Cours d’agriculture (Rozier)/PLAIE

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Hôtel Serpente (Tome septièmep. 749-756).
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PLAIE, Médecine Rurale ; C’est une solution de continuité faite à quelque partie molle du corps, par un instrument tranchant, ou contondant, ou par toute autre cause externe ; elle prend au contraire le nom d’abcès ou d’ulcère, si elle dépend d’une cause interne, ou lorsque la plaie est ancienne.

La plaie est simple, quand elle n’est suivie d’aucun accident grave, c’est-à-dire, quand elle n’intéresse ni veines, ni artères, ni tendons, ni nerfs.

Elle est composée, & en même-temps compliquée, quand elle est accompagnée d’une grande effusion de sang, de la déchirure de quelque vaisseau sanguin, de l’inflammation des parties voisines, ou compliquée de fracture de l’os qui lui correspond.

Heister, dans l’énumération des principales espèces de plaies, observe très-bien que les unes se font en piquant, & les autres en coupant. Certaines, continue ce même auteur, sont la suite, ou l’effet des coups ; les unes sont absolument incurables & mortelles, d’autres peuvent se guérir ; les unes sont faites par des instrumens tranchans, & d’autres par des instrumens mousses ou obtus ; telles sont les plaies que font les balles, les chutes, ou les coups & que les chirurgiens nomment spécialement contusions. Quant à la figure, ou à la direction, il y en a de droites, de transverses, d’obliques & de courbes ; & relativement au siége, les unes sont à la tête, au cou, à la poitrine, & au bas-ventre, & sont internes & externes.

De la différence de la lésion naissent encore divers genres de plaies ; car les unes sont exemptes de corps étrangers, tandis qu’il reste dans les autres des balles, des morceaux d’habits, divers petits corps, comme fragmens de verre, des éclats de bombe, la pointe d’une épée. Certaines plaies sont accompagnées de lesions dans les os, telles sont presque toujours les plaies à la tête, & celles faites par les armes à feu. Il y en a d’envenimées ; ce sont celles dont les instrumens ont été empoisonnés, ou qui proviennent de la morsure des animaux enragés, ou venimeux.

Les plaies, en général, ont toujours avec elles des signes qui ne sont point équivoques pour établir leur existence.

Immédiatement après qu’une plaie vient d’être faite, il survient un gonflement à la partie affectée ; il se fait une hémorragie plus ou moins considérable, & toujours relative à la profondeur de la plaie, & à la quantité des vaisseaux qui ont été ouverts : elle s’arrête d’elle-même, sans aucun secours de l’art, à moins qu’elle ne soit entretenue par la section de quelque artère, ou tout autre vaisseau considérable, & la portion du sang qui reste dans l’intérieur de la solution de continuité, se fige & se change en croûte.

L’inflammation survient, ainsi que la douleur, & ne diminuent que sur la fin du troisième, ou vers le commencement du quatrième jour, époque où la plaie commence à suppurer ; il se forme alors sous la matière purulente, une chair nouvelle dans tout le fond de la plaie. Cette chair remplit peu à peu le vide occasionné par la déperdition de substance. Sa surface supérieure se dessèche, & alors l’épiderme sec qui survient ferme la plaie, & forme la cicatrice, en la consolidant.

Il n’est pas aussi aisé de décider dans les cas de plaies internes, quelles parties sont intéressées. Outre le secours qu’on peut retirer de l’introduction de la sonde, il faut ne pas perdre de vue les différentes circonstances ; il faut encore examiner l’instrument, réfléchir sur la situation dans laquelle le coup a été reçu ou donné ; la plaie n’étant qu’une solution de continuité dans une partie molle du corps, l’indication que l’on doit avoir en vue pour son traitement, est d’en procurer la réunion.

Rien de plus facile que la guérison d’une plaie légère ; il suffit d’y appliquer un morceau de linge sec, ou mouillé d’eau de guimauve, ou une compresse d’eau-de-vie camphrée, ou quelque emplâtre, tel que celui de la mère, ou de mucilage, afin de garantir la plaie du contact immédiat de l’air, & empêcher qu’il ne s’y glisse quelque ordure. On se contente de la panser une fois le jour, & si elle ne fournit que peu de matière purulente, de deux jours l’un, & bientôt elle se réunit comme d’elle-même. Quant aux plaies composées & compliquées, on appellera les gens de l’art. M. AMI.

Plaies, ou Playes des animaux en général : Médecine vétérinaire ; Il entre seulement dans notre plan de présenter en raccourci le tableau des plaies des animaux en général, avec les moyens les plus propres à les guérir.

