarville, Ricarville ou Richerville dont messire François de Cugnac, chevalier, marquis de Dampierre, était seigneur sous Louis XIV, et où, suivant déclaration donnée au roi en 1539, il y avait moyenne et basse justice tenue en fief du château d’Étampes, avec droit et usage de chasser et vener, « à cor et à cry, » laisser courre lévriers et chiens, tendre et hayer à toutes bêtes en la forêt et buisson appelé Montbardon et en tout le chantier de Chenevelles, sans compter la seigneurie du Bréau-Saint-Lubin qui touche à la route, et les trois fiefs de la Margaillerie, mouvant de Marcoussis, donnés en 1631 à César de Balsac et possédés en partie par le chevalier de Passart et les dames de Lonchamp.

De Richarville, il est facile de gagner La Forêt-le-Roy, notre plus lointaine étape de ce côté. Tenue en plein fief du château d’Étampes, c’était une baronnie dont les seigneurs, « hauts chastellains, » faisaient exercer toute justice haute, moyenne et basse, par un bailli et autres officiers. Philippe de Beauvais, chevalier, en rendait aveu au roi le 1er mars 1400. Plus tard, on trouve le nom du sieur de Paviot, et, sous Louis XIV, les enfants de feu messire Charles Leclerc de Fleurigny. M. de Gauville, baron de La Forêt-le-Roy, était le député de la noblesse de Dourdan aux États généraux de 1789, et nous avons fait faire sa connaissance à nos lecteurs. Depuis la Révolution, le château de La Forêt a été vendu à M. de La Boirre. Acquis un instant par le prince d’Aremberg, il appartient aujourd’hui à M. le baron des Étards.

A la sortie de La Forêt, la route d’Étampes à Dourdan traverse un étroit et profond vallon, et cette descente rapide, suivie d’une rude montée, a été autrefois un dangereux passage, difficile encore aujourd’hui.

Laissant à droite une plaine qui nous ramènerait, par Plateau et Marchais, sur la commune de Roinville, nous retrouvons le village des Granges-le-Roy, à une demi-lieue de Dourdan, au sommet de l’angle formé par la route d’Étampes et la route de Beauce que nous avions quittée. Il est inutile de revenir ici sur les détails que nous avons eu occasion de donner dans le cours de cette histoire, au sujet d’une des plus anciennes dépendances du domaine de Dourdan ; sur son rôle de grenier ou de granche du roi ; sur ses redevances en nature pour les chasses du seigneur ; sur la fondation de son prieuré contemporain de celui de Saint-Germain de Dourdan. Nous avons vu, en effet, que l’église de Saint-Léonard des Granges-le-Roy fut concédée vers 1150, par Goslin de Lèves, aux chanoines augustins de l’abbaye de Saint-Chéron-lès-Chartres, et nous trouvons, dès 1170, une transaction entre le prieur et les habitants, pour « le luminaire de la Saint-Barthélemy[71]. »

On connaît toutes les difficultés nées au xiiie siècle pour la perception de la dîme de vindesGranges dont une partie du territoire était cultivée en vignes, et les procédures du curé « Barthélemy Jorri » en 1217. L’église de Saint-Léonard, qui date à la fois du xiie, xiiie et xive siècle et dont la tour carrée se voit de très-loin, partageait avec celle de Dourdan les offrandes et les legs pieux des propriétaires du pays, et son revenu s’élevait au xiiie siècle à environ 4,000 francs d’aujourd’hui. Le patron, saint Léonard, était l’objet du pèlerinage des mères de la contrée qui y portaient leurs enfants « pour les faire parler. » On voit, dans le chœur et dans le milieu de la nef, des pierres tombales du xive et du xve siècle, qui portent les noms de plusieurs laboureurs et agriculteurs de la paroisse, spécialement des terres de Louye, et attestent d’une manière intéressante le rôle honorable du cultivateur dans la région.

La plus grande partie de la seigneurie et des droits domaniaux des Granges-le-Roy avait été, comme on l’a dit, engagée par saint Louis à Jean Bourguignel et transmise par celui-ci aux « dames de Lonchamp. » Nous avons cité les contrats, cueillerets, terriers, établissant à diverses époques les droits de ces dames sur le territoire et donnant des détails curieux sur l’ancienne consistance du sol[72] ; leurs arrangements avec M. de Passart, au xviie siècle ; leurs transactions avec le duc d’Orléans à la fin du xviiie.

