Cours d’agriculture (Rozier)/SERRE

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Hôtel Serpente (Tome neuvièmep. 184-221).


SERRE. Lieu couvert, bien abrité, exposé au midi, & destiné à renfermer certaines plantes pendant l’hiver. Cette définition convient également à une orangerie & à une serre ; mais la serre-chaude dont il s’agit dans cet article, diffère de l’orangerie par le nombre de ses vitreaux, leur placement, & sur-tout par les conduits de chaleur que l’on y pratique. Jusqu’à ce jour on n’avoit pas encore suivi des règles déterminées pour leur construction ; mais M. l’abbé Nolin, dans le quatrième volume du nouveau la Quintinie, établit des bases solides, d’après lesquelles les amateurs des serres chaudes doivent se régler. C’est d’après cet ouvrage que je vais écrire, parce que je n’ai jamais été dans le cas de suivre en grand, & avec l’attention nécessaire, l’étude de la construction & de la conduite des serres chaudes.

Si l’orangerie, dit M. l’abbé Nolin, nous procure la jouissance des plantes des climats tempérés, compris entre le 36e & le 43e degré de latitude, la serre-chaude nous procure celle des plantes des pays les plus chauds, qui y trouvent non-seulement un abri contre le froid, l’humidité & l’intempérie du nôtre, mais la chaleur de la patrie dans l’air qui les environne & dans la terre où elles sont plantées ; de sorte que plusieurs y prennent le même accroissement & y font les mêmes productions que dans leur sol natal, & paroissent à peine sentir leur exil. Mais la bonté d’une serre chaude dépend de plusieurs conditions dont nous allons donner quelques notions.

I. Situation. Il faut choisir pour l’emplacement d’une serre, un endroit défendu du vent du nord, même de celui de l’est, par quelque hauteur, par un bois, par des bâtimens peu distans ou contigus à la serre. Elle perdroit beaucoup de l’avantage de ces abris, si d’autres montagnes, bois & bâtimens, même assez éloignés du côté du sud & de l’ouest, non-seulement réfléchissoient sur elles les vents froids, mais lui envoyoient une humidité aussi nuisible aux plantes que le froid. Sa situation seroit la pire de toutes, si, ayant ces abris du côté du midi & du couchant, elle n’en avoit aucun du côté du nord. & du levant. On sait assez combien la différence des situations avance ou retarde la végétation des plantes, contribue à leur vigueur & a la qualité de leurs productions.

Ainsi, je préviens le lecteur que lorsque l’on indique que les plantes délicates veulent être tenues constamment dans la serre, & que d’autres peuvent être exposées en plein air pendant l’été, ce conseil ne doit pas être regardé comme une règle invariable, mais comme susceptible de modifications suivant les climats, & suivant que les situations sont plus ou moins avantageuses. Tous les cultivateurs ont coutume de tenir toujours les cassis dans la serre, effrayés sans doute de l’avis du célèbre Miller, qui menace cet arbrisseau, s’il ose en sortir pendant l’été, d’une mort certaine au plus tard l’hiver suivant. Cependant M. le comte de Noyan, dont les jardins, près de Dol en Bretagne, sont fort bien situés, mais environnés de futaie qui y répand un peu d’humilité, fit sortir de sa serre, au mois de juin 1786, deux jeunes cassis. Ils poussèrent très-bien, fleurirent, retinrent du fruit qui est venu à bien, rentrèrent en très-bon état dans la serre au commencement d’octobre, & ils y ont passé l’hiver en assez bonne santé pour être de nouveau exposés en plein air dès la fin d’avril 1787 : il y avoit de la témérité ; car toute cette année a été froide & pluvieuse les gelées ont persévéré jusqu’à la fin du printemps ; la nuit du 6 au 7 juin, il en a fait une si forte, qu’elle a ruiné en plusieurs endroits les haricots, les oignons & d’autres légumes, beaucoup de figues & de fruits qui avoient résisté jusqu’alors ; presque toutes les nuits de l’été ont été froides & très-peu de jours, ont été chauds ; aussi ont-ils un peu souffert de ces gelées tardives ; mais en peu de temps ils se sont rétablis ; ils ont très-bien végété, fleuri, & noué du fruit, qui au commencement d’octobre, lorsqu’ils ont été remis dans la serre, étoient presque aussi gros, aussi avancés que celui de leurs frères qui ont passé l’été bien clos & bien couverts. J’ai fréquemment sous les yeux d’autres cassis qui ont été exposés en plein air depuis le mois de juin jusqu’au 10 octobre dans une des meilleures situations que je connoisse. Ils ont fait de longues & vigoureuses pousses, malgré les intempéries de cette année. Près de ces cassis, des ananas ont passé dix mois depuis décembre jusqu’en octobre, dans une couche dont le tan n’a été ni remanié, ni même remué une seule fois. Les panneaux vitres ont été ouverts tous les jours souvent jusqu’au coucher du soleil. Ces ananas ont tellement profité, que j’estime qu’ils ont pris au moins six mois d’avance sur d’autres plantés en même-temps qui ont été tenus dans la tannée d’une serre. De ces exemples, auxquels je pourrois en ajouter beaucoup d’autres, j’infère que la situation est un des points des plus importans pour une serre chaude, & que plusieurs plantes étrangères qui sont entretenues dans un état de langueur & de foiblesse par trop de soins & de ménagemens, pourroient acquérir de la force & du tempérament, si elles étoient traitées moins délicatement. Toutefois, je n’invite pas les cultivateurs à faire des essais sur des plantes rares & précieuses, dont la perte seroit difficile a réparer[1].

L’aire ou le pavé d’une serre doit être élevé de trois pieds au moins au-dessus du terroir, s’il est humide. Cette élévation n’est pas nécessaire si le sol est sec ; mais elle seroit avantageuse pour la construction des fourneaux & des tuyaux de chaleur, comme on le verra dans la suite : d’ailleurs le froid & l’humidité étant plus grands à la superficie de la terre, la serre en reçoit d’autant moins qu’elle est plus élevée au-dessus.

II. Exposition. L’exposition directe au midi est généralement réputée des meilleures ; cependant plusieurs cultivateurs lui préfèrent une exposition déclinant au couchant, quoiqu’un peu humide, & rejettent l’exposition au levant, ou même déclinant du midi au levant, parce que le vent de l’est étant le plus fréquent pendant l’hiver, il donne plus de froid a la serre, que les rayons du soleil ne peuvent lui procurer de chaleur jusqu’à neuf heures du matin en hiver, & jusqu’à six au printemps ; au lieu que les derniers rayons du soleil couchant répandent encore quelque chaleur dans l’air qu’il a échauffe pendant le jour[2]. Ainsi ils ferment leurs serres d’un bon mur au nord & à l’est. Quelques autres construisent avantageusement leurs serres en deux aîles d’équerre dont chacune a un côté vitré au midi, & un au couchant ; les côtés du nord & de l’est sont défendus par un mur.

III. Plan horisontal. Le plan horizontal d’une serre chaude est ordinairement un parallélograme rectangle fort alongé. Un trapèze dont les côtes du sud & du nord seroient parallèles, & dont les deux autres côtés vers l’est & vers l’ouest seroient à peu-près dans la direction de huit heures du matin, & de quatre heures du soir, ou seroient un angle ouvert de cinquante-un degrés avec le mur du nord, & par conséquent un aigu de trente-six degrés avec la face vitrée au sud, peut être préféré au parallélogramme ; parce que trois de ses côtés sont défendus du froid par un mur, sans que sa face vitrée perde aucun rayon du soleil depuis son lever jusqu’à son coucher au solstice d’hiver. D’ailleurs ses trois côtés postérieurs, par l’ouverture de leurs angles, approchent d’une portion de cercle ou d’une concavité qui seroit très-avantageuse pour le fond d’une serre ; mais si la face vitrée formoit une portion de cercle ou d’un polygone, les rayons du soleil ne tombant directement que sur un degré ou sur une face, & frappant les autres très obliquement, laisseroit trop de prise au froid, & dans le cas où l’on voudroit donner à une grande serre la forme d’un bâtiment décoré, on ne pourroit y admettre ni tours ni parties convexes. Les pavillons & les corps avancés seroient formés par des lignes droite. Les formes de serres les plus avantageuses seront décrites plus bas.

IV. Hauteur & largeur. Une serre doit jouir de tous les rayons de soleil & de lumière qu’il est possible de lui procurer dans le climat où elle est construite, sans toutefois gêner les plantes qui y sont cultivées, ni le travail du cultivateur. J’ajoute cette condition, car si une serre, dont la coupe peut être représentée par la figure triangulaire 3, Planche VI, avoit son mur du nord incliné de vingt-cinq degrés & demi, quelles plantes, appliquées contre ce mur, pourroient profiter dans une situation aussi inclinée ? comment le jardinier feroit-il le service de la serre de ce côté-là ?

Il faut donc que la grandeur, la proportion & la disposition de ces parties, s’accordent avec le bien des plantes & la facilité de les soigner. D’abord la profondeur d’une serre ne doit pas être moindre que huit pieds & demi ou neuf pieds, dont cinq & demi ou six seront occupés par une couche de tan ; & les trois autres pieds donneront le passage autour de la tannée, & la place nécessaire pour construire les tuyaux de chaleur qui doivent l’échauffer. On pourroit donner moins de largeur à une serre, en ne faisant la tannée que de trois ou quatre pieds. Mais plus une tannée est étroite, & moins elle conserve longtemps la chaleur, & par conséquent l’entretien de la chaleur est plus dispendieux. D’ailleurs elle contiendra moins de plantes, à moins qu’elle n’ait une grande longueur ; alors il faut plus de châssis & de vitres sans remédier à l’autre inconvénient. En second lieu, le mur du nord ne doit pas avoir moins de cinq pieds, ou cinq pieds & demi de hauteur, afin qu’un homme puisse facilement passer entre ce mur & la tannée. Enfin la hauteur du vitrage du côté du midi, doit être telle que les rayons du soleil éclairent tous ou presque tous les jours de l’année toutes les faces intérieures de la serre.

Sa largeur & la hauteur de son vitrage se déterminent par la hauteur méridienne du soleil au solstice d’été. Car si au jour du solstice il éclaire toute la face intérieure de la serre à l’heure du midi, nécessairement il l’éclairera tous les jours de l’année. Plus le degré du solstice est élevé au-dessus de l’horizon, moins le rayon du soleil est oblique, & par conséquent moins la largeur d’une serre est grande. Si donc dans un climat où l’angle du solstice avec l’horizon est de soixante-dix degrés, on donne au vitrage d’une serre, fig. I, dix-huit pieds de hauteur, le rayon solsticial ne s’étendra qu’à environ six pieds trois pouces sur l’aire horisontale. Ainsi la largeur de la serre ne seroit pas suffisante ; mais dans ce climat, on tire les plantes de la serre longtemps avant le solstice, pour les exposer au plein air qu’elles peuvent supporter pendant environ cinq mois. Or, comme il n’importe combien la serre vide reçoit de soleil, on peut prendre, au-delà du rayon solsticial, l’espace nécessaire pour qu’elle ait la largeur convenable ; & on lui donnera à-peu-près les mêmes dimensions qu’à une serre pour un climat où la hauteur du solstice seroit de cinq ou six degrés moindre. Moins au contraire le solstice est élevé, & plus le rayon du soleil est oblique, & donne plus de largeur à une serre. Ainsi dans un climat plus septentrional que celui de Paris où la hauteur du solstice seroit de 58 degrés, si le vitrage vertical d’une serre, fig. 2, Pl. VI, est de 18 pieds, le rayon du solstice tombera sur l’aire horisontale à 11 pieds, Mais si l’on donne en dehors deux pieds seulement de talus au vitrage, pour incliner un peu & lui faire recevoir moins obliquement les rayons du soleil, l’espace compris entre le pied de ce vitrage & le rayon du solstice, sera de 13 pieds ; sur lesquels prenant 9 pieds pour la largeur, la serre avançant de quatre pieds en-deçà de la ligne solsticiale le mur du nord, le soleil frappera tout le fond de la serre presque tous les jours de l’année ; ce qui est nécessaire dans un tel climat, où à peine ose-t-on risquer en plein air, un petit nombre de plantes.

Dans le climat de Paris, comme dans tous les autres, la hauteur & la largeur d’une serre dépendent de la hauteur du solstice. Mais avant d’exposer une méthode pour déterminer les projections relatives de toutes ses parties, je ferai quelques observations.

1°. Si la serre n’est destinée que pour des plantes des climats compris entre le 23e & le 36e degré, comme la plupart passent l’été en pleine terre dans le climat de Paris, il n’est pas nécessaire que le rayon du solstice s’étende jusqu’au fond de la serre, puisque les plantes en seront sorties avant le solstice. Ainsi la hauteur & la longueur de cette serre pourront être réglées par la hauteur méridienne du soleil, (environ 62e degrés) au temps où l’on transporte les plantes en plein air, du 20 au 25 mai, & où on les rapporte dans la serre du 15 au 20 septembre.

2°. Si la serre ne renferme que des plantes de la zone torride, quelques-unes, les moins délicates, pouvant supporter le plein air pendant une partie de l’été, & laissant de la place pour rapprocher vers le devant celles qui doivent être constamment tenues dans la serre, il n’est pas nécessaire que le soleil, au solstice de l’été, éclaire le fond. Ainsi on pourra reculer le mur du nord environ un pied au-delà du rayon solsticial, & attacher contre ce mur des planches sur lesquelles on placera des pots dans les saisons où il jouira du soleil.

30. Si dans cette serre on ne place point de plantes contre le mur du nord, il suffit que le rayon solsticial s’étende jusqu’au bord septentrional de la tannée ; car le passage entre ce mur & le tannée n’a pas besoin de soleil. En supposant la tannée large de six pieds, & le passage entre elle & le vitrage, d’un pied & demi ou deux pieds, il suffit que le rayon du solstice s’étende à 7 pieds & demi ou 8 pieds sur l’aire de la serre ; & le mur du nord pourra être reculé de 18 pouces ou deux pieds au-delà de ce rayon.