Article premier. L’on entend par plaie, une solution de continuité, faite aux parties molles du corps des animaux, par la violence de quelque cause externe.

Sous le nom de parties molles, on doit comprendre, non-seulement les enveloppes générales de l’animal & les muscles, mais encore les tendons, les artères, les veines les membranes, &c. &c.

Quoique la plaie consiste dans la séparation ou division des parties molles qui, selon l’ordre naturel, doivent être unies & continues, cependant, toute solution de continuité ne constitue pas pour cela une plaie, ou du moins l’on est convenu de ne pas l’appeler de ce nom.

Une solution de continuité est appelée plaie, 1°. lorsqu’elle est récente ; 2°. lorsqu’elle est faite par une cause méchanique ; 3°. lorsque ce sont les parties molles qui ont été séparées.

Il est des auteurs célèbres qui n’ont pas fait difficulté d’appeler la brûlure du nom de plaie ; quoique dans la brûlure l’on n’observe point d’effusion de sang, quoique la cause qui la produit soit physique, ils n’ont considéré la brûlure que comme produit d’une cause qui venoit de l’extérieur, & c’est sous ce point de vue qu’ils ont voulu l’appeler plaie. (Voyez Brûlure.)

Article second. D’après cette définition, il est clair que la plaie doit être le produit de l’application violente de tout corps capable d’enlever aux parties molles leur intégrité, qu’ainsi un instrument dur & tranchant, pointu ou obtus, poussé cependant de manière qu’il détermine une division des parties molles, sera la cause de la plaie.

Article troisième. L’on donne différens noms aux plaies : 1°. eu égard à la cause qui les produit, tantôt on l’appelle coupure, incision, piqûre, plaie obtuse ; 2°. la plaie elle-même présente des différences qui font varier sa dénomination ; elle est grande ou petite, égale ou inégale, curable ou incurable, mortelle ou non mortelle ; 3°. à raison de la figure, la plaie est droite ou courbe, oblique ou parallèle ; 4°. la plaie, respectivement à la partie qu’elle intéresse, est ou simple ou comprimée.

La considération du tempérament de l’animal blessé, sa constitution, son âge, la saison, le pays, &c. toutes ces choses établissent autant de différences des plaies, différences d’autant plus essentielles, qu’elles dirigent le chirurgien vétérinaire dans le pronostic qu’il doit porter, & dans le traitement qu’il doit suivre.

Article quatrième. Les accidens ou affections contre-nature qui surviennent aux parties molles, par l’effet de leur division, paroissent avec plus ou moins d’intensité, & sont plus ou moins nombreux ou plus ou moins variés.

La lésion des fonctions de la partie blessée dérive nécessairement de cette division ; l’espèce d’instrument, la nature des parties blessées, rendent plus fâcheux ou moins terribles les accidens qui en dépendent ; de cette division naissent la tuméfaction, la douleur, la chaleur, accidens qui sont quelquefois les avant-coureurs d’un autre symptôme consécutif, appelé suppuration, les premiers accidens diminuent & disparoissent enfin à proportion que ce dernier continue ; d’où l’on doit regarder la suppuration comme salutaire & même indispensable pour la guérison de certaines plaies, puisque ce n’est que par elle, & par cette seule voie, que la nature peut procurer la réunion des parties molles ; c’est aussi, par l’effet de la même division, qu’un accident non moins fâcheux que le précédent, connu sous le nom d’hémorragie, a coutume de paroître. (Voyez Hémorragie) Elle est plus commune à certaines plaies qu’à d’autres, mais elle est toujours le produit de l’ouverture des vaisseaux sanguins. Cet écoulement sanglant est plus ou moins considérable, à proportion que les vaisseaux ouverts sont plus ou moins nombreux, & ont un calibre plus ou moins grand.

Article cinquième. S’il est aisé de reconnoître des plaies qui n’intéressent que les tégumens, il est souvent très-difficile de s’assurer de l’étendue & de la direction de celles qui sont profondes ; pour lors il ne suffit pas que l’artiste vétérinaire ait une entière connoissance anatomique de la partie, il faut encore qu’il sache la position dans laquelle se trouvoit l’animal blessé lorsqu’il a été frappé, la violence avec laquelle le coup a été porté, quel est l’instrument dont on s’est servi ; à l’aide de la vue, de la sonde, il doit tâcher de découvrir la nature des plaies profondes ; & si ces moyens sont insuffisans, la lésion des fonctions des organes qui correspondent à la plaie, par les signes qui se manifesteront, lui en fera connoître l’étendue.