Un très-ancien fief, dont le nom rappelle ceux des seigneurs de Dourdan, le fief de Jean et Louis, fils de roy, situé au centre et aux environs du village des Granges, se partageait entre les seigneurs de Sainte-Mesme et ceux de Marcoussis[73]. — Au-dessus des Granges, sur la route d’Authon, la ferme de la Villeneuve était un manoir seigneurial avec chapelle, que le chevalier de Passart quitta au xviie siècle pour venir mourir à l’Hôtel-Dieu de Dourdan.

L’antique abbaye de Louye appartient à la paroisse des Granges avec sa plaine solitaire au milieu des bois. La chapelle dont la voûte est malheureusement en partie effondrée, subsiste à l’état de ruine. Les bâtiments, reconstruits au xviiie siècle par les dames de Saint-Rémy-des-Landes, quelques parties de l’ancien monastère forment à côté une pittoresque habitation acquise par le grand-père de la propriétaire actuelle Mme Ventenat, née Gratiot.

Pour rentrer à Dourdan, il nous eût fallu jadis descendre le chemin raviné de la Testée des Granges. Aujourd’hui la belle route d’Étampes nous fait pénétrer en tournant dans la vallée par la garenne des Granges. À droite sont les pentes des Jalots d’où la vue de Dourdan est si belle, à gauche l’emplacement de l’étang de la Muette, un peu plus loin Normont et à ses pieds Saint-Laurent, la chapelle des lépreux. L’Orge franchie, nous sommes à Dourdan, au faubourg d’Étampes. Nous fermons le circuit, et si nous avons le regret d’avoir marché trop vite, nous gardons l’espoir de laisser au lecteur quelque envie de revoir à loisir un pays plus varié qu’on ne le suppose, aussi riche en vieux souvenirs et en nobles demeures qu’en beaux sites et en fécondes moissons.

  1. Cartulaire de Saint-Père de Chartres, Guérard, 1840, in-4o, t. I.
  2. Messire Jehan Le Clerc, seigneur de Beauvais. — Procès-verbal des Coutumes, 1556.

    Le Marais acquit Beauvais ainsi que la plus grande partie des petits fiefs dépendants de Roinville : le Coulombier, Pougnain ou Poignant, Flamant, Cristal, Richeville, etc. — Archives du Marais, Archives de l’Empire, O. 20,436. — La justice se rendait au Marais, mais des murs de prison subsistent encore à Beauvais, dit-on.

  3. Maître Jacques Bougon, seigneur de Hautes-Mignères, 1556.
  4. Hugues de Marchais, Hugo de Marchesio, seigneur en 1213. — Main-levée en faveur des frères de Louye. — Archives d’Eure-et-Loir, fonds de Saint-Chéron.

    De Marchais relevait le fief du Mesnil près Dourdan, et pour cette cause le curé et les marguilliers de Saint-Germain de Dourdan devaient cens, foi et hommage au seigneur de Marchais. — Hommage en cette qualité à Jean des Mazis (1489), — Guillaume des Mazis (1524), etc. — Archives de l’Église.

    Au xviiie siècle, M. de Péricard, et plus tard son gendre, marquis de Saint-Germain-d’Apchon, seigneur de Marchais, Crémeaux, etc.

  5. Jean de Boulhard, seigneur du Grand-Platel et Grateloup. — Coutumes, 1556. Nicolas de Sève, chevalier, seigneur de Platteau et des fiefs du Petit-Platteau, Grateloup et Marchais. — Arch. de l’Emp., O. 20,436. — Vestiges de château et de chapelle.
  6. « Brocaria propè de fluviolo Urbia. » — Charta Chlotild. circa an. 670, dans Bréquigny, Diplom., p. 257. — Guérard, Polypt. d’Irminon. 64.
  7. Archives de Seine-et-Oise et de l’Église.
  8. On peut constater en effet que Ménilgrand a été autrefois un village très-peuplé, par la présence de fondations nombreuses et de pierres qui se rencontrent dans les prés plus bas que le hameau actuel.

    Fief du Bouchet, fief de la Chaise, assis en la paroisse de Roinville, etc. — Ban de 1697.

  9. Aveu de Gilles d’Hémery, seigneur de Sermaise, 1402. — Autres aveux de 1487-1497, etc., etc. — Fonds Roger.

    Il y a, dans l’église de Sermaise, les pierres tumulaires de trois personnages dont un portait le nom de baron de Sergmès, fondateur ou au moins restaurateur de l’église. Cette pierre, qui était placée au pied de l’autel de Sainte-Anne, s’était assez bien conservée. Mais, il y a environ quinze ans, on a imaginé de l’enlever, de la couper et de la placer dans un endroit de passage, où elle s’est en partie effacée. La date, au dire des habitants, était celle de 1522.