4°. Mais si l’on veut placer à demeure, & comme en pleine terre, quelques plantes dans une plate-bande, large de deux à trois pieds, pratiquée au pied des murs de la serre, fig. 3, il faudroit, pour en placer contre le mur du nord, que la serre eût onze ou douze pieds de largeur, & que le rayon solsticial frappât au moins l’angle formé par l’aire de la serre & sur son mur du nord ; ce qui donneroit au vitrage une excessive hauteur de 23 à 25 pieds. Dans ce cas, on ne forme point de plate bande au pied du mur du nord, mais seulement au pied des murs du levant & du couchant ; & la serre pourra n’avoir que la largeur indiquée dans le deuxième & dans le troisième cas… Mais comme ces murs n’ayant pour longueur que la profondeur de la serre, on ne pourroit pas y placer un grand nombre de plantes, pour leur donner plus d’étendue, on peut les construire dans la direction & sur le plan de 8 à 8 heures & demie du matin, & de 3 & demi à 4 heures du soir ; ou faisant avec la méridienne un angle de 48 à 45 degrés, ou avec la ligne de six heures, un angle de 35 à 42 degrés ; & le plan horizontal de la serre sera trapézoïde, comme on le voit dans la fig. 4. Tout l’espace compris entre le vitrage A & la ligne ponctuée B, sera éclairé le jour du solstice d’été.

La mesure d’un des côtés d’une serre étant donnée, & la hauteur du solstice d’été étant connue, il est facile de trouver les dimensions & les proportions des autres côtés. Soit la hauteur du solstice à Paris, de 64 degrés & demi, & soient donnés neuf pieds pour la largeur de la serre, 1°. d’un point comme C, fig. 5, pris à volonté sur l’horizontale C, B, je décris un arc de 60 degrés & demi, & je tire le rayon solsticial C, E… 2°. Je prends sur l’horizontale, vers B, les neuf pieds donnés pour la largeur ; & de leur extrémité B, s’élève la verticale B, E. Le point où elle coupera le rayon, donnera la hauteur d’un vitrage de 19 pieds 2 pouces… 3°. Du point C, s’élève une autre verticale C, F, qui fera le mur du nord. Pour trouver sa hauteur, je décris du point E un arc de 45 degrés, qui font la mesure de l’inclinaison du toit ; en tirant la ligne E, F, le point où elle rencontrera la ligne C, F, montrera la hauteur du mur du nord, de dix pieds deux pouces, & la longueur du toit incliné de douze pieds huit pouces… Mais il suffit de savoir que dans une serre bien proportionnée, la hauteur du vitrage est égale à la largeur de la serre & à la hauteur de son mur, prises ensemble ; car prenant sur le vitrage les neuf pieds de la largeur, les dix pieds deux pouces restans sont la hauteur du mur ; & une ligne tirée de l’extrémité de ce mur à celle du vitrage, donne la longueur du toit & son inclinaison. Si suivant les cas & les observations ci-dessus, on recule le mur au-delà du rayon solsticial, sa hauteur sera moindre & la largeur de la serre plus grande… Si on l’avance en-deçà du rayon, sa hauteur sera plus grande & la largeur moindre ; mais toujours dans les mêmes proportions. Soit comme la hauteur du solstice de 67 degrés, & soit donnée la hauteur du mur de 9 pieds & 4 pouces… 1°. J’élève la verticale B, E, fig. 7, de 9 pieds & 4 pouces, & je porte cette même longueur sur l’horisontale, pour avoir le triangle rectangle B, A, E, dont je prolonge infiniment l’hypoténuse, qui sera nécessairement incliné de 45 degrés 1°. Du point B, je tire le rayon solsticial faisant avec l’horisontale un angle de 67 degrés, & je le prolonge jusqu’à ce qu’il coupe la ligne A, E, D… Du point d’intersection, j’abaisse sur l’horisontale la verticale C, D : elle sera la hauteur du vitrage de 17 pieds 4 pouces. L’espace de huit pieds compris entre elle & la ligne B, E, sera la longueur de la serre.

J’aurois pu donner des règles plus courtes, plus générales & plus précises par le calcul, pour trouver ces dimensions ; mais les calculs étant une langue étrangère à la plupart de ceux pour qui j’écris, j’ai préféré une méthode intelligible aux jardiniers & aux ouvriers.

V. Direction du vitrage. Les plus habiles cultivateurs ne sont pas d’accord sur la direction du vitrage du devant d’une serre ; les uns veulent qu’il soit vertical, d’autres le préfèrent incliné, & d’autres font la partie inférieure verticale, & inclinent la partie supérieure.

Suivant les premiers, un vitrage vertical est le moins sujet à être endommagé par la grêle ; retient le moins les neiges & les pluies ; présente le moins de surface au froid ; ne laisse point tomber les vapeurs humides qui s’y attachent, sur les plantes, & les expose le moins aux coups meurtriers du soleil, &c… Quoi qu’il en soit de ces avantages, dont quelques uns pourroient être contredits, les serres dont le vitrage est vertical, ne sont pas sans défauts.

1°. Leur toit incliné, quelque bien fait, quelque bien plafonné en dessous qu’il puisse être, à moins qu’il ne soit couvert en paille, n’est pas toujours un rempart assuré contre les fortes gelées 2°. Si elles ont une grande profondeur, elles ont nécessairement une grande hauteur, & retiennent une grande masse d’air, & par conséquent elles sont difficiles & dispendieuses a échauffer. Les plantes placées dans le fond, s’alongeant & s’inclinant sur le devant, pour chercher la lumière directe dont elles sont éloignées, s’étiolent & s’affoiblissent 3°. Si elles sont étroites, elles ne peuvent pas longtemps conserver la chaleur, parce, que le froid pénètre & condense bientôt le mince volume d’air qu’elles renferment. D’ailleurs, on ne peut y placer qu’un petit nombre de plantes ; & si on leur donne plus de longueur pour augmenter leur capacité, on ajoute à la dépense de vitres & de châssis sans diminuer le défaut de la serre ; de sorte que le vitrage avantageux dans les climats plus méridionaux que celui de Paris, n’est dans celui-ci que pour les grandes serres auxquelles, pour réunir l’agréable & l’utile, on veut donner la forme extérieure d’un bâtiment régulier & décoré.

Les autres, fondés sur le principe constant entre tous les cultivateurs, que le vitrage d’une serre doit recevoir directement les rayons du soleil pendant la plus grande partie de l’année, donnent l’inclinaison au vitrage. Mais quelle inclinaison est la plus avantageuse ? c’est sans doute celle qui procureroit le plus de rayons directs à la serre, c’est-à-dire, qui lui en procureroit deux fois par jour, (elle n’en peut pas recevoir davantage) l’une avant midi, l’autre après, aux heures où le soleil peut donner la chaleur la plus convenable suivant la saison. Or cette inclinaison est, dans le climat de Paris, celle qui coupe à angles droits, fig. 8, la ligne du solstice d’hiver, (71 degrés & demi pour Paris où le solstice d’hiver est élevé de dix-sept degrés & demi) car depuis le 20 novembre jusqu’au 10 janvier, les rayons du soleil tomberoient directement sur le vitrage, presque tous les jours à midi, cet astre pendant ce temps étant, à cause de l’obliquité de notre sphère, presque fixe au même degré du zodiaque ; le 10 décembre & le 20 janvier, ils seroient directs à onze heures & une heure ; vers le 20 novembre & le 10 février, à 10 heures & à 2 heures ; le 1er octobre & le 1er mars, à 9 heures & à 3 heures ; le 5 septembre & le 25 mars, à 8 heures & à 4 heures ; vers le 5 août & le 25 avril, à 7 heures & à 5 heures ; enfin vers le solstice d’été, à 6 heures du matin & du soir, ou zéro, parce que le vitrage supposé bien orienté au midi, est dans le plan de 6 heures. Il y a des tables calculées des hauteurs du soleil pour tous les jours de l’année, & pour toutes les heures correspondantes de chaque jour. Ce petit nombre d’époques suffit pour montrer qu’un vitrage qui a cette inclinaison, reçoit en hiver les rayons directs du soleil aux heures les plus voisines de midi, les seules où il ait quelque chaleur ; & qu’au contraire, plus le soleil s’approche du solstice d’été, temps où il n’échauffe que trop les serres, ses rayons n’y tombent directement qu’à des heures plus éloignées de midi ; & que l’heure de midi est celle où ils sont plus obliques. J’ajoute que ce vitrage incliné, permet de donner plus de largeur à une serre, puisqu’un vitrage direct, haut de 22 pieds, fig. 8, ne donne que dix pieds de largeur, pendant qu’un vitrage incliné haut de 12 pieds, donneroit la même largeur. Malgré ces avantages, on a laissé aux hollandois & aux climats plus septentrionaux que celui de Paris, les vitrages entièrement inclinés. Il n’est pas nécessaire d’observer qu’ils y doivent être plus inclinés : la raison en est évidente. J’en ai vu quelques-uns, chez des jardiniers intelligens à de petites serres de 15 à 20 pieds de longueur, dont les plantes paroissoient se trouver fort bien, & dont ils étoient d’autant plus contens, qu’ils employoient peu de matières pour les échauffer.

Le vitrage vertical, dans sa partie supérieure & inclinée, est généralement adopté & regardé comme le plus convenable au climat de Paris ; & l’inclinaison qui paroit la plus avantageuse est de 45 degrés, excepté pour les serres d’ananas qui en demandent beaucoup plus, parce qu’elle procure au vitrage incliné les rayons du soleil directs avant l’équinoxe du printemps, & peu obliques au solstice d’été, c’est-à-dire pendant tout le temps où sa chaleur peut être assez grande pour que celle, du feu ne soit pas nécessaire. Les partisans des deux précédentes directions du vitrage, objectent, 1o. que les rayons du soleil tombent trop obliquement peut sur l’une & l’autre partie du vitrage, & trop directement pendant l’été fin la partie inclinée. Mais d’abord, la chaleur du soleil n’étant pas assez forte en hiver pour dispenser d’allumer du feu pendant le jour, dans les temps de gelée & de grand froid, quelque dégagé de vapeurs que l’air puisse être, il importe peu que les rayons du soleil tombent plus ou moins obliquement sur le vitrage ; en second lieu, pendant l’été une partie des plantes est exposé en plein air, & l’autre n’est retenue dans la serre, que parce qu’elle a besoin d’une grande chaleur ; or, plus la chaleur grande, plus on pourra donner d’air, qui sera très avantageux à ces plantes renfermées. 2o. Que le vitrage incliné expose trop les plantes aux coups de soleil depuis l’équinoxe jusqu’au solstice ; qu’il est trop sujet à être ruiné par la grêle, fatigué par le poids de la neige, pénétré par les grandes pluies ; & que les vapeurs humides qui en tombent comme en pluie sur les plantes, leur sont très-nuisibles. Ces reproches seroient fondés si on n’avoit pas trouvé des remèdes à ces inconvéniens, & s’il n’étoit pas possible d’en trouver encore de meilleurs.

Les dimensions de ces serres sont indépendantes des solstices, de l’équinoxe & des différentes hauteurs du soleil dans les diverses saisons, parce que tous les jours de l’année, il peut étendre ses rayons sur toutes les faces intérieures, & que rien n’y porte de l’ombre. Elles se règlent sur le nombre & sur la grandeur des plantes ; observant cependant que plus elles ont de capacité, plus elles sont dispendieuses à échauffer pendant l’hiver. On trouve leurs proportions par la même méthode que celle des serres à vitrage vertical, & même plus facilement. Le mur du nord & le sol incliné de celles-là, & par conséquent le vitrage vertical des derrières, sera le mur du nord des autres … Ainsi, soit à construire une serre de 12 pieds de largeur, dans laquelle on veut placer, contre son mur du nord, des plantes grimpantes, des cafés, bananiers, cierges, &c. &c. & dont le mur doit avoir 18 pieds de hauteur ; 1o. j’élève la ligne AB fig. 9, égale à 18 pieds : 2o je prends la même longueur sur l’horizontale pour avoir le triangle rectangle ABC ; 3o je prends de A vers C la largeur (12 pieds) de la serre. Étant soustraite de 18, il restera six pieds pour la hauteur du vitrage vertical DE ; & la ligne EB sera la longueur (17 pieds) & l’inclinaison (45 degrés) de la partie supérieure du vitrage.

Autre exemple. Pour trouver la hauteur du mur du nord & la Longueur du vitrage incliné d’une serre dont la largeur seroit de 14 pieds pour y pratiquer deux tannées parallèle ; & la hauteur du vitrage vertical de cinq pieds & demi… 1o. Sur l’horizontale, fig. 10. j’élève la verticale BD, haute de cinq pieds & demi… 2o. Je porte la même longueur vers C, pour avoir le triangle rectangle BCD, dont je prolonge indéfiniment l’hypoténuse. 3o De l’autre côté B, je prends la profondeur (14 pieds) de la serre, & j’élève la verticale AE jusqu’à la rencontre de la ligne EC. Ce point donnera la hauteur (19 pieds & demi) du mur ; & la longueur (20 pieds) du vitrage incliné.