Article sixième. La nature de la plaie reconnue, le chirurgien vétérinaire peut présager quel sera son événement, si elle sera avec danger ou sans danger, si elle sera curable ou incurable, ou mortelle de sa nature.

Une expérience journalière nous apprend que des plaies légères se guérissent plus aisément que celles qui sont graves ; que la guérison est plus facile chez les animaux sains, qui sont jeunes, que chez les vieux, ou chez ceux qui ont un virus dans le sang, tel que celui de la gale, du farcin, de la morve, &c. (voyez ces mots) ou chez ceux en un mot qui ont une mauvaise constitution ; que le printemps, l’automne, sont plus favorables à l’heureuse terminaison des plaies, que l’été ou l’hiver ; qu’un air pur & sain accélère leur cicatrice, tandis qu’un air corrompu les fait dégénérer, & les rend rebelles à guérir.

En général, la même expérience nous apprend que les plaies qui ne sont point accompagnées de symptômes graves, tels qu’une hémorragie abondante, des douleurs vives, des convulsions, de la fièvre, de l’inflammation, se guérissent plutôt & plus facilement que lorsque ces symptômes les accompagnent. L’attention que l’artiste fera à l’état où se trouve la plaie, ne contribuera pas peu à en régler le pronostic.

Article septième. Les plaies simples n’étant qu’une solution de continuités la première indication à remplir qui se présente, est la réunion de ces mêmes parties qui ont été séparées. Comme elles diffèrent entre elles, qu’il y en a qui sont très-légeres, d’autres qui sont graves, les vues de curation ne sauroient être les mêmes.

Les plaies qui sont légères se guérissent le plus souvent sans le secours de l’art : ou bien l’application d’un emplâtre, d’un plumaçeau imbibé de quelque baume, suffit pour favoriser la réunion. Ce plan de traitement, simple, ne sauroit toujours convenir aux plaies où il se rencontre une perte de substance, ni à celles où il y a contusion, ou qui sont accompagnées de symptômes fâcheux.

Dans le traitement des plaies graves, l’artiste doit s’occuper, en premier lieu, de la nature de la plaie, prévenir ou calmer les accidens. 2°. Enlever tous corps étrangers, procurer & entretenir la suppuration. 3°. Favoriser la consolidation & la cicatrice. Il est cependant des cas où il est à propos de renvoyer l’extraction du corps étranger, ou d’en remettre le soin à la nature : pour lors l’artiste ne s’occupera que de panser la plaie, & de remédier aux accidens qui l’accompagnent.

Lorsqu’il est assuré que la plaie est propre, il doit rapprocher ses bords, s’ils sont écartés, & les contenir ; il parviendra à ces fins, au moyen de la situation de la partie & des bandages qui peuvent y convenir. (voyez Bandages, à l’article pansement des animaux.) Il observera de serrer suffisamment pour arrêter l’hémorragie, mais non pas au point d’intercepter la circulation. Les sutures lui offrent encore un moyen très-avantageux pour accélérer la guérison, qu’il seroit trop long de détailler.

Tous ces moyens de curation ne guérissent pas seuls les plaies ; cet ouvrage n’est pas au pouvoir de l’artiste ; il appartient en bonne partie à la nature ; c’est elle qui détermine, qui fait la consolidation des plaies & qui les cicatrise. L’artiste vétérinaire la met seulement à même d’opérer cette union, en écartant tout ce qui peut s’opposer à son travail : il l’excite, la ranime, lorsqu’elle paroît languir ; le moyen dont elle se sert est la partie muqueuse des humeurs de l’animal, qui aborde dans la plaie, qui l’abreuve & la réunît ; la présence de cette humeur, ses qualités doivent régler la conduite de l’artiste.

La réunion des plaies étant l’effet de la présence du suc nourricier, il s’agit de seconder la nature dans cette excrétion : or, l’expérience nous apprend que si la suppuration languit, nous devons employer les stimulans propres à réveiller l’abord du mucus ; pour lors les suppuratifs sont très-propres à remplir cette indication ; si au contraire la suppuration est trop abondante, pour lors on doit tâcher de faire une révulsion avantageuse, en employant les remèdes généraux, tels que les suppuratifs internes, les diurétiques, & se contenter de panser la plaie à sec, avec de la charpie seulement, ou avec des étoupes sèches, ou enfin avec de la vieille corde réduite en charpie ; si le pus pèche par sa qualité, on tâche d’y remédier, soit par l’usage des remèdes internes, soit par différens topiques ; en un mot, on tâche d’éloigner tous les obstacles qui pourroient s’opposer à la marche heureuse de la nature.