    Les d’Hémery, au xvie siècle, donnèrent dans la Réforme. Louis d’Hémery, seigneur de Sermaise, abjura le 16 juin 1587. Nous avons retrouvé l’attestation de Louis Hurault, seigneur de Villeluysant, bailli et gouverneur de Dourdan, et le certificat du curé et du vicaire de Sermaise.

  10. Antoine de Lucault, Jacques d’Averton, Adrian Berthelot, pour le fief de Maudestour. — Coutumes (1556).

    Mesdemoiselles de Heslin pour les fiefs de Mondétour, la Guernadière, Maugrenoutte, Bellanger, Villeneuve, etc., assis dans ladite paroisse. — Ban de 1697. — Arch. de l’Empire, O. 20,436.

    Famille Brière de Mondétour. Nicolas, lieutenant-général du bailliage de Basville, 1788.

  11. Vente de la Mercerie par Charles de Pavyot, 1585, — Acquisition par Jacques d’Hémery pour 800 liv. en 1662, etc. — Voir : Coutumes de Dourdan, 1556. — Ban de 1697. — Archives de l’Hôtel-Dieu de Paris, etc.
  12. Actes de foi et hommage, aveux et dénombrements (1455-1734) fournis par :

    Jean des Mazis, bailli et gouverneur de Dourdan ;

    Pierre des Crosnes, seigneur de Blancheface ;

    Gilles de Hémery, seigneur de Sargines ;

    Catherine des Crosnes, dame de Blancheface, sa veuve ;

    François et David de Hémery, écuyer, seigneur de la Râchée, du Mesnil et du fief des Crosnes, vulgairement appelé Blancheface, et Suzanne des Mazis, sa femme, etc. ;

    À Louis de Maintenon, écuyer, — Antoine de Vignay, — Jacques Hurault, — Louis Hurault, — Pierre-Henry le Maistre, tous seigneurs du Marais, à cause de la mouvance dudit fief.

    1662. — Des biens saisis sur Jacques de Cisternay, chevalier, seigneur, baron de Blancheface, du Mesnil, etc., la terre et seigneurie de Blancheface achetée, tant en fief qu’en roture, par Guillaume de Lamoignon, pour 52,800 livres. — Revendue par lui l’année suivante avec le Mesnil (391 arpents) pour 45,800 l. et 100 s. de cens annuel à l’Hôtel-Dieu de Paris — 1670. Bail des terres et moulin de Blancheface, le Mesnil et la Râchée, pour 2,100 l. annuel. — Les Graviers, au terroir de Blancheface, etc., etc. – Archives de l’Hôtel-Dieu de Paris, layettes 89-90.

  13. La Râchée relevait du fief de Graville ou Gravelle, assis à Authon-en-Beauce. Nous avons trouvé des hommages de noble homme Gilles d’Hémery, seigneur de Blanchefouasse, pour le fief du moulin de la Râchée, à Nicolas Vigneron, grenetier de Paris, seigneur de Launay et Saint-Michel-sur-Orge, à cause de sa terre et seigneurie de Gravelle — 1497.

    De son fils aîné, François de Hémery, à Anne Lucas, dame de Sainte-Mesme et de Gravelle. — 1520.

    Acquisition d’un moulin à fouler le drap et terres à la Rachée, par le même (1564-1571) — de l’emplacement du moulin de la Râchée et autres terres par sa veuve Barbe de Vielchâtel (1575), de plusieurs personnes et notamment de Jean Guegnées (ancienne forme du nom local de Guenée).

    Autres actes de la même famille, 1586 à 1667. — Fonds Roger.

    Des biens saisis sur Jacques de Cisternay (1662), achat, par l’Hôtel-Dieu de Paris, du moulin de la Râchée et de ses dépendances pour 11,000 l. et des bois dépendants de la seigneurie du Marais pour 4,400 l. – Remise par le comte de l’Hospital Ste-Mesme des droits seigneuriaux pour la Râchée mouvant du fief de Gravelle pour 2,200 l.Arch. de l’Hôtel-Dieu de Paris. Layettes 89-90, liasses 488-494 bis.