Mais le vitrage incliné de cette serre, & même celui d’une serre moins large, auroit une telle portée, que pour l’empêcher de plier & de s’affaisser dans son milieu, il seroit besoin d’une panne appuyée, dans les serres d’une certaine longueur, sur des poteaux de fer. On peut sans préjudice des plantes diminuer environ un tiers de la longueur du vitrage, & le remplacer par un petit toit incliné au nord, comme le représenté la même figure 10. Alors le vitrage est réduit à 13 pieds ; le retranchement de la partie triangulaire FEG diminue d’autant la capacité de la serre, & la rend moins difficile à échauffer ; & le jour du solstice d’été à midi, elle n’est privée du soleil que dans le petit espace du triangle GFH. Aux serres qui ne renferment point de plantes de la zone torride, ou qui ne renferment que les moins délicates, on pourroit donner plus de largeur à ce toit, pour rendre l’étendue du vitrage & la hauteur de la serre encore moindre. Dans quelques serres ce toit est prolongé dans la direction du solstice d’été, au-delà du vitrage, comme dans la figure 11, pour l’abriter & empêcher le vent du nord de se rabattre dessus, & pour que le dessous de ce toit, bien plafonné & blanchi, réfléchisse de la lumière & même de la chaleur dans la serre. De plus, la partie inférieure du vitrage est un peu inclinée, afin de diminuer l’obliquité des rayons du soleil, la longueur de l’autre partie du vitrage & la capacité de la serre. Ces petites différences dans la construction d’une serre, ne changeant point ses proportions essentielles, sont assez, arbitraires. Elles ne nuisent pas à sa bonté, & quelquefois même elles peuvent y ajouter.

VI. Bâtisse. La serre doit être préservée du froid & du vent du nord, par un mur épais, d’environ deux pieds, construit presqu’à bain de mortier en brique, ou en moëlon de la meilleure qualité qui puisse se trouver dans le pays, ravalé en-dehors, bien enduit & blanchi d’un lait de chaux en-dedans. La plupart des cultivateurs veulent un mur semblable du côté de l’est, pour défendre leurs serres des vents froids d’est & nord-est les plus dominans pendant l’hiver fig. 12.

Les autres côtés sud & ouest étant vitrés, on n’y élève de mur que jusqu’au niveau de l’aire, ou peu au-dessus. Sur ces deux petits murs on applique une plate-forme de bon bois de chêne, large de neuf ou dix pouces, épaisse de cinq ou six, taillée en chanfrein sur les bords de sa face supérieure, pour faciliter l’écoulement des eaux des pluies, & pour laisser passer plus de soleil & de lumière sur l’aire de la serre. Elle doit déborder d’un pouce ou d’un pouce & demi, le parement extérieur des murs.

Dans cette plate-forme on entenonne des montans ou poteaux distans de quatre ou cinq pieds entr’eux, de six pouces d’équarrissage, & d’une longueur égaie à la hauteur du vitrage, c’est-à-dire de cinq pieds & demi à sept pieds pour la partie verticale, si la partie supérieure est inclinée ; ou de toute la hauteur de la serre, si tout son vitrage est vertical. Dans le premier cas, ces montans reçoivent une autre plate-forme des mêmes dimensions que l’autre, & s’y entenonnent. Cette seconde plate-forme reçoit en mortaise de semblables montans inclinés qui se posent aussi en assemblage sur le faîte ; (on peut les incruster en découvrement & les attacher avec des chenillettes de fer, tant sur la plate forme que sur le faîte.) Une barre plate ou une forte tringle de fer attachée avec des vis, ou passée dans des coulisses de fer du côté intérieur de la serre, sur les travers de ces montans vers leur milieu, les tient en respect & les empêche de se déjeter d’un autre côté. Les chevrons du toit se posent & s’attachent aussi sur le faîte é l’excèdent un peu pour le mettre à couvert de la pluie, ainsi que la tringle de fer & le haut d’un rideau de toile, nécessaire pour couvrir le vitrage dans le mauvais temps.

Toutes ces pièces de bois doivent être unies & dressées à la varlope. On abat les anses des montans du côté intérieur de la serre & aux deux côtés de leur face extérieure. On creuse, suivant leur longueur, une feuillure plus ou moins large & profonde, (environ 2 pouces) & pratiquée diversement, suivant l’idée & l’industrie de l’ouvrier, pour recevoir les châssis vitrés, & les y adapter comme le représente la figure 13 ou 14, ou de quel qu’autre façon encore plus propre à interdire toute entrée à l’air & à la pluie. Les châssis inclinés s’appliqueront bien dans les feuillures par leur propre poids ; les verticaux y feront retenus par des tourniquets qui donnent la facilité de les enlever & de les replacer quand on veut. Il sera bon de faire un ou plusieurs panneaux, (suivant la longueur de la serre) en forme de porte ouvrant & fermant par dehors, à noix & à gueule-de-loup, pour donner beaucoup d’air lorsqu’il est nécessaire. Pour les châssis inclinés, on fera, sur-tout dans la partie la plus haute, plusieurs vagistas ; ou mieux, on serrera près du faîte ou sur le faîte quelques panneaux qui s’élèveront ou s’abaisseront au moyen d’une bascule ; ou autrement dans les serres assez basses pour qu’un homme puisse atteindre au vitrage incliné, on pourroit le construire comme le châssis à coulisse des croisées ; sa partie inférieure glisseroit dans une coulisse sur la supérieure.

Chaque panneau sera composé d’un cadre ou battant dont le bois aura 3 à 3 pouces & demi de largeur, sur deux pouces d’épaisseur, & de deux ou trois (suivant sa largeur) petits bois ou montans de deux pouces de largeur & autant d’épaisseur, & entenonnés sur les deux traverses, inférieure & supérieure, du battant, sans être coupés par aucune traverse. Pour leur en tenir lieu & pour les empêcher de se déjeter & de se tourmenter, on y attache, du côté inférieur de la serre, avec des vis en bois, de petites tringles de fer, distantes l’une de l’autre de deux à trois pieds. Les montans & le cadre du panneau auront sur leurs bords extérieurs, une petite feuillure pour placer les vitres. On emploiera du blanc de céruse broyé à l’huile, au lieu de colle forte dans les mortaises & sur les tenons des assemblages qui seront tout-à-fait en recouvrement. Les seigneurs & les particuliers opulens pourront faire toute cette bâtisse en fer : elle sera plus durable, donnera plus de lumière & de soleil à la serre.

Après que tout l’ouvrage sera peint de trois couches de blanc de céruse broyé à l’huile, (l’extérieur peut être peint d’une autre couleur) on posera les verres en recouvrement de 4 à 6 lignes, & on les garnira de bon mastic, sur lequel, lorsqu’il sera presque sec, on passera une couche de céruse broyée a l’huile. Ces vitres auront, suivant les dimensions des chassis ci-dessus, de onze à quatorze pouces de largeur, sur le plus de hauteur possible, afin qu’il y ait moins de recouvremens : plus larges, elles seroient avantageuses pour la serre, & moins pour le propriétaire en cas de fracture,

J’aurois pu laisser ces petits détails avec plusieurs autres que j’omets comme superflus pour ceux qui ont un peu d’adresse & d’intelligence, mais je le répète encore, je n’écris pas pour les jardiniers & les cultivateurs instruits.

VII. Tannée. Il ne suffit pas aux plantes de la zone torride d’être environnées d’un air chaud. La plupart ne feroient point de progrès, quelques-unes ne pourroient pas même vivre, si leurs racines ne trouvoient pas dans la terre le degré de chaleur de leur sol naturel. Pour leur procurer ce dernier avantage, on a imaginé de plonger dans une couche chaude les pots dans lesquels elles sont plantées. Cette couche pourroit être faite de bon fumier neuf, mais l’expérience a appris que le tan lui est bien préférable ; parce que si la chaleur est moins forte, elle persiste & se soutient bien plus long-temps ; & d’ailleurs il s’élève du tan beaucoup moins de vapeurs humides, très nuisibles à ces plantes originaires d’un climat dont l’atmosphère est fort sèche.

Le tan employé à cet usage n’est pas celui qui sort du moulin, mais celui qui a servi à préparer les cuirs ; cependant les jardiniers le nomment tan neuf, lorsqu’il n’a point encore servi à faire des couches. On doit l’employer peu de temps (au plus 10 ou 12 jours) après qu’il a été tiré des fosses des tanneurs. S’il est trop humide, on l’étend pendant quelques jours au soleil, ou au moins à un air sec, sous un hangard, & on le retourne plusieurs fois ; car trop d’humidité comme trop de sécheresse l’empêcheroit de fermenter. Le tan qui n’a été pilé que grossièrement, est lent à s’échauffer, mais il acquiert une chaleur excessive, qui est aussi lente à se modérer. Celui qui a été broyé trop fin, se pourrit & se consomme bientôt, & par conséquent ne conserve pas long-temps sa chaleur. Celui qui tient le milieu est donc préférable ; mais comme sauvent on ne peut choisir, & qu’on est obligé de l’employer tel qu’on le trouve chez les tanneurs, le jardinier soignera sa couche relativement à la qualité du tan qui, au surplus, doit avoir conservé sa couleur ; car s’il étoit noir, ce seroit une marque qu’il seroit pourri & inepte à fermenter. Une couche bien faite avec du tan de bonne qualité, peut conserver sa chaleur environ trois mois. Alors, si on remue tout le tan, si l’on brise & divise bien toutes les mottes qui se sont formées, elle se ranimera encore pendant quelque temps. Si ensuite on remanie encore le tan, & qu’on y mêle du tan neuf tenu 7 ou 8 jours en un lieu sec, afin qu’il n’ait pas d’humidité qui refroidiroit le vieux au lieu de le réchauffer, on prolongera sa chaleur pendant environ deux mois. Ainsi les couches de tan ont encore sur celles de fumier, l’avantage d’avoir plus rarement besoin d’être remaniées & réchauffées. Dans les couches neuves, on met ordinairement avec le tan neuf une partie plus ou moins grande (tiers ou quart) de vieux tan, suivant qu’il conserve plus ou moins de qualité ; c’est-à-dire, qu’il est plus ou moins consommé. Au reste les tuyaux de chaleur pratiqués autour de la tannée, soutiennent & augmentent sa chaleur.

La couche ou tannée d’une serre se fait dans une fosse A, fig. I, première division, planche VII, page 197, dont tous les côtés sont soutenus par un mur fort étroit de briques ou de pierres qui puissent se bien joindre, prendre le mortier, résister au feu & a l’humidité. Sa longueur est a volonté, ordinairement égale à celle de la serre, moins 18 pouces ou deux pieds à chaque extrémité, espace nécessaire pour le passage. Sa largeur eut aussi être arbitraire ; cependant elle est fort étroite, la couche ne conservera pas long-temps sa chaleur ; si elle est fort large, la masse de tan étant considérable, elle soutiendra long-temps sa chaleur, mais il sera difficile d’atteindre & de soigner les plantes placées au milieu : ainsi on lui donne le plus communément six pieds de largeur. Sa profondeur ne doit pas être moindre de deux pieds & demi ; elle peut être de cinq ou six, pourvu que l’aire de la serre ait cette élévation au-dessus du sol, ou que le terrain ne soit pas humide. Dans la plûpart des serres, sa surface est de niveau à l’aire ; dans quelques-unes, comme fig. 2, seconde division, elle est plus ou moins élevée au-dessus.

Si cette fosse n’a que deux pieds demi-pied de fumier neuf sur lequel on mettra deux pieds & demi de tan, afin qu’il excède de six pouces les bords de la fosse, parce que la couche, après avoir jeté son premier feu, sera affaissée à-peu-près d’autant. Mais si la fosse avoit une grande profondeur, on garniroit le fond de matières grossières, cependant capables de fermentation, telles que des bourrées, du jonc marin, de la fougère, de la bruyère, &c. &c. On mettroit dessus une telle épaisseur de fumier préparé, foulé & marché de bout en bout, qu’il n’en restât environ que deux pieds ou deux pieds & demi de vide, & on couvriroit le fumier d’assez de tan, non seulement pour remplir, mais encore pour excéder ce vide d’environ un pied, dont la couche pourra baisser. Il faut étendre le tan bien également avec la main ou un rateau, & ne le fouler que légèrement. Le fumier, s’il y en a une quantité considérable dans la couche, excite d’abord une grande fermentation ; pendant qu’elle dure, il seroit dangereux de plonger les pots dans la couche. Il faut remuer plusieurs fois & remanier le tan pour le décharger des vapeurs humides qu’il reçoit des fumiers ; souvent même il est nécessaire de renouveller l’air, tellement altéré par ces vapeurs, qu’il perd son ressort. Quelques bâtons fichés a 15 ou 18 pouces de profondeur dans le tan, en divers endroits de la couche, en étant retirés & aussitôt serrés dans la main, indiqueront le degré de chaleur. Un thermomètre plongé dans le tan à dix ou douze pouces, le marque plus exactement. Ces deux instrumens feront juger quand on pourra y enfoncer les pots. Ordinairement dans les grandes serres, outre cette tannée, on en fait de petites, larges d’un ou deux pieds, auprès des murs, pour l’usage indiqué ci-devant.

VIII. Fourneau. Dans le climat de Paris, les rayons du soleil, trop obliques pendant l’hiver, & souvent interceptés par des nuages & brouillards, ne peuvent procurer à l’aire d’une serre une chaleur suffisante. Une couche pourroit échauffer une serre très-basse ; mais sa chaleur humide est pernicieuse aux plantes : ainsi, on a recours au feu pour échauffer & sécher l’aire des serres. Mais son action immédiate seroit meurtrière pour les végétaux ; l’air même qui les environne dans la serre, ne doit recevoir sa chaleur que des corps interposés, échauffés & non enflammés, ou mis dans l’état d’ignition. Dans un fourneau dont l’ouverture est hors de la serre, on allume des matières combustibles ; la fumée passant le long des tuyaux, dont on va parler, en échauffe les parois qui communiquent à l’air environnant, une chaleur douce & convenable aux plantes. Ce fourneau, figure 1 & 2, première division, planche VII, doit être construit de briques ou de grais à bâtisse, ou d’autres pierres, qu’une très-grande chaleur ne puisse calciner, ni faire fendre & éclater, liées avec du mortier d’argile bien pétrie & corroyée. (On pourroit le construire en glaise ou en argile seule). L’âtre ou le foyer horizontal est ordinairement un ceintre plein ou elliptique. Dans un côté est une bouche ou ouverture proportionnée, par laquelle la fumée entre dans des conduits ou tuyaux.