Lorsque la nature conduit les plaies à une cicatrice heureuse, on peut l’aider dans ce travail ; si l’on observe, par exemple, que la cicatrice soit trop molle, l’application des astringens, des absorbans, ou de la charpie sèche est très-avantageuse ; ces moyens suffisent pour dissiper l’humidité surabondante.

Outre les secours déjà proposés, il en est encore d’autres qui sont propres à remédier aux symptômes qui surviennent pendant la durée des plaies ; ces symptômes sont l’hémorragie, l’inflammation, la mal-propreté de la plaie, &c. Par l’usage des styptiques, de la simple charpie, on remédie au premier ; une diète convenable, la saignée faite à propos, combattent l’inflammation : les décoctions vulnéraires détersives, employées sous forme de douche ou de lotion, rendent aux plaies leur propreté ; les cautérisans, le feu, détruisent les chairs fongueuses. (Voyez Cautère actuel, Feu)

Quant à l’ordre qu’il faut observer dans le pansement des plaies, consultez l’article pansement des animaux, tome 7, page 403 M. T.

Plaies Des Arbres. L’organisation des arbres a une singulière conformité avec celle de l’homme, quant à l’accroissement, aux maladies & à la mort. Le même corps dur ou tranchant, poussé avec force contre une de ses parties, la meurtrit, ou opère une solution de continuité qu’on nomme plaie. Le gluten de la séve parvient à la faire cicatriser, de la même manière que celui du sang concourt à la cicatrice, dans les plaies de l’homme.

La partie ligneuse, une fois entamée ou pourrie, ne se régénère plus : elle a encore cela de commun avec la chair de l’homme ; sur celui-ci, la peau se régénère sans cesse et recouvre la plaie ; sur celui-là, l’écorce, la seule écorce, a cette propriété.

Si la chair, ou la partie ligneuse, se régénéroit, les chairs nouvellement produites prendroient la place de celles qui ont été détruites ; dès lors, il n’y auroit, après la guérison, aucun enfoncement, aucune cicatrice ; cependant cette cicatrice reste toujours apparente après la guérison, et pendant la vie entière ; il n’y a donc point en de régénération des chairs. C’est la peau, c’est l’écorce qui occupent, par leur extension naturelle, la place de la chair ou du corps ligneux détruits. S’il y a enfoncement, la peau et l’écorce forment un bourrelet et le remplissent. Si dans les chairs voisines de la plaie, il s’est formé des concrétions, des élévations, etc. ; si dans le corps ligneux, il reste des protubérances, la peau et l’écorce, en se roulant dessus, le recouvrent : mais dans et dans l’autre cas, la défiguration intérieure se retrace sur la superficie.

Pour peu qu’on ait l’habitude d’observer, on se convaincra de ces vérités ; il suffit, pour cela, de rendre un tronc d’arbre, jadis chargé de plaies, et actuellement recouvertes par l’écorce, et on verra, en enlevant cette dernière, que la partie ligneuse ne s’est pas reproduite, et que tout ce qui en avait été endommagé est resté détruit ou pourri, sans que la carie intérieure ait fait des progrès : cette carie n’a pu aller en avant qu’autant qu’elle a eu communication avec l’air extérieur ; mais, dès que l’écorce a scellé hermétiquement la plaie, à mesure que l’aubier a reçu des couches nouvelles, à mesure par conséquent que l’arbre a grossi, la carie n’a plus fait de progrès, elle a été circonscrite dans sa place, et elle est devenue pour l’arbre un corps indolent, un corps étranger, etc. ; c’est d’après un semblable mécanisme, que l’on trouve quelquefois, dans l’intérieur du tronc des arbres, ou des pierres, ou quelques parties ligneuses mortes et desséchées ; au contraire, les chancres, et les autres plaies des arbres, vont toujours en croissant, par exemple, les gouttières formées dans le mûrier, dans le noyer, etc. (consultez ces mots) attaquent, vicient, et corrodent l’intérieur de l’arbre, parce que l’endroit où le chancre a pris naissance, est exposé à l’action directe de l’air ; il ronge non seulement l’intérieur du bois, mais encore l’écorce ; de manière que son sommet ressemble à la partie évasée d’un entonnoir. Si une fois la cavité est formée, si ce que l’on appelle un trou, a un certain diamètre, l’écorce ne le recouvre plus, et par ce trou supérieur on voit suinter ou découler une humeur plus ou moins brune.