  14. Voir archives de Seine-et-Oise, Clairefontaine et St-Rémy des Landes.
  15. Enfants de M. de Saulty.
  16. Voir la notice de M. Patrice-Salin. — Paris, Adrien Le Clere 1865 in-folio. — M. le baron de Guilhermy a consacré à ce monument ses patientes et savantes études.
  17. Archives de Seine-et-Oise. E. 8.
  18. Consulter les charmants dessins du marquis d’Argenson à la bibliothèque de l’Arsenal.
  19. a et b Archives de Seine-et-Oise. E. 3, 5.
  20. « Hôtel seigneurial du Marais consistant en un gros corps de logis flanqué de deux pavillons ; une grande cour, dans laquelle on entre par un pont-levis, à l’entrée de laquelle sont deux gros pavillons isolés, dans l’un desquels est la chapelle, le tout bâti en graisserie piquée, et couvert d’ardoises, entouré de fossés à fond de cuve remplis d’eau vive avec murs et parapets ; — la basse-cour à côté, séparée de la grande cour par les fossés qui entourent le château, mais communiquant à la cour haute par un pont de grès de quatre arches fermé d’une grille de fer, — colombier, etc. ; grand portail avec deux ponts-levis qui se lèvent tous les soirs.

    Derrière le château, fossé avec pont-levis menant au parterre, lequel est clos au midi et au septentrion par un canal revêtu de murailles. — Au bout du parterre, pièce d’eau carrée communiquant audit canal.

    À droite et au midi du parterre, parc planté en taillis avec plusieurs allées sablées pour la promenade, avec plusieurs grilles de fer et sauts de loup. — Au-dessus du parc, jardin fruitier ; — à l’occident, potager ; le tout contenant 30 arpens.

    En face le château, grande pièce d’eau, revêtue de murs tout à l’entour, de 275 toises de long, 34 toises de large par le bas et 26 par le haut, bordée de deux allées de charmille. » — Archives du Marais. Terrier de 1718.

  21. On jugera de l’étendue de la censive du Marais par la simple énumération des fiefs qui en relevaient : fiefs du Marais et Val-Saint-Germain, comprenant toute la paroisse dudit lieu ; de la cave de Montlhéry et de la Laurière ; Bouville, Sainte-Catherine ; Roinville avec les fiefs de la Bruyère, Cristal, Poignant, Flamant, Malassis, Nilvoisin, Orgesin, Richeville, Châteaupers, Beauvais ; les Loges, Levainpont, la Chambre-mal-garnie, sis en la paroisse de Saint-Cyr ; Berchevilliers, le Buisson, Ardenelle sis en la paroisse de Saint-Maurice ; le Tertre paroisse de Sermaise ; la Fontaine-aux-Cossons paroisse de Vaugrigneuse ; Babylone sis en laparoisse d’Angervilliers ; Grouteau, Grillon, sis à Dourdan ; la Motte-Beauroux ; la Barocherie ou Chambardon ; Gravelle ; Vaugirard ; Rué ; Montauban ; Mauny ; le Pont-Rué ; les Minières. — Terrier du Marais.

    1486. Antoine de Vignay, seigneur du Marais ; — 1518. Philippe Després, etc., etc. — La seigneurie du Marais dépendait de la châstellenie de Rochefort au comté de Montfort, et mouvait de Marcoussis.

  22. Mém. collect. Michaud. iiie série, t. IV, p. 220.
  23. La confrérie de la Charité de Meulan venait chaque année de plus de 70 kil. — Hist. de Meulan, in-8, 1868, par Em. Réaux, p. 427.

    Nous avons retrouvé à l’église Saint-Jacques-du-Haut-Pas de Paris le cérémonial du pèlerinage à Sainte-Julienne, les comptes des carrosses et des repas du clergé, et plusieurs centaines de noms de la paroisse inscrits sur les registres de la confrérie de Sainte-Julienne.