Au-dessus du fourneau, est un cendrier construit des mêmes matières, qui a pour dimension environ la moitié de celles du fourneau, & un cendrier construit des mêmes matières, qui a pour dimensions la moitié de celles du fourneau. Par une grille de fortes barres de fer scellées de niveau à l’âtre, & très-rapprochées l’une de l’autre, il reçoit les cendres & donne l’air nécessaire pour allumer du feu & entretenir son activité. La bouche du fourneau & celle du cendrier sont garnies d’une porte de tôle fermant exactement.

1°. Les dimensions du fourneau doivent être proportionnées à celles de la serre, & en raison des matières qui y seront brûlées. Il est évident qu’une grande serre a besoin d’un plus grand fourneau qu’une petite ; qu’un fourneau dans lequel on brûle du bois, doit être plus grand qu’un fourneau où l’on brûle du charbon, de la tourbe ou des mottes de tan. Comment décider ces diverses grandeurs ? On éprouve qu’un fourneau large de deux pieds, profond d’autant, & haut de 16 à 18 pouces, suffit pour une serre de 30 pieds de longueur, & proportionnée dans ses autres dimensions, mais d’autres serres d’une pareille grandeur sont bien échauffées par un fourneau de 10 pouce ; de largeur, de 18 pouces de profondeur, & de 2 pieds de hauteur par le sommet de la voûte ; & d’autres ont de plus grands, d’autres de moindres fourneaux. On éprouve que le fourneau, fig. 1 & 2, première division, planche VII, qui a 3 pieds de profondeur, 2 pieds 10 pouces de largeur, & 20 pouces sous voûte, échauffe bien une serre à ananas, peu élevée, longue de 50 pieds[3] ; mais on éprouve aussi qu’au lieu d’un seul fourneau, si l’on en construit deux moindres à chaque extrémité, & qu’on partage la tannée en deux, on obtiendra plus de chaleur avec moins de matières de ces deux petits fourneaux que du grand ; que cette chaleur sera plus également répartie en servant également les deux fourneaux, ou inégalement distribuée, si les plantes l’exigent, en n’allumant qu’un fourneau, ou en servant les deux inégalement. On sait que le fagot donne presque trois fois moins de chaleur que le gros bois, que la bonne tourbe de Hollande est plus lente à donner de la chaleur que le bois, mais qu’ensuite elle en donne une plus forte, parce qu’elle jette plus de fumée, & est plus durable, parce qu’elle se consomme moins promptement. On connoît les divers degrés de chaleur des différens charbons de bois, de terre, de tourbe ; mais ces connoissances & ces épreuves ne suffisent pas pour faire terminer les dimensions absolues d’un fourneau ; parce que la plupart des serres varient dans les leurs, & que, de plusieurs serres de même longueur, l’une sera plus large & l’autre plus étroite, ou plus haute, ou plus basse ; l’une sera échauffée avec du bois, & l’autre avec d’autres matières. Au reste, cette précision dans les dimensions d’un fourneau n’intéresse essentiellement que l’économie ; car les soins & l’intelligence d’un jardinier répareront les défauts d’un fourneau & d’une serre, pendant que les plantes languiront ou périront dans la meilleure serre & avec le meilleur fourneau, sous la conduite d’un jardinier ignorant ou négligent.

Cependant il est bien constant que le feu qui brûle librement & en plein air, chauffe beaucoup moins vivement que celui qui est resserré dans un fourneau (sur-tout s’il a beaucoup de hauteur) où la flamme peut s’étendre & se dilater, donne bien moins de chaleur que dans un moindre fourneau, où les parties du feu, rapprochées & forcées à une réflexion & une collision continuelles, sont obligées d’entrer avec toute la fumée dans le tuyau, dont l’orifice large peut être regardé comme une extension du fourneau. Il est évident qu’un petit fourneau est plus économique & plus avantageux qu’un grand, puisque la même quantité de matière, & même avec une moindre, il donne plus de chaleur. Si toutefois il étoit si petit qu’on fût obligé d’y remettre très-fréquemment du bois, il seroit incommode pour le service, sur-tout pendant les nuits rigoureuses d’hiver ; mais sa hauteur est la plus importante de ses dimensions ; je viens d’en dire la raison ; & j’ai vu très-peu de fourneaux de serres chaudes, qui n’aient trop de hauteur. Pour des petits fourneaux, 14 pouces de l’aire au sommet du cintre, & pour les plus grands, de 16 à 18 pouces, sont une hauteur suffisante. On peut cependant en donner un peu plus aux fourneaux qui sont servis en tourbe, afin de pouvoir y entasser assez de matière pour plusieurs jours ; ce qui rend le service moins fréquent & moins gênant.

2°. Les parois du fourneau doivent avoir une bonne épaisseur, au moins un pied, tant pour soutenir la violence du feu resserré, que pour conserver de la chaleur, long-temps après que les matières sont consommées. Sa bouche ou porte n’aura que la grandeur nécessaire pour y introduire facilement les matières combustibles. La motte de tourbe n’a que 8 on 9 pouces de largeur, sur 4 ou 5 d’épaisseur. On emploie rarement du bois de 7 a 8 pouce ; de grosseur, & le volume des autres matières est beaucoup moindre. Ainsi une bouche de 10 à 11 pouces de hauteur, & de 8 ou 9 de largeur, sera assez grande pour le fourneau ci-devant de trois pieds de profondeur, 2 pieds 10 pouces de largeur, & 20 pouces de hauteur. Cette bouche & celle du cendrier sont cintrées & soutenues par un cadre de fer, sur lequel sont montées les portes qu’on ferme lorsque les matières sont consommées, pour conserver la chaleur ; pendant qu’elles sont enflammées, on ouvre plus ou moins celle du cendrier, pour donner plus ou moins d’action au feu ; ou bien on la ferme pour que les matières se consomment moins vite. Les barres de fer de 12 à 13 lignes en carré, qui forment la grille, peuvent être de même longueur que l’âtre du fourneau, & scellées dans le mur, comme figure 3, planche VII, première division ; mais comme le feu, en deux ou trois hivers, arque considérablement & dérange ces barres, on peut former une petite grille de La longueur seulement du cendrier, sur cinq ou six pouces de largeur, & la poser dans une feuillure ménagée dans l’âtre, comme figure 4, deuxième division ; ou figure 2, troisième division. Les barreaux ayant moins de longueur, se courberont & se déjèteront moins ; & on pourra, sans dégrader les murs, enlever cette grille pour la faire réparer. Ordinairement on élève un peu l’âtre du fourneau vers le fond, pour favoriser l’ascension & l’entrée de la fumée & de la chaleur dans le tuyau.

3°. Le fourneau peut être construit, partie hors de la serre, partie dans le mur de la serre, comme fig. 1, première division. Les six ou huit pouces d’épaisseur restant entre le fourneau & l’intérieur de la serre, contractant beaucoup de chaleur, contribuent à réchauffer la serre ; mais il vaut mieux le construire partie dans le mur & partie dans la serre, comme fig. 1, 2, troisième division ; il répandra beaucoup de chaleur dans la serre. On pourra même pratiquer dans le mur, au-dessus de la voûte du fourreau, une niche pour placer un vaisseau plein d’eau pour les arrosemens, comme S. Fig. 1, troisième division.

4°. Le fourneau ne doit point être en plein air, qui feroit consommer trop promptement les matières, & où le vent rendroit inégale l’action du feu ; mais sous un hangard ou tambour fermé, ou sous une galerie large de cinq ou six pieds, comme on le voit figure 2, première & troisième division, régnant le long du mur du Nord, qui n’aura pas besoin de l’épaisseur marquée ci-devant. Sous cette galerie on pourra mettre les matières combustibles, les pots, les terres nécessaires pour les rempottemens pendant l’hiver, les arrosoirs, les outils, &c ; la porte de la serre sera aussi pratiquée sous cette galerie, afin qu’en entrant & en sortant, on n’y introduise pas directement l’air extérieur.

5°. Si l’aire de sa serre est élevée de trois pieds ou plus au-dessus du terrain, cette hauteur sera suffisante pour la construction du fourneau, comme figure 1 & 2, première division.

IX. Tuyau de chaleur. La fumée des matières qu’on brûle dans le fourneau, coulant dans un canal, conduit, ou tuyau, en échauffe les parois, & répand de la chaleur dans la serre. Ce tuyau se construit de brique ou d’argile corroyée, comme le fourneau. Les joints doivent être faits & refoulés avec grand soin, pour que la fumée ne puisse transpirer. Un conduit en-dedans & en-dehors avec la même argile, refoulée plusieurs fois pour rapprocher les gersures, ou mieux d’un mélange de plâtre avec un peu de chaux, refoulé & frotté d’huile, étant tout frais, seroit un rempart plus sûr & plus solide contre la fumée.

Autrefois on pratiquoit ce tuyau dans le mur du Nord, où il se plioit plusieurs fois & presque horizontalement depuis le bas de ce mur jusqu’au haut. Mais un peu de réflexion & d’expérience montre que cette partie de la serre a le moins besoin de préservatif contre le froid, puisqu’il ne peut y parvenir qu’après avoir pénétré & condensé tout l’air depuis le vitrage jusqu’à ce mur, & que c’est au côté opposé qu’il faut procurer la plus grande chaleur, parce que le vitrage présente à la gelée une surface, & une mince épaisseur facile à pénétrer. Maintenant on établit ce tuyau autour de la serre, sous le pavé ou autrement, de façon que la partie la plus échauffée soit au pied du vitrage, & la moins échauffée au pied du mur du nord.

La grandeur du tuyau doit être proportionnée à celle du fourneau. Un tuyau trop étroit ne donnant pas un passage suffisant à la fumée, elle se réfléchit sur elle-même, & le fourneau fume. (Un tuyau horizontal, ou, contre les plus simples notions de physique, plus incliné vers son extrémité, auroit le même défaut.) Dans un tuyau trop large, la fumée coulant trop lentement, & formant, lorsqu’elle se condense, un volume trop grand & trop pesant pour être chassée par la fumée plus légère & plus dilatée en sortant du fourneau, le tuyau ne tire point. Il en sera de même si le tuyau a une longueur trop considérable, elle le devient au-delà de 60 pieds ; si une serre excède 35 pieds de longueur, il faut partager la tannée en deux, & construire deux fourneaux.

La hauteur & la largeur du tuyau se règlent sur celles du fourneau. En partant du fourneau, il aura pour hauteur environ les trois quarts de celle du fourneau ; & pour largeur, un peu plus que le tiers de celle du fourneau. Ainsi, soit un fourneau haut de 20 pouces & large de 24, on pourra donner à l’embouchure du tuyau 14 ou 15 pouces de hauteur, & environ 9 de largeur, non compris l’évasement nécessaire pour faciliter l’entrée de l’air & de la fumée très-dilatés. Il diminuera graduellement de hauteur & de largeur jusqu’à 5 ou 6 pieds au-delà du fourneau. Alors on lui donne pour hauteur les deux tiers (13 pouces, 4 lignes) de celle du fourneau, & pour largeur, le tiers (8 pouces) de celle du fourneau. Jusqu’à 18 ou 20 pieds au-delà, il diminuera encore graduellement ; sa hauteur sera réduite à 10 pouces, & sa largeur à 7 pouces. Enfin, depuis ce point, il se rétrécit un peu jusqu’à son extrémité, qui se terminera à 8 ou 9 pouces de hauteur, & à 5 ou 6 de largeur, en entrant dans la cheminée, dont le tuyau aura un pied de largeur, sur six pouces de profondeur.

Soit un autre fourneau haut de 14 pouce ; & large de 18, l’embouchure du tuyau aura 10 à 11 pouces de hauteur, & environ 7 pouces de largeur ; 5 ou 6 pieds au-delà, sa hauteur sera de 9 à 10 pouces, & sa largeur de 6 ; 12 ou 13 pieds plus loin, il y aura 8 pouces & demi, ou 9 pouces sur 6 ; il se terminera par 8 pouces sur 4 ou 5.

Le tuyau, dans l’étendue des 5 ou 6 premiers pieds, s’élève beaucoup, (Figure 2, première division ; Figure 1, troisième division) afin que la fumée, qui aime la direction la plus approchant de la verticale, s’y porte & y coule avec rapidité. Dans l’étendue des 10 ou 12 pieds suivans, il s’élève encore assez considérablement. Ensuite il est horizontal par son côté supérieur, & ne s’élève par son côté inférieur, que de la mesure dont il diminue hauteur. Son côté inférieur, qui peut (Figure 2, première division) être de niveau avec l’âtre du fourneau, & de 4 à 5 pouces au-dessous du fond de la tannée, Figure 1 & 2, seconde division, ne sera à son extrémité que de 10 à 12 pouces plus bas que la surface de la tannée, comme on peut le voir, Fig. 1, seconde division, qui représente la disposition des tuyaux sur les quatre côtés d’une tannée. Ainsi, depuis le fourneau jusqu’à la cheminée, ce côté inférieur monte de 2 pieds & demi à 3 pieds, suivant la profondeur de la tannée. Quelques constructeurs, pour donner plus de glacis à ce côté inférieur, changent de dimensions (sans changer la capacité) du tuyau sur le dernier côté de la tannée, ajoutant graduellement à sa largeur, & diminuant de sa hauteur ; de sorte qu’à son extrémité il a pour largeur ce qu’il devroit avoir en hauteur, & réciproquement en hauteur ce qu’il devroit avoir en largeur. D’autres, au lieu de faire horisontale l’aire de la serre, lui donnent du nord au sud un pied de pente, & par conséquent 8 à 10 pouces à la tannée. Par ce moyen, ils procurent beaucoup d’élévation au côté inférieur de cette partie du tuyau, dont ils réduisent la largeur & augmentent la hauteur. Si la pente paroît trop rapide, on peut, au lieu d’un glacis, faire deux marches à chaque bout de la tannée. Cette inclinaison de l’aire d’une serre est très-avantageuse.