Il y a deux choses à remarquer ; 1°. je dis que l’écorce ne recouvre plus l’ouverture ; cette proposition est peut-être trop générale, mais, malgré mes recherches les plus exactes, je n’ai jamais rencontré la cicatrice complettement formée par l’écorce ; j’ai vu l’écorce former un bourrelet qui s’annonçoit un peu dans la cavité, & représenter l’orifice de l’entonnoir, laissant un vide plus ou moins grand dans son milieu, & proportionné au diamètre de la plaie ; 1°. si l’humeur sanieuse qui creuse toujours en-dessous, se fait une ouverture dans une des parties extérieures du tronc, il arrive par fois que cette ouverture donne issue à la matière âcre, corrodant & sanieuse ; que lorsque l’arbre ne fournit plus cette substance destructive, toute la partie ligneuse se dessèche & reste desséchée Par le courant d’air qui la traverse. Ce cas est fort rare, mais il existe, & je m’en suis très-fort convaincu sur des oliviers. Ce n’est pas la marche ordinaire de ces sortes de caries, elles gagnent insensiblement du premier point de la plaie jusqu’au collet des racines, & même dans leur intérieur.

Il est rare que les arbres dont on abat les branches tous les trois ou quatre ans, tels que les saules, les peupliers, &c., ne soient pas attaqués de ces caries. On lit à l’article mûrier, le mécanisme qui les forme, les augmente & conduit l’arbre au dépérissement. Cependant le principe de ces ravages a été dans le commencement une plaie simple, un chicot qu’on a laissé, une taille faite à contre-temps, ou une plaie trop vaste qu’on a laissé exposée au contact immédiat de l’air. Si la médecine & la chirurgie ont multiplié à un nombre aussi inutile que souvent dangereux, les onguents, les emplâtres, &c., le jardinier ne doit pas imiter un semblable exemple, l’onguent de saint-Fiacre (consultez ce mot) doit seul, composer toute sa pharmacie ; une planche, une feuille de fer blanc, mis sur une large plaie, produiront le même effet, ainsi que toute espèce de terre, qui aura assez de liant pour former une masse qui préservera la plaie du contact de l’air, & qui s’opposera à la déperdition de la séve. Voilà le seul & unique pansement que le traitement de la plaie exige.

On ne peut pas douter de la formation de la carie à la suite d’une plaie simple, malheureusement le fait est trop connu, & il atteste à chaque instant l’ignorance ou la négligence de celui qui a taillé l’arbre ou amputé une grosse branche. L’extravasation de la sève par la plaie est moins sensible, il est vrai, mais elle n’en est pas moins réelle. Si on taille un pêcher pendant que la sève travaille, si on coupe une de ses grosses branches, ou si le vent le casse, on voit aussitôt la gomme se former. Qu’est-ce que cette gomme, sinon la partie mucilagineuse de la séve rendue concrète par l’évaporation du fluide qui la constituoit séve… Le sarment de la vigne cesse de pleurer dès que la séve est occupée à développer les yeux laissés par la taille, mais si dans ce moment on fait une nouvelle taille à l’extrémité du sarment, on voit alors les pleurs couler de nouveau. Dans la majeure partie des arbres, la séve n’a pas autant de consistance que dans les arbres à noyaux ; aussi l’humidité est dissipée par le courant d’air, à mesure qu’il afflue sur les bords de la plaie, & l’on a vu dans les articles mélèse, pin, &c. que les plaies faites à ces arbres donnent au lieu de gomme une résine. Sous quelques points de vue que l’on considère les arbres, il est impossible de nier l’extravasation de la séve, sa déperdition, & lorsqu’on leur fait de grandes soustractions de branches quand ils sont en séve, c’est une vraie maladie, un épuisement de force qu’on leur communique. On dira que ce ne sont que de petites plaies, mais leur multiplicité produit-elle moins d’effet que la grille d’un arrosoir criblée de trous ? ces trous, tant petits soient-ils, ne donnent-ils pas issue à toute l’eau renfermée dans le vase.

D’après ces assertions, je ne crains pas d’avancer, 1°. qu’on ne doit jamais tailler les arbres que lorsque la séve est engourdie par le froid de l’hiver, ou ralentie & concentrée lorsqu’elle se dispose à former ce qu’on appelle la séve du mois d’août ; 2°. qu’en quelque temps que ce soit, on ne doit jamais faire une plaie un peu considérable à un arbre sans aussitôt la recouvrir avec l’onguent de saint-Fiacre, afin qu’il intercepte le contact immédiat de l’air, prévienne le hâle sur la plaie, &c.