  24. Le fief de Béchereau qui touche à celui de Bandeville ; celui de Faucillon ; celui des Fourneaux dit le bois de l’Église ; de la Bâte ; du Colombier ou du Bourg-Neuf ; de la Tour-St-Cyr, St Cyr de Briis, Foisnard, château Guillebaut, la Chaise, St-Yon de Guette, et la moitié du bois des Minières. — Archives de Bandeville.
  25. Les fiefs de Bistelle, Morsang, avec ses arrière-fiefs de Bois-Fiquy, le Rosay, Bouc-Étourdi, le Gué de Machery, Cherfosse, Vatoüan, etc.
  26. Moyennant la somme de 122,000 livres.
  27. Rouillon, Cens-Boursier, Pierre de Sonchamp, Semont, Lyphard, le Moulin Grousteau. 1739. — Voir chap. XIII.
  28. Voir les Arch. de Seine-et-Oise, E. 725-737. — Bissy appartient aujourd’hui à M. Desfontaines.
  29. Testament de Bertram, évêque du Mans, 615. — Guérard, polyptique.
  30. Bail de 1347, entre noble homme Thibault de Brouville et noble dame Agnès de Soysoy. — Arch. de Seine-et-Oise, E. 742.
  31. Voir l’aveu et dénombrement portant foi et hommage de la terre de Boullon, rendu par Jean de la Mocte, écuyer au seigneur de Magny-Lessart. — Les déclarations censuelles au profit de dame François de la Mothe, ve de Fr. de Vendosmois, sgr de Bullion, 1601 ; — au profit de Claude Bullion sgr de Brouville, Bullion, Ronqueux, Lonchêne, etc., 1616-1670. — Ibidem, E. 743-747.
  32. Manuscrit de St-Germain-des-Prés sous l’abbé Irminon.
  33. Charte de 774.
  34. MM. Moutié et de Dion ont reconstitué les annales féodales de Rochefort dans leurs belles et savantes études sur Chevreuse et sur Montfort.
  35. Amaury III de Montfort, comte d’Evreux, qui épouse l’héritière de Rochefort, arrête le roi d’Angleterre (1124). Son fils, Simon III, lui livre au contraire ses châteaux de Rochefort, de Montfort et d’Épernon, pour forcer la main au roi de France. — Simon IV périt, souverain du Languedoc, dans les cruelles guerres des Albigeois, etc.
  36. Voir à la Bibliothèque Impériale, collection topographique, Seine-et-Oise IV, 5 : « Plan, coupe et élévation du château de Rochefort en Beauce près Dourdan, qu’a fait reconstruire S. A. Mgr le prince de Rohan-Rochefort, d’après les dessins et sous la conduite de Archangé, élève de l’académie royale d’architecture. Fondé en 1781 et terminé en 1787. »
  37. Autrefois, là où est le parc du château de Rochefort, était le prieuré simple de la Madeleine, membre de Clairefontaine. La chapelle et les bâtiments du prieuré existaient en 1496. Le duc de Montbazon, grand veneur de France, s’empara de l’emplacement. L’image de la Madeleine fut transportée à l’église de Rochefort, et des démolitions de la chapelle fut faite celle de Sainte-Marie-Madeleine qui touche à cette église. Le bénéfice s’est perpétué longtemps. — Inventaire du marquisat de Bandeville.

    Le marché de Rochefort est fort ancien, nous avons retrouvé tous ses titres historiques dans le mémoire à l’intendance de M. Védye, subdélégué de Dourdan, 1740.