Dans la partie du tuyau, voisine du fourneau, souvent la chaleur est assez grande pour faire rougir la brique, qui communiqueroit le feu à la tannée, si le mur n’avoit que peu d’épaisseur. Il faut donc jusqu’à 5 ou 6 pieds loin du fourneau, donner à ce mur, entre le tuyau & la tannée, au moins 8 pouces, en posant la brique comme Fig. I, première division, & jusqu’à 20 ou 30 pieds la poser de plat, pour donner 4 pouces d’épaisseur. Dans le reste du tuyau, on peut la poser de même ou de champ, pour n’avoir que 2 pouces d’épaisseur, comme il est marqué sur la méme figure.

Il vaudroit mieux faire mouler des briques de diverses dimensions de 8, 6, 4, 3 pouces pour les murs de la tannée ; de fort longues & fort larges pour diminuer les joints, & de diverses formes convenables aux diverses parties de l’ouvrage.

Mais lorsqu’on fait usage de la tourbe, les 8 pouces d’épaisseur près le fourneau pourroient ne pas suffire pour mettre la tannée à couvert du feu ; 12 ponces seroient nécessaires sur une étendue de 12 à 14 pieds ; ou mieux, on poseroit de plat un rang de briqué & de chaux, un autre rang parallèle, laissant entr’eux un vide de 2 ou 3 pouces ou davantage, qu’on rempliroit de sable ou de recoupes d’ardoise, ou d’autres pierres schisteuses, ou d’autres matières incapables d’ignition, comme Figure 3, première division ; ou Figure 2, troisième division ; ou mieux encore, on pourroit y pratiquer un tuyau d’air. Il est évident que le mur entre le tuyau & la tannée, pour être pénétré de la chaleur, doit, à mesure qu’il s’éloigne du fourneau, diminuer d’épaisseur, comme la fumée diminue de chaleur.

Le côté supérieur du tuyau n’a pas besoin d’être ceintré. On dispose les briques comme dans la fig. F, troisième division, qui représente un tuyau large d’un pied. On le couvre d’une brique ou de deux tuiles, avec un corroi d’argile, & on pose par-dessus une dalle de pierre ou un grand carreau de brique ou de grais à bâtisse, ou d’autres pierres de deux à trois pouces d’epaisseur, qui forme le pavé de la serre. Si ce pave n’étoit fait que de petits carreaux de terre cuite, de quatre ou six pouces, il seroit nécessaire de border la tannée d’un cadre ou chassis de bois de trois à quatre pouces, assemblé avec des équerres en fer pour contenir les carreaux qui, en se dérangeant pourroient laisser transpirer la fumée.

Pour faciliter le passage de la fumée dans les angles ou coudes du tuyau, & l’empêcher de se replier & refluer sur elle-même, il fait élargir le tuyau à chacun de ses coudes comme fig. 2, troisième division, ou mieux y pratiquer, comme fig. 1, première division, un récipient ou une chambre, avec deux petits canaux bouchés en dessous de la serre, & qu’on ouvre au besoin pour introduire un grattoir ou autre outil propre à nettoyer & ramoner les tuyaux ; sinon, il faudroit, pour en retirer la suie, lever le pavé de la serre & la couverture des tuyaux.

Quelques cultivateurs, considérant que le tuyau placé sous le pavé de la serre, couvert de deux pieds ou de douze pieds & demi d’épaisseur près du fourneau, & de quarre ou cinq pouces au moins dans le reste, ne communique beaucoup de chaleur qu’à la tannée, & en répand peu dans la serre par ses autres côtés, ont élevé la tannée plus ou moins au-dessus du pavé, comme fig. 2, seconde division ; de façon que le tuyau près du fourneau ne soit que six ou huit pouces au-dessous du pavé ; que douze ou quinze pieds au-delà il soit au niveau, & que dans le reste, il soit au-dessus & aboutisse à un tuyau de tôle, & encore mieux de terre, qui conduise la fumée dans la cheminée. Par cette disposition, ils prétendent prouver plusieurs avantages à la serre. La tuyau répandant de la chaleur par trois de ses côtés, dont les parois n’ont, dans la plus grande partie de son étendue, que quatre pouces d’épaisseur, échauffe plus l’air & plus promptement. 2°. Les plantes sont moins éloignées du vitrage. 3°. Le volume de la serre est moindre, & par conséquent plus facile a échauffer ; car une tannée de 30 pieds, large de 7, ses murs compris, élevés de deux pieds & demi, remplit un espace de près de 50 pieds cubes. Si la hauteur de la tannée rend le service difficile, un petit banc ou marche-pied, ou une planche qui s’elève & s’abaisse contre des murs, le rend moins gênant.

Cette disposition de la tannée & du tuyau, dont je ne connoîs point les avantages par ma propre expérience, peut, en effet, en avoir quelques-uns. Mais j’observerai que la terre pendant l’été, contracte plus de chaleur que l’air, & moins de froid pendant l’hiver ; que la différence de température de ces deux élémens est nécessaire aux végétaux, dont les racines exigent plus de chaleur que les tiges ; puisque les plantes de la zone torride qui, dan leur climat, prospèrent par une chaleur de plus de 60 degrés, à la surface de la terre, & ici dans une tannée de 35 degrés de chaleur, périroient en peu de jours dans un air échauffé à 34 degrés ; que par conséquent il faut disposer les tuyaux de façon qu’ils échauffent plus la tannée que la serre, qui, à moins qu’elle ne soit vaste & fort élevée, pourroit être presque suffisamment échauffée par la tannée. Ces observations peuvent aussi s’appliquer & peut-être servir de correctif à ce que j’ai dit ci-devant du niveau des tuyaux de chaleur, d’après des serres qui passent pour très-bonnes. En les tenant plus bas, de sorte que vers leur extrémité même, leur côté inférieur fût environ de deux pieds au-dessous de la surface de la tannée, ils communiqueroient plus de chaleur à la couche.

Il est bon de mettre vers le bas de la cheminée une soupape, ou un diaphragme à clef, qu’on ferme lorsque les matières combustibles sont consommées, pour conserver la chaleur, en empêchant l’air froid de descendre dans le tuyau.

X. Tuyau d’air. Outre le tuyau de chaleur, on voit dans quelques serres un tuyau qui répand un air chaud. Ce tuyau est représenté, fig. 3 & 4, seconde division, a son ouverture, sur un des côtés extérieurs, comme a. A. Il parcourt un ou plusieurs côtés du fourneau, sous son âtre, dans les coins de la voûte du cendrier. Ensuite il monte dans le mur de derrière du fourneau, & s’y remplit plusieurs fois, comme ccc, CCC. On pourroit encore lui faire parcourir plusieurs côtés du dessus du fourneau dans les reins de sa voûte. Enfin on le conduit dans la serre au-dessus du tuyau de chaleur, comme EF, où il a une issue ou bouche F, garnie d’une soupape, ouvrant & fermant exactement. Mais l’épaisseur de la couverture du tuyau de chaleur, qui diminue à mesure qu’il s’élève, ne permettant pas de donner une grande longueur au tuyau d’air, dont la bouche seroit par conséquent peu éloignée du fourneau, il vaut mieux le faire parallèle à celui de la chaleur, commefig. 5, seconde division, le prolonger autant qu’il peut être utile pour le bien de la serre, & ouvrir en divers endroits, des bouches pour donner de l’air à tous les côtés de la serre ; comme il sera expliqué dans la suite. Si on le place entre le tuyau de chaleur & la tannée, il sera à couvert du feu, mais elle recevra moins de chaleur, & il faudra faire passer les bouches d’air, par-dessus ou par-dessous le tuyau de chaleur. Si on le place de l’autre côté, il est plus facile d’y ouvrir des bouches, & la tannée reçoit plus de chaleur ; mais on ne peut faire aux coudes du tuyau de chaleur, les ouvertures marquées fig. 1, première division, pour le nettoyer sans le découvrir. Je marquerai bientôt la disposition la plus avantageuse de ce tuyau, & la grandeur de ses bouches.

Il est inutile d’observer que l’air parcourant tous les replis de ce tuyau très-échauffé par le feu du fourneau, contracte une grande chaleur ; qu’un tuyau de six pouces sur quatre, répandant dans la serre 24 pouces d’air chaud, contribue à l’échauffer, & au bien des plantes ; que dans une serre qui a deux fourneaux, deux pareilles bouches y donnent à chaque instant 48 pouces d’air, y produisent nécessairement un effet sensible sur les plantes & sur la température de la serre ; (la serre chaude de M. le comte de Noyan, longue de 66 pieds, large de 17 & haute de 21, d’autant plus difficile à échauffer qu’elle a deux faces vitrées, l’une a l’est & l’autre à l’ouest, & qu’elle ne reçoit point de soleil a midi, & ne le reçoit que très obliquement, depuis 9 heures jusqu’à 3 ; cette serre n’est échauffée que par deux bouches de chaleur & par deux tuyaux de tôle qui s’élèvent droits depuis les fourneaux jusqu’au toit de la serre) que ce tuyau doit être tenu bien fermé lorsqu’il n’y a point de feu dans le fourneau, à moins qu’il ne soit nécessaire d’introduire de l’air frais ; ou quelquefois une serre étant trop échauffée, les feuilles des plantes se penchant & se fanant, avertissent que l’air a perdu son ressort. Si cela arrive dans des temps froids ou très humides, on peut renouveller l’air par des tuyaux, qui le tirent de la galerie fermée, & non du plein air qui pourroit être nuisible[4].

XI Stores. On reproche aux vitrages inclinés des serres de se charger des vapeurs humides de la couche & des plantes, & de les distiller sur les plantes à leur grand préjudice. Il est facile de remédier, du moins en bonne partie, à cet inconvénient, en plaçant sous ce vitrage des stores qui reçoivent, lorsqu’ils sont abaissés, les gouttes qui tombent des vitres, & qui, interceptant une partie des vapeurs, les empêchent de s’élever jusqu’au vitrage. Ils se font de toile claire ou de canevas, & peuvent aussi servir à préserver les plantes des coups, de la grande ardeur du soleil, & à donner de l’ombre aux boutures & aux plantes récemment empotées. Leur largeur sera (d’environ quatre pieds) égale à celle des panneaux vitrés, & leur longueur s’étendra au moins depuis un sentier jusqu’à un autre. Si le vitrage a une grande portée, & qu’on puisse craindre que le ressort en spirale n’agisse pas suffisamment, on peut lui substituer un poids, comme on le voit fig. 2. troisième division. Alors on donne plus de diamètre au bout du cylindre fig. 1, ou bien on y adapte une roue & on creuse sur la circonférence une large cannelure, dans laquelle la corde du contrepoids puisse faire des révolutions nécessaires pour le développement du store. Pour ne point embarrasser le passage & pouvoir attacher contre le mur des tablettes sur lesquelles on place des plantes, en construisant le mur, on y fait, aux distances convenables, des cannelures, comme EEE, fig. 2, troisième division, larges de 7 ou 8 pouces, & profondes d’autant, dans lesquelles on fait passer les cordes & les contre-poids.

S’il n’y a que des plantes basses dans la tannée, on peut les mettre à couvert plus simplement, en attachant sur le cadre de la tannée, des échallas ou des baguettes de fer, avec des traverses un peu cintrées, comme P fig. 1, troisième division, & étendre un cannevas sur ces traverses.

De pareils stores places en-dehors au-dessus du vitrage, dont les poulies sont attachées sur des chevrons, & dont les cordes passeront entre le plafond & la couverture de la serre, dans la galerie, fig. 1, où les contre poids monteront & descendront le long du mur, pourront être abaissés dans un instant & défendre le vitrage incliné de la grêle, de la neige, des grandes pluies, & le couvrir dans les fortes gelées. Ils seront faits de toile forte & serrée, imprimée avec de la colle de farine de riz, pour lui conserver sa souplesse, & peint d’une couche de couleur a l’huile. Ils seront à couvert de la pluie par des planches minces ou par quelques feuilles de tôle, clouées sur l’extrémité des chevrons. Les figures représentant la forme & la disposition de ces stores, rendent inutile un plus grand détail. Je ne connois point d’expédient pour préserver les plantes dans les serres basses, des vapeurs qui tombent en goutte d’eau des vitrages. Le meilleur est de les essuyer ou de passer légèrement des éponges un peu humides, qui se rempliront de l’eau répandue sur le verre.


Exemples de Serres.

Après avoir parlé des diverses parties d’une serre, de leurs proportions, de leurs dispositions, de leur construction, & des conditions qu’elles exigent, nous allons les rassembler en un corps, & former une serre la moins défectueuse que nous pourrons.

Si j’avois à construire une grande serre, je lui donnerois une des formes représentées, Planche VIII. page 106, elliptique comme fig. 1, première division, ou trapézoïde comme fig. 4, ou coupée par deux pans aux angles répondant au nord-est & au nord ouest, comme fig. 2., ou enfin celle fig. 3 d’un parallélogramme allongé, avec une aile en retour d’équerre du côté de l’est, qui défendroit la grande face vitrée, des vents les plus froids & les plus dominans pendant l’hiver.

Mais ne proposant qu’une petite serre, Planche VIII seconde division, longue en-dedans œuvre, de 30 pieds de large de onze, haute de 16 & demi, depuis le pavé jusqu’à l’angle formé par le toit & le vitrage incliné, je lui donne la forme d’un carré long.

