Correspondance de Voltaire/1768/Lettre 7304

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Correspondance : année 1768GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 46 (p. 86-87).
7304. — À M. LE COMTE D’ARGENTAL.
27 juillet.

Vous savez, mon cher ange, que vos ordres me sont sacrés, et que le souffleur de la Comédie[1] aura son petit recueil, si la douane des pensées le permet. J’ai adressé le paquet à Briasson le libraire, et l’ai prié de le faire rendre audit souffleur. Le succès de cette affaire dépend de la chambre syndicale. Vous savez que j’ai peu de crédit dans ce monde. J’espère en avoir un peu plus dans l’autre, grâce aux bons exemples que je donne.

Je ne suis pas revenu de ma surprise, quand on m’a appris que ce fanatique imbécile d’évêque d’Annecy, soi-disant évêque de Genève, fils d’un très-mauvais maçon, avait envoyé au roi ses lettres[2] et mes réponses[3]. Ces réponses sont d’un père de l’Église qui instruit un sot. Je ne sais si vous savez que cet animal-là a encore sur sa friperie un décret de prise de corps du parlement de Paris, qu’il s’attira quand il était porte-Dieu à la Sainte-Chapelle-Basse. En tout cas, je suis très-bien avec mon curé, j’édifie mon peuple ; tout le monde est content de moi, hors les filles.

Que Dieu vous ait en sa sainte garde, mes chers anges ! Je ne sais pas ce que c’est que la vie éternelle, mais celle-ci est une mauvaise plaisanterie

À propos, j’ai coupé la tête à des colimaçons[4] : leur tête est revenue au bout de quinze jours ; le tonnerre les a tués ; dites à vos savants qu’ils m’expliquent cela.

  1. Delaporte, mort le 27 décembre 1794.
  2. Voyez nos 7234, 7247, 7255.
  3. nos 7237 et 7252.
  4. Voyez tome XXVII, page 213, l’opuscule intitulé les Colimaçons du R. P. l’Escarbotier.