  38. L’hospice de Dourdan a dans ses archives une expédition de cette clause. — Voir le chapitre de l’Hôtel-Dieu de Dourdan.
  39. La part des puinés, toujours possédée par les de Harville, fut vendue aux seigneurs de Bandeville en 1679. — Arch. de Bandeville.
  40. Non loin de là, était le fief de la Roche qui appartenait à la commanderie de Malte de Châlou-la-Reine et où existait un hospice.
  41. Saint-Arnoult (Arnulfus), 12e évêque de Tours pendant seulement 17 jours, successeur de Léon, est vénéré comme martyr le 15 des calendes d’août. On a sa vie dans la Bibliothèque de Fleury, éditée par Boscius. Flodoard et Marlot en parlent dans l’histoire de Reims, où il fut tué par les serviteurs de sa femme Scariberge qui s’était consacrée à Dieu. — D. Bouquet, tome II, 387.
  42. Voir la liste des abbés dans le Gallia Christiana, tome VII, col. 1315.
  43. Voir aux Archives de Seine-et-Oise le fonds de l’abbaye de Clairefontaine qui remplit une vingtaine de cartons.
  44. Gallia christiana, VII, col. 1299.
  45. Cartul. de N.-D. de Chartres, II, 132.
  46. Consulter les Archives de Seine-et-Oise.
  47. Fonds de Saint-Benoît-sur-Loire, aux Archives du Loiret. — Histoire de l’abbaye par l’abbé Rocher.
  48. Pouillé du diocèse de Chartres au xiiie siècle.
  49. Voir Archives de l’Empire, pièces concernant Sonchamp. Q. 1514. — Archives du Loiret. A. 1382, etc.
  50. Voir de Lescornay, p. 242.
  51. Voir au sujet de ce prieuré les Archives de Seine-et-Oise.
  52. Il paraît, par d’anciens aveux, qu’il y avait autour de Sainte-Mesme six étangs déjà convertis en prés au xviie siècle.
  53. Page 6-10.
  54. Voir les sources citées.
  55. Il parait que l’office que l’on chantait autrefois dans l’église de Sainte-Mesme est venu de Dreux, où il y a une chapelle dédiée à sainte Mesme dans l’église paroissiale.
  56. Tous deux enterrés à Sainte-Mesme.
  57. Actes de foi et hommage, 8 octobre 1507, 15 octobre 1530. — Archives de l’Empire. O. 20250. — Voir chapitre XIII.
  58. Jean de Choisy, gouverneur de Dourdan, avait rendu la ville aux huguenots en 1567. — Louis de Vitry s’était retiré par scrupule devant Henri IV.
  59. Avec droits de justice, bailliage, deux foires annuelles en mai et août et marché le mercredi.
  60. Leur second fils, Raymond dit le comte de l’Hospital, fut aussi chevalier d’honneur et premier écuyer de la grande duchesse.
  61. Foi et hommage rendus entre les mains de M. d’Argenson, chancelier du duc d’Orléans, le 14 juin 1726. — Archives de l’Empire, O. 20250. — Voir les charmantes vues du château de Sainte-Mesme, faites à la plume et à l’aquarelle par M. d’Argenson. — Bibliothèque de l’Arsenal.
  62. Désigné dans le pouillé du diocèse au xiiie siècle par ces mots : « Danesi cum capellâ, Denisy avec sa chapelle » comptant 56 feux, revenu estimé à 20 livres de l’époque — collateur : l’abbé de Josaphat — patron : sainte Mesme.

    1503. — Procédures faites aux requêtes du palais par Ferry de Wicardel, seigneur de Lonchêne, etc., contre Claude de Poisieu pour le contraindre à lui faire foi et hommage du fief de Denisy. — Archives de Versailles, E. 740.

  63. Cartul. de N.-D. de Chartres, I, 170 — II, 242-4-6.
  64. Un vieux mur, une grille, une avenue, la rivière canalisée en cet endroit, voilà tout ce qui reste du château de Grillon. — Voir chapitre XXI.
  65. Archives de l’Empire.
  66. Une autre pierre tombale servant de perron à une maison de Dourdan, rue Croix-Ferras, porte en beaux caractères du xiiie siècle : HIC. IACET. MAGISTER. PETR… DNI. SYMONIS. RECTOR. ECCLIE. DE. CORBOROSA. ORATE. PRO. EO.
  67. Étienne de Pussay, sieur du Plessis-de-Corbreuse, homme d’armes du seigneur de Palaiseau. — Thomas de Pouy, seigneur du fief de Bandeville assis à Corbreuse (xve siècle).
  68. On voit à Dourdan, dans le jardin de M. Demetz, une grande pierre tombale qui a été transportée du pays où elle servait de pont et qui va être déposée dans l’église Saint-Germain. Elle porte la figure en pied d’un chevalier armé, avec cette légende en caractères du xive siècle : « CI GIST MONCEIGNEVR GVILLAVME DE CENTEGNONVILLE CHEVALLIER. PRIEZ DIEV POVR LI. »
  69. Rédigé par Me Héroux, — déposé aujourd’hui chez Me Ortiguier.
  70. André du Chesne.
  71. Archives d’Eure-et-Loir, fonds de Saint-Chéron. — Voir au même fonds d’autres pièces : acquisition par le prieur d’une maison au village des Granges (décembre 1326). — Bail de prés à Dourdan par le prieuré (1391). — Prise de possession du prieuré, par Jean Aubert (1408), etc.
  72. Voir Chapitre IV, p. 39. Chapitre XIII, p. 130, 148. — Pièce justificative XVI.
  73. Consistant en 63 septiers ; 2 mines de terre, 12 l. de menus cens et un muid de champart. — Enoncé à l’aveu rendu au roi le 20 février 1574 par François de Balsac, seigneur de Marcoussis, relevant de Saint-Yon et mouvant directement de Marcoussis au moyen du partage fait entre César de Balsac de Gié et Marie-Charlotte de Balsac, dame de Bassompierre en 1630.