Derrière son mur est une galerie large de cinq pieds, l’aire ou le pavé de la serre, étant élevé de quatre pieds (ou davantage) au-dessus du sol, on entre dans la galerie par la porte A, & on monte par l’escalier C à la serre… Il est une croisée qui éclaire la galerie. Si le pavé est de niveau avec le terrain, ou peu élevé au-dessus, B seroit la porte de la galerie, & A seroit une croisée qui éclaireroit la partie creuse pour la construction & le service du fourneau D, a laquelle on descendroit par l’escalier C.

Le fourneau a, de son âtre au sommet de sa voute, 14 pouces de hauteur ; sa largeur est de 20 pouces, & sa profondeur de 2 pieds & demi ; s’il devoit être servi en tourbe, il auroit 3 pieds ou 3 pieds & demi de profondeur. La capacité du cendrier est à-peu-près le tiers de celle du fourneau.

a e i o, est un tuyau d’air qui a son ouverture en a, parcourt trois côtés du fourneau au niveau de son âtre, se replie en o, & se prolonge autour des quatre côtés de la tannée jusqu’en. Il a six pouces de hauteur, sur autant de largeur.

Le tuyau de chaleur diminue de capacité depuis 11 pouce de hauteur sur 7 de largeur, en sortant du fourneau, jusqu’à 7 de hauteur & 5 de largeur en entrant dans la cheminée. Il s’élève aussi graduellement depuis le fourneau jusqu’à son extrémité, comme il a été expliqué ci-devant. Depuis le fourneau jusqu’à 12 ou 14 pieds, il est placé au-delà du tuyau d’air qui s’élève beaucoup moins, & dont l’interposition éloigne assez le tuyau de chaleur de la tannée pour la préserver du feu, comme on le voit fig. 1, Planche VIII, troisième division, qui représente la coupe de cette serre, prise en VK. Ensuite comme en F, il croise par-dessus, & proche de la tannée pour lui communiquer plus de chaleur, & continue son cours au-dessus du tuyau d’air, l’un & l’autre séparés de la tannée par la largeur (4 pouces) d’une brique, comme on le voit fig. 2 de la même division qui réprésente une coupe prise en Y. Z. Du tuyau d’air, il sort plusieurs petites branches, colle fig. 2, terminées à fleur du pavé par une bouche qui exhale l’air chaud en divers endroits de la serre. L’ouverture de toutes ces bouches prises ensemble, est à-peu-près égale à celle du tuyau. Ainsi, dans l’exemple proposé, le tuyau ayant six pouces sur six, qui donnent 36 pouces carrés, chacune des bouches, fig. 1, seconde division, Planche VIII, a deux pouces & demi, sur deux pouces & demi, ou six pouces & quart d’ouverture : la dernière E, qui termine le tuyau, est un peu plus grande.

La tannée large de 6 pieds, & profonde de trois pieds & demi, s’élève de 8 pouces au-dessus du pavé, y compris le cadre de bois épais de 4 pouces qui la borde. Ekke est horisontal pour l’agrément de ma serre & ma commodité du passage par tout de plein-pied. Il seroit plus avantageux de lui donner 10 ou 12 pouces d’inclinaison au midi.

Le passage ou sentier autour de la tannée est large de 18 pouces ; mais aux deux bouts de la serre, il reste un espace vide pour placer les plantes qui n’ont pas besoin de la tannée. Au pied du vitrage, sur le mur qui s’élève 7 ou 8 pouces au-dessus du pavé, on place un rang de pots contenant les plantes qui demandent beaucoup d’air & de lumière, plutôt que beaucoup de chaleur.

Le long du mur du nord est une platte-bande LL, large de 16 pouces, bordée de briques posées sur champ, remplie de terre, qu’on garnit de plantes grimpantes, sarmenteuses & autres, qui tapissent le mur.

À chaque coude de tuyau de chaleur, est pratiquée une chambre ou récipient pour faciliter le mouvement & le cours de la fumée. Cette chambre est couverte d’une dalle de pierre assise sur de l’argile corroyée & de la mousse, & en-dessus garnie d’un anneau de fer, afin de pouvoir la lever facilement pour nettoyer le tuyau avec un grattoir ou un balai de houx-fragon, emmanché d’un gros fil de fer ou d’une baleine, ou d’une racine d’orme, ou enfin de quelques bois souple.

Le tuyau S de la cheminée, large d’un pied, profond de six pouces, est garni d’une soupape ou d’un diaphragme à clef, qui se ferme exactement pour retenir la chaleur dans le tuyau lorsqu’il n’y a plus de fumée, & empêcher l’air froid de descendre.

Le vitrage inférieur (Figure 1, troisième division, Planche VIII) haut de neuf pieds, non-comprises les plates-formes inférieures & supérieures, est un peu incliné plus pour la solidité que pour l’utilité de la serre. S’il étoit incliné à soixante-douze degrés & demi, comme la ligne ponctuée G, il recevroit perpendiculairement le rayon du solstice d’hiver. Mais en décembre & en janvier, comme il a été observé, le soleil récréant plus les plantes par sa lumière que par sa foible chaleur, il importe peu que ses rayons frappent le vitrage un peu plus ou un peu moins obliquement.

Le vitrage supérieur, long d’environ dix pieds, est incliné à quarante-cinq degrés. Comme des panneaux de cette longueur seroient sujets à se courber, ils sont divisés en deux parties égales, & les montants sur lesquels ils sont posés, sont soutenus par une panne appuyée d’un bout sur le gros mur du pignon à l’est, de l’autre bout sur le pignon de la charpente, & dans le milieu sur une ferme indiquée par des lignes ponctuées, qui supporte aussi le milieu du faîte, lie & consolide tout l’ouvrage.

Le toit est parallèlement incline à quarante-cinq degrés. (Il pourroit l’être moins) La partie qui s’avance au-dessus du vitrage n’a que huit pieds de saillie, afin que le soleil au solstice d’été frappe une partie du mur du nord, comme le marque le rayon solsticial K L. On pourroit (Figure 3) faire ce toit de deux ou trois pièces, suivant sa longueur, dont la largeur ou saillie seroit égale à la longueur des panneaux vitrés ; formées de cadres légers fortifiés par des équerres de fer ; couvertes des deux côtés d’une toile peinte à trois couches ; mobiles sur de fortes charnières, & par un levier ou une bascule, dont la corde passeroit au travers du toit dans la galerie. Par ce moyen on pourroit élever davantage cette partie saillante, & dans 1« gros temps, & dans les temps de grêle & de neige, Rabaisser sur le vitrage incliné qu’elle défendroit mieux que les rideaux & les couvertures.


Serres basses.

Pour cultiver l’ananas & les plantes basses, on construit des serres qui ont peu de hauteur, & le petit volume d’air qu’elles contiennent s’échauffe promptement & facilement ; de sorte que si la tannée est bien faite & remaniée à temps, elle leur donne une chaleur presque suffisante. Comme l’air aussi resserré perdroit bientôt son ressort, & que d’ailleurs il se charge trop des vapeurs humides de la couche, il est nécessaire d’ouvrir fréquemment les châssis vitrés, pour le renouveler & l’essorer ; ce qui est très-avantageux aux plantes.

Une serre dont le vitrage n’a que trois pieds de hauteur, est propre pour des plantes basses & même des moyennes, pour des fleurs tant exotiques qu’indigènes, rosiers, œillets, laurier-roses doubles, cerisiers & autres arbres fruitiers nains, branches de vigne, introduites de dehors, & attachées contre le mur du nord.

On peut encore avoir une serre à vitrage incliné, & qui n’aura de sentier qu’entre le mur du nord & la tannée. Le mur de ce côté sera élevé d’un pied & demi ou de deux pieds au-dessus du pavé. Comme il est difficile d’atteindre aux plantes du devant de la tannée, qui a six pieds de largeur, on est obligé de les soigner par-dehors. À cet effet, on fait une large retraite au mur du midi, ou bien une banquette sur laquelle on monte pour leur donner les façons nécessaires. Les panneaux vitrés ayant au moins dix pieds de longueur, seroient trop pesans & sujets à se courber & à se déjeter, s’ils n’étoient partagés en deux dont l’inférieur glisse sous l’autre dans une coulisse, ou s’élève & s’abaisse par le moyen d’une charnière. Les serres de cette construction, quoique incommodes pour le service, sont assez communes parce qu’elles sont bonnes pour les plantes basses & faciles à échauffer.

Voici les détails sur la serre basse qui m’a paru la plus avantageuse & la plus commode pour le service. Elle a en-dedans neuf pieds & demi de largeur, dont trois & demi sont occupés par une tannée dans le fond de la serre. Quatre le sont par une autre tannée sur le devant. Ces deux tannées sont séparées par un sentier large de deux pieds ; l’inclinaison du vitrage est de trente degrés (elle n’est que de dix-huit ou vingt dans beaucoup de serres basses de châssis). Un châssis pratiqué dans le mur du midi, comme un supplément ou une extension de cette serre, reçoit du tuyau la même chaleur que la tannée de devant. Cette serre ayant trente-six pieds de longueur, le tuyau de chaleur en parcourt trois côtés. Si elle n’avoit que vingt-cinq pieds, on pourroit la replier sur l’autre côté de la tannée du devant, & ensuite dans le mur du nord, pour ne rien perdre de la chaleur qu’il peut donner. Ces trois tannées de la serre & du châssis, pouvant avoir chacune un diffèrent degré de chaleur, sont convenables aux ananas des trois âges.

Serre sans tannée.

Dans une serre occupée par les plantes de la zone torride, la chaleur doit s’élever au-dessus de 0 de quinze degrés au moins jusqu’à trente-trois degrés au plus. Mais une serre, destinée uniquement pour les plantes des climats compris entre le vingt-troisième & le trente-sixième degré de latitude, n’a pas besoin d’une aussi grande chaleur. De douze à vingt degrés sont suffisans pour entretenir la végétation de ces plantes, & de celles des pays moins chauds situés entre le vingt-sixième & le quarante-troisième degré, qui fleurissent à la fin de l’automne ou pendant l’hiver. (Les autres plantes de ces derniers pays n’ont besoin que de l’orangerie.)

On ne fait point de couche ou tannée dans cette serre, mais seulement un tuyau de chaleur (& un d’air, si l’on veut) qui en parcourt trois côtés, soit sous le pavé, & le moins enfoncé au-dessous qu’il est possible, soit dans les murs. Cette dernière disposition est la plus avantageais, 1°. parce que le tuyau donne plus de chaleur ; 2°. parce qu’étant moins horizontal, il attire mieux la fumée du fourneau ; 3°. parce que pouvant n’être éloigné du parement extérieur du mur du midi que de quatre pouces, il échauffe mieux un châssis, si l’on en veut appliquer un contre ce mur, que ne feroit le tuyau d’une serre à tannée, qui en seroit éloigné de deux pieds au moins. Si la serre n’avoit que vingt ou vingt-cinq pieds de longueur, on pourroit replier le tuyau dans le mur du nord, pour profiter de toute la chaleur.

Cette serre peut avoir plus de largeur, plus de toit, & par conséquent moins de vitrage incliné qu’une serre pour les plantes de la zone torride ; parce que la plupart des plantes en sont transportées en plein air avant que le soleil soit élevé à vingt-six degrés.

Dans une partie de la serre, on dispose des planches en gradin incliné à environ quarante-cinq degrés, sur lequel on place les plantes basses qui végètent pendant l’hiver. Les plus hautes se rangent dans l’autre partie de la serre graduellement suivant la hauteur ; les moins hautes sur le devant. Celles qui sont dans l’inaction pendant l’hiver, se placent sous le gradin & sur des tablettes attachées contre le mur du nord. On donne aux tablettes du gradin un pied de largeur, pour y placer deux rangs de pots de six pouces, ou un rang de grands pots, & quelques petits dans le vide que les grands laissent sur le bord des tablettes.

Mais si les plantes ne sont point assez nombreuses pour que la place sous le gradin leur soit nécessaire, on peut lambrisser le dessous du gradin & en fermer les extrémités par des cloisons ; alors le tuyau de chaleur ne s’étendra dans le mur du nord, que jusqu’à la cloison du gradin, & pourra se replier. Ce retranchement diminuant beaucoup le volume d’air de la serre, elle sera plus facile à échauffer, & il pourra servir à ramasser les graines & les outils ; ou, s’il n’y a qu’une serre pour les plantes de la zone torride, jointe a celle-ci, il pourra contenir le lit d’un jardinier qui sera à portée de veiller sur les fourneaux des deux serres pendant les nuits d’hiver. Il ne faut pas cependant trop resserrer l’espace compris entre le gradin & le vitrage ; car si la masse d’air est d’autant plus facile à réchauffer, qu’elle est plus étroite, aussi est-elle d’autant plus facile à être pénétrée par la gelée.

Si au bas du vitrage on construit un châssis, dans lequel on ne veuille faire la couche que du fumier, au lieu de fermer d’un mur le devant de ce châssis, on peut y faire de petits pilliers de bois, de pierre de taille ou de maçonnerie, distans de cinq ou six pieds l’un de l’autre, & mettre en dedans quelques planches minces au-dessus du fumier, pour retenir le terrain. Par ce moyen, on appliquera des réchauds contre la couche (consultez ce mot) lorsqu’ils seront nécessaires.

Du reste, cette serre ne se trouve point chez l’amateur modéré dans sa passion pour les plantes étrangères. Il place les plantes de la zone torride dans la tannée & dans la partie la plus chaude de sa serre, & les autres dans la partie la moins chaude, ou bien il divise sa serre par une cloison vitrée en deux parties, échauffées par les mêmes fourneaux, dont l’un a une tannée & l’autre n’en a point.

Les triples serres, communiquant l’une avec l’autre, dans lesquelles l’admiration est suspendue entre la grandeur & la décoration du bâtiment & les nombreuses collections de plantes de tous les climats, depuis la ligne jusqu’au quarante-troisième degré de latitude, ne conviennent qu’aux princes & aux amateurs opulens.


De la rentrée des Plantes.

L’objet des serres chaudes étant de suppléer par une chaleur artificielle, au défaut de chaleur naturelle de notre atmosphère, & de préserver de ses intempéries les plantes des pays plus chauds, on doit y transporter les plantes aussi-tôt qu’elles ne trouvent plus dans notre climat, pendant les nuits, un degré de chaleur ou de température égal à celui dont elles jouissent dans le leur pendant les nuits les moins chaudes. Les laisser en plein air au-de la de ce terme, pour les accoutumer & les endurcir au froid ; c’est, par un traitement absurde, prétendre les fortifier en altérant leurs forces, & les rendre saines & vigoureuses par la longueur & l’informité.

Nos serres chaudes renferment les plantes, 1°. de la zone torride ou des climats compris entre les deux tropiques. De ces plantes, les unes ne peuvent supporter le plein air de notre climat, pendant les nuits même les plus chaudes de nos étés ordinaires, (climat de Paris) : on les tient constamment dans la serre. Les autres moins délicates peuvent respirer le grand air, & recevoir les rosées dans une exposition chaude & bien abritée, pendant environ deux mois & demi, jusqu’au temps où le thermomètre ne monte plus pendant la nuit qu’à quinze degrés au-dessus de zéro, c’est-à-dire, au plus bas degré de chaleur de leur patrie ; ce qui arrive, année commune, dans le climat de Paris, au commencement de septembre : on pourroit différer jusqu’aux nuits de treize degrés, qui ne sont pas nuisibles à ces plantes. Mais, sous un ciel aussi inconstant que le nôtre, dont la température varie quelquefois de plusieurs degrés dans un très-court espace de temps, il est plus prudent de prévenir que d’attendre le terme extrême. Quelques jours de plus de liberté importent peu au bien de ces plantes condamnées, chaque année, à près de dix mois de prison, & ils peuvent leur devenir pernicieux.

2°. Des plantes originaires des pays situés entre les tropiques & le trente-sixième degré de latitude. La moindre chaleur de ces climats étant de dix degrés, elles doivent être remises dans la serre, lorsque le thermomètre ne monte plus au-dessus de ce degré pendant les nuits ; ce qui arrive ordinairement vers la mi-septembre ; mais il est prudent de prévenir cette époque pour les plantes originaires des contrées les plus voisines des tropiques, & de les mettre à couvert dès que le thermomètre descend à 12. degrés au-dessus de zéro.

3°. Quelques plantes des climats compris entre le trente-sixième & le quarante-troisième degré de latitude, qui peuvent bien passer l’hiver dans l’orangerie, mais qui ont besoin de plus de dix degrés de chaleur pour fleurir en automne ou en hiver. On doit les transporter dans la serre, & en même temps que les précédentes.

Je ne donne point pour terme les jours du calendrier ; mais les degrés de chaleur marqués par le thermomètre, parce que rarement nos saisons ont la même température plusieurs années consécutives. Dans quelques années, les plantes les plus délicates pourroient demeurer en plein air au-delà du 15 septembre, dans d’autres, elles y sont en danger avant le premier du même mois.

Avant de transporter les plantes dans la terre, il faut en détacher toutes les feuilles mortes ou jaunes, & les nettoyer de toute poussière & ordure ; détruire les insectes qui ne conserveroient pas seulement leur vie dans la serre, mais qui s’y multiplieroient ; donner un binage à la terre des pots, en ajouter de nouvelle, s’il est nécessaire, & mouiller ceux qui en ont besoin. On choisir, pour les faire rentrer, un beau jour de temps sec, & les heures ou il n’y a ni rosée ni humidité sur les feuilles.


Plantes dans la Serre.

1°. Les plantes étant placées dans la serre, les plus délicates dans la tannée & dans le fond de la serre, où la chaleur est plus grande ; & les moins tendres sur le devant de la serre & des vitrages, & disposées suivant leur hauteur, de façon qu’elles ne se dérobent point la lumière les unes aux autres ; on leur donne de l’air tous les jours pendant les heures où le thermomètre, placé à l’ombre, marque quinze degrés ou davantage (douze degrés pour une serre qui ne contiendroit que des plantes nées en-deçà des tropiques) ; mais pendant la nuit on ne donne aucune entrée à l’air, parce qu’il est de quatre ou cinq degrés plus froid que pendant le jour.

2°. Vers la fin de septembre on renouvelle la couche de tan de la serre chaude, de la façon expliquée ci-devant. Pendant qu’elle jette son grand feu (on n’y plonge pas alors les pots, on les place seulement dessus) ; on ouvre quelques panneaux durant le jour, pour dissiper les vapeurs humides qu’elle répand dans la serre. Lorsque le thermomètre enfoncé dans le tan, ou le contact de la main du jardinier, fait juger que sa chaleur n’a plus que le degré convenable de trente à trente-cinq degrés[5], on y plonge les pots, & pendant quelques jours on est attentif aux retours de grande chaleur qui arrivent quelquefois, & dans lesquels il faut soulever les pots & les retirer entièrement. Ordinairement la chaleur de cette tannée échauffe suffisamment l’aire de la serre jusqu’en novembre.

3°. Enfin, lorsque le thermomètre placé en-dedans de la serre, ne monte pendant la nuit qu’à quatorze ou quinze degrés, & que le thermomètre placé en-dehors, ne monte qu’a un ou deux degrés au-dessus de zéro, on commence à allumer du feu pendant la nuit, & à mesure que la température de la saison devient plus froide, on augmente le feu & sa durée. Dans les serres qui ont deux fourneaux, on les allume alternativement, ou les deux en même temps, suivant le degré de froid. S’il descend à dix degrés ou plus au dessous de la congélation, on entretient le feu nuit & jour, soit que le soleil paroisse, soit que le temps soit couvert, de sorte que les fourneaux & les tuyaux ne refroidirent point, & qu’on puisse promptement augmenter la chaleur, lorsque, vers la nuit, le froid augmente. Il faut dégarnir de bois les fourneaux vers minuit, ou même après ; & vers les six heures du matin, afin que, pendant les heures du grand froid, (un peu après le lever du soleil) il donne une grande chaleur. Avec la tourbe, le service des fourneaux est beaucoup moins fréquent & moins gênant. Dans les dégels & dans les temps humides, quelque doux qu’ils soient, le feu est nécessaire pour dissiper l’humidité de la serre, & d’empêcher l’air d’y pénétrer.

4°. Pendant les nuits rigoureuses, les neiges, les temps de brouillards froids, on couvre les vitrages avec de grosses toiles, ou de la toile cirée, ou des paillassons, tant pour conserver la chaleur de la serre, que pour préserver les vitrages d’être brisés par le poids de la neige ; mais ont les découvre pendant le jour, aussitôt que la neige ou l’obscurité du ciel cesse, afin de rendre aux plantes la lumière dont elles ne peuvent, sans préjudice, souffrir une longue privation. De la lumière, je le répète, un air sans humidité, & au moins 15 degrés de chaleur aux plantes de la zone torride, au moins 12 dans les serres sans tannée, pour les plantes en-deçà des tropiques ; ce sont les trois points importans pour les conserver dans la serre, & les faire prospérer.

5o . Pendant ces mêmes temps, on n’ouvre aucun vitrage de la serre pour y renouveler l’air : souvent il ne s’y en introduit pas trop par les portes qu’on est obligé d’ouvrir pour soigner les plantes. Mais il est nécessaire de soulever de temps en temps quelques panneaux des serres basse, pour faire évaporer l’humidité & rendre le ressort à l’air trop étouffé. On profite pour cela des heures les moins froides du jour, d’un temps calme & d’un beau soleil.

6o . Si la chaleur de la couche tombe tellement que celle du feu ne puisse la soutenir au degré nécessaire, il faut remuer jusqu’au fond & remanier le tan ; & s’il est trop consommé pour répandre une bonne chaleur, en ajouter, & bien mêler un tiers ou un quart de neuf.

7o . Dans l’endroit le plus chaud & le plus voisin du fourneau, il doit y avoir, comme il a déjà été dit, un vaisseau de capacité suffisante, rempli d’eau de bonne qualité qui, par son séjour dans la serre, en acquiert à-peu-près la température. Cette eau sert à arroser les plantes avec beaucoup de ménagement. Il ne faut leur en donner que dans le besoin, sur-tout pendant les temps rigoureux, où on ne peut donner de l’air a la serre & en dissiper l’humidité. Les plantes grasses, les plantes laiteuses, & celles qui sont dans leur repos, veulent être très-peu & très-rarement mouillées. Celles qui sont plongées dans la tannée, recevant de la couche quelque humidité par les trous des pots, ont moins besoin d’être arrosées que celles qui sont placées sur le pavé de la serre ou sur des tablettes. Pendant l’hiver, on ne crible point l’eau sur les plantes, on la verse seulement sur la terre des pots par le goulot de l’arrosoir, auquel on ajoute un tuyau de longueur convenable pour la porter sur les pots plus éloignés. Si cependant quelques plantes trop couvertes de poussière ou d’ordures des insectes, avoient besoin d’être mouillées en pluie, on mettroit le pot sur un grand plateau, afin de ne pas répandre d’eau dans la serre qui en augmenteroit l’humidité toujours trop grande. Mais il est préférable de laver les feuilles des plantes avec une éponge fine, remplie d’eau tiède dans la serre.

8o . Lorsque le soleil, vers l’équinoxe du printems, commence à communiquer à l’air 14 ou 15 degrés de chaleur, on ouvre, pendant le milieu du jour, quelques panneaux, afin de ranimer les plantes affoiblies dans un air étouffé & sans ressort.

Les autres soins nécessaires aux plantes pendant leur séjour dans la serre, consistent à les nettoyer de houillère, détacher les feuilles mortes, jaunes & moisies ; faire la guerre aux insectes, purger la serre de toute mal-propreté & de tout ce qui pourroit occasionner de l’humidité, & corrompre & altérer l’air.


Sortie des Plantes.

Faire passer brusquement un convalescent de l’air doux de sa chambre à un air vif, & d’un régime très-modéré à une vie abondante, ce seroit l’exposer au danger. Y auroit-il plus de prudence à mettre tout-à-coup en plein air des plantes qui n’en ont pas joui pendant neuf mois ; & de leur donner des pluies abondantes & les rosées du ciel, lorsqu’à peine, elles sont revenues de la langueur qu’elles ont contractée dans une longue prison où elles n’ont pu conserver leur vie que par les soins assidus d’un jardinier attentif à leur doser la quantité d’eau, d’air & de chaleur, convenables au tempérament & à l’état de chacune ?

Depuis que la saison commence à s’adoucir jusque vers la mi-mai, on ouvre, chaque beau jour, suivant les indications du thermomètre, plus ou moins de panneaux, & plus ou moins long-temps. Lorsque la chaleur du jour monte à quinze degrés (celle de la nuit n’est encore qu’à dix ou à onze), on ouvre presque du matin au soir les portes & les panneaux ; mais on les ferme pendant la nuit. Lorsque la température des nuits devient de quinze degrés, on retire de la tannée les plantes qui ont eu besoin d’y être tenues pendant la saison rigoureuse, & on n’y laisse que celles qui doivent y demeurer constamment. On approche sur le devant de la serre les plantes successivement, suivant le degré de la délicatesse, ou bien on transporte les moins tendres dans l’orangerie.

Enfin, lorsque le thermomètre en plein air ne descend plus pendant les nuits au-dessous de quinze degrés (vers la mi-juin, climat de Paris) on tire de la serre les plantes de la zone torride. Celles en-deçà des tropiques ont pu en sortir environ un mois plus tôt, lorsque le thermomètre a marqué pendant les nuits douze degrés. Un temps couvert & une petite pluie douce sont très-favorables pour ce transport. Mais si le ciel est pur & le soleil net, il faut placer les plantes à l’ombre, ou leur en procurer par des abris ; quelques jours après on leur donne une mi-ombre ; & enfin on les fait jouir du soleil pendant tout le jour. Si elles y étoient d’abord exposées, les pousses foibles, effilées & étiolées, qu’elles ont faites dans la serre, seroient brûlées par les rayons ; & en les y exposant peu-à-peu, & avec ménagement, elles ne sont point endommagées. L’exposition la plus chaude, & la mieux défendue du nord & de l’est, leur convient le plus. Il faut ranger ensemble les plantes grasses, & celles qui craignent les pluies abondantes & continues, afin de pouvoir facilement les en défendre avec des toiles ou d’autres couvertures, sur-tout vers le temps où elles rentrent dans la serre… Quant aux plantes tendres qui ne sortent point de la serre, il faut les nettoyer soigneusement de poussière & d’insectes, leur donner autant d’air qu’il est possible ; dans les heures de la grande chaleur, étendre un canevas sur le vitrage, s’il est fort voisin des plantes, pour les préserver de l’ardeur du soleil & du dessèchement qui obligeroit de mouiller très-souvent, les changer de pots en juillet & en août.


Transplantation et autres façons

Lorsque les plantes sont devenues trop grandes pour leurs pots, ou lorsqu’elles en ont effrité la terre, il est nécessaire de leur donner de nouvelle terre & d’autres pots. Ce changement se fait une ou plusieurs fois par an, suivant leurs besoins & leurs progrès. Les pots dans lesquels on les transplante, ne doivent pas avoir beaucoup plus de capacité que ceux dont on les retire. Un pouce ou un pouce & demi de diamètre de plus est très-suffisant pour les plantes dont la croissance n’est plus extraordinaire. En général les plantes des pays chauds doivent être plutôt un peu a l’étroit que trop à l’aise dans leurs pots. Créées pour des climats où leurs racines trouvent beaucoup de chaleur & peu d’humidité dans la terre, on ne pourroit leur procurer ces deux avantages si elles étoient plantées dans une grande masse de terre difficile à pénétrer par la chaleur de la couche, & retenant l’humidité tant des vapeurs de la tannée que des arrosemens ; & si leurs racines étoient fort éloignées des parois des pots qui, étant une matière compacte, contractent beaucoup plus de chaleur que la terre qu’ils contiennent, & ne s’imbibent presque d’aucune humidité. Ces parois des pots sont, par leur chaleur, si favorables aux racines, que si quelques-unes atteignent pendant l’été, en peu de temps elles les tapissent comme un épais chevelu.

Si les plantes que l’on repote ont formé ce filigrane autour du pot, on les retranche entièrement avec une bonne partis de la motte ; mais si ce sont des plantes grasses ou laiteuses, ou celles qui ne veulent souffrir ni pluies, ni ruptures, ni offenses à leurs racines, il faut jeter un peu de terre dans le nouveau pot, y placer la motte très-entière, garnir le vide de nouvelle terre, & donner un arrosement plus ou moins abondant, suivant la nature des plantes. On couvre la terre des pots à la hauteur d’un demi-pouce, ou avec du vieux tan, ou avec du terreau fin, pour que les pluies & les arrosemens ne la plombent & ne la durcissent pas.

Pour rempoter les plantes qui végètent toute l’année sans interruption, & celles qui doivent être transplantées avec la motte entière, on consulte plutôt le besoin que la saison. Celles dont la végétation n’est pas continue, se dépotent pendant tout le temps de leur repos ; ainsi on en transplante dans toutes les saisons, mais le plus grand nombre vers le commencement du printemps. Il est bon de remplir de terre & de plonger, pendant quelques jours, dans une couche chaude, les pots destinés pour les plantes très-délicates, afin que les racines n’éprouvent point d’interruption de chaleur.

Les plantes rempotées avec la motte entière, ne demandent pas des soins & des traitemens particuliers après cette opération. Mais celles qui sont transplantées à racines nues ou à racines & mottes taillées, doivent aussitôt être placées dans une couche, & défendues du soleil jusqu’à ce qu’elles donnent des marques de leur reprise. Il faut tailler les plantes & les arbrisseaux qui en ont besoin, lorsqu’ils sont dans leur repos, ou si leur végétation est continue, après qu’ils ont donné leurs fleurs & leurs semences. Les tailler dans le temps de leur grande végétation, ce seroit exposer leurs productions à avorter, & eux-mêmes à souffrir, & peut-être à périr.


Propagation des Plantes.

Les plantes exotiques, comme les indigènes, se multiplient par semences, marcottes, boutures & drageons. (Consultez ces mots) Il ne s’agira ici que des semences.

La plupart des semences des plantes de la zone torride, & un grand nombre de celles d’un pays moins chaud, ne pouvant perfectionner leur maturité dans nos serres, il est nécessaire d’en faire venir de leur patrie. Étant recueillies dans leur parfaite maturité, laissées dans leurs capsules, & non dans une pulpe[6] ou un mucilage, embarquées avec les précautions connues (la meilleure est de les mettre dans des boîtes remplies de terre, pour les préserver, pendant la traversée, des insectes, du dessèchement & du contact de l’air salé) ; enfin, arrivées en bon état, on les sème aussi-tôt dans des terrines ou des pots remplis de terre légère, de médiocre qualité plutôt que grasse. On sème séparément, chacune dans un petit pot, les grosses graines & celles des plantes difficiles à transplanter, même en motte, parce que leurs racines craignent d’être offensées & même d’être découvertes.

Si l’on sème depuis la fin du printemps jusqu’au mois de février suivant, on place les pots ou terrines dans un endroit de la serre où les graines ne puissent pas éprouver une chaleur & une humidité suffisantes pour les faire germer, ni assez de froid ou de sécheresse pour altérer leur germe ; car les plantes annuelles dont les graines ne leveroient qu’après le printems, n’auroient pas, dans le reste de nos jours chauds, le temps de faire leurs production ; utiles ou agréables ; & les tiges des plantes vivaces ne pourroient pas acquérir assez de force ou de solidité pour résister facilement aux rigueurs de notre hiver, dont la meilleure serre ne peut pas entièrement préserver les plantes délicates.

Mais aussitôt que le mois de mars (vers le 10 ou 12, suivant le climat) adoucit la température des nuits, les graines antérieurement semées, & celles qu’on a pu jusqu’alors différer de semer, doivent être plongées dans une couche chaude de tan, mieux que de fumier, & entretenues dans une humidité suffisante pour les faire germer. Lorsqu’elles sont levées, on donne au plant autant d’air qu’il est possible, afin de les fortifier & de les préserver de l’étiolement. Si les graines ont été semées séparément, & qu’il n’y ait qu’un seul pied dans chaque pot, on lui continue les soins convenables à son espèce. S’il y a plusieurs pieds dans chaque pot, aussi-tôt qu’ils auront acquis un pouce & demi ou deux pouces de hauteur, & avant que leurs racines se soient beaucoup étendues, on les sépare en motte, sans endommager les racines, ni même les découvrir, si les plantes sont grasses ou laiteuses, & on les plante chacun dans un petit pot qu’on enfonce dans la couche, & on les défend du grand soleil jusqu’à ce qu’ils recommencent à pousser & à profiter ; mais si, après six semaines ou deux mois, les graines ne lèvent point, on les visite, les découvrant avec précaution & sans les déranger ; & si on ne les trouve ni germées, ni renflées & disposées à germer, on retire les pots de la couche & on les place dans un endroit tempéré de la serre, & on les remettra dans une couche chaude au printems suivant.

Nota. 1°. Des plantes exotiques comme indigènes, il y a des graines qui, étant semées aussitôt qu’elles sont mûres, germent sur-le-champ ou au premier renouvellement de la saison ; mais si l’on diffère de les mettre en terre, elles ne germent qu’au second & quelquefois au troisième printems. La sécheresse dans laquelle on les a tenues, semble avoir engourdi & rendu inertes leurs facultés germinatives ; & il faut beaucoup de temps pour les ranimer & les mettre en action, si toutefois elles ne les ont pas perdue, comme il arrive à celles qui ont été conservées trop sèchement hors de leurs capsules, ou entièrement privées d’air, ou trop exposés à l’air salé ; c’est pourquoi j’ai observé que le plus sûr moyen de transporter les graines étrangères en bon état, est de les mettre dans des caisses, remplies de terre, dans laquelle elles sont défendues de la trop grande action de l’air, préservées de l’extrême sécheresse & d’une assez grande humidité pour les faire pourrir aux approches de nos climats tempérés.

Nota. 2°. La germination des semences est opérée par le contact de l’air, de la chaleur & de l’humidité. Si un très-petit nombre de graines germent dans le vide, toutes les autres ont besoin de plus ou moins d’air. Renfermées pendant un certain temps dans des bouteilles de verre bien bouchées, elles y perdent entièrement la faculté de germer. Enterrées à une grande profondeur (trois pieds ou davantage), elles conservent cette vertu comme suspendue pendant un fort grand nombre d’années, & aussi-tôt qu’en les rapprochant de la surface de la terre, on les soumet à l’action de l’air, elles se réveillent, & leur germe reçoit en mouvement & se développe. Les graines privées, d’humidité deviennent incapables de germination, les unes six mois après leur maturité, d’autres un an, d’autres deux, d’autres trois, & un petit nombre au-delà de ce terme. Enfin toutes les semences, pour être mises en activité, ont besoin de chaleur plus ou moins grande, suivant la saison & le climat pour lesquels les plantes ont été créées & destinées. Les graines de la plupart de nos plantes indigènes entrent en mouvement aussitôt que les premiers degrés de chaleur raniment la nature ; quelques-unes attendent une température plus douce ; mais on sémeroit inutilement dans nos potagers, au commencement du printems, des cardons & des haricots.

Non-seulement ces trois agens doivent concourir à la germination des semences ; non-seulement ils doivent y concourir dans un certain degré, mais leur concours doit être constant & soutenu dans ce degré. Si des graines, dont les radicales sont déjà étendues, dont les plantules même ont commencé à se développer, manquent d’humidité, elles dessèchent & pétillent. Si la chaleur n’est pas entretenue à un degré nécessaire, leur végétation s’arrête, & si cette interruption de chaleur est longue, elles pourrissent au lieu de lever : si des graines sont trop enterrées ou couvertes de matières qui les privent d’air, elles demeurent sans action.

Si donc on veut semer avec succès les graines des plantes exotiques les plus délicates, il faut remplir des pots de terre légère, y placer des graines à une profondeur proportionnée à leur grosseur, donner une mouillure suffisante pour bien humecter la terre, couvrir le pot de deux pouces d’épaisseur de gros tan ou de mousse, plonger les pots jusqu’au bord dans le milieu d’une couche neuve de tan sous un châssis, 1o. Cette couche conservera une bonne chaleur plus de temps qu’il n’en faut aux graines pour germer. 2o. Étant faite avec beaucoup plus de fumier qu’on n’en emploie pour la tannée d’une serre, elle jette bien plus de vapeurs humides qui, pénétrant par les trous des pots contribuent à entretenir l’humidité de la serre. 3o. L’air étant renouvelle plus fréquemment à cause de l’humidité de ces vapeurs, il a plus de ressort que celui d’une serre. 4o. Les parties du tan ou de la mousse n’étant pas fort rapprochées, n’empêchent point l’action de l’air, mais empêchent l’évaporation de l’humidité de la terre, & dispensent de donner de grands & fréquens arrosemens, qui, quoique d’eau tiède, retarderoient le travail des graines, & pourroient leur devenir nuisibles. Vers le temps où l’on peut croire que les semences sont germées, on soulève le tan ou la mousse[7], & si quelques plantules commencent à sortir de terre, on retire ces couvertures ; pendant quelques jours on défend du soleil le plant naissant, & on lui donne de l’air & de l’eau.

On peut lire dans le dictionnaire de Miller[8] un fait qui appuie ce que je viens d’observer. Ce savant cultivateur ayant épuisé toutes les ressources de son habileté & de son expérience pour faire germer des noix de cacao, il retira, du milieu d’une couche neuve, deux des plus grands pots, sema les noix sur le côté dans le fond des trous, les couvrit d’environ deux pouces de tan, & remit les deux pots dessus. Six semaines après ayant visité ces noix, il trouva les racines alongées de plus de deux pouces, & les plantules d’environ un pouce ; il les enleva avec précaution, & leur donna les soins nécessaires. Le même procédé fut suivi du même succès pour d’autres semences à noyaux durs qui avoient été rebelles au traitement suivi pour les faire germer.


Terres composées.[sc

On a dit, il y a long-temps, le même terrain ne convient pas à toutes sortes de plantes ; cependant chaque espèce de plante n’exige pas une qualité particulière de terre. Le plus grand nombre réussit très-bien dans une vraie terre franche, dont les parties sableuses & argileuses sont combinées dans une proportion qui la rend douce, fertile & perméable à l’eau. Quelques-unes demandent une terre forte, d’autres une terre légère & presque sans corps ; d’autres une terre grasse & très-substantielle ; d’autres une terre maigre, D’autres une terre sèche, d’autres une terre humide, d’autres des plâtras & de vieux mortiers pilés, &c. Un jardinier doit donc avoir des terres de diverses consistances & de diverses qualités, afin de fournir à chaque plante celle qui lui convient.

Une terre ne peut recevoir de consistance durable & persistante, que d’une autre terre ou matière terreuse : ainsi le sable ameublira une terre compacte, l’argile donnera du corps à une terre trop meuble. Les matières propres à faire la base des terres composées & à leur donner de la consistance, sont l’argille, la marne, le sable de terre & le sable de mer.

L’argile de diverses couleurs, jaune, blanche, bleue, &c., & qui se trouve très-communément dans la terre à diverses profondeurs (consultez le mot Argile), a une ténacité qui la rend inepte & même nuisible à la végétation ; mais si, par des labours multipliés, elle est atténuée & réduite en molécules fines, ou si mieux, des sables interposés divisent ses parties & en diminuent l’adhérence, elle devient la plus propre des terres pour la végétation.

La marne (consultez ce mot), si elle délite facilement, convient aux terres fortes ; si la marne est argileuse, aux terres légères.

Le sable de mer est le meilleur de tous pour donner aux terres compactes la mobilité & la fertilité.

Les engrais de diverses matières contenant beaucoup de substances nutritives, donnent de la qualité à une terre ; mais ces ingrédiens ne changent que passagèrement sa consistance. Aussitôt qu’ils sont dissipés, elle reprend sa nature. (Consulter l’article Engrais.)

Il faut donc donner à la terre que l’on veut composer, la consistance convenable par le mélange d’autres terres ou de matières longtemps subsistantes ; ensuite les améliorer avec quelques-uns des ingrédiens qui y sont propres. Toutes les matières étant d’abord mises & entassées par lits, on les mêle & on les passe comme il vient d’être dit. Après chaque façon, on les rétablit en tas qu’on couvre de gazons retournés ou de grandes pailles, &c., pour empêcher le hale & le soleil de les dessécher & d’en enlever les sels, & les grandes pluies, de les pénétrer, de les laver & d’en précipiter les sels.

Les jardiniers instruits savent, 1°. qu’il ne faut jamais employer les terres mouillées ou gelées. Avant l’hiver on transporte sous un hangard ou autre bâtiment couvert, mais non clos, la quantité de terre dont on prévoit avoir besoin avant le printemps ; 2°. qu’il est nécessaire de biner souvent la superficie des pots, pour empêcher la terre de se durcir & de produire de la mousse. Il vaudroit encore mieux en substituer de nouvelle.


  1. Note du Rédacteur. Il convient de tirer parti en grand de l’exemple cité par l’auteur qui écrit à Paris ; il est clair que plus l’exposition est abritée, que plus elle approche géographiquement de nos provinces du midi, & moins les serres chaudes deviennent nécessaires jusqu’à un certain point. Par exemple, dans les serres chaudes du Jardin du Roi de Montpellier, on peut compter beaucoup d’hivers où les fourneaux ne sont pas allumés, & on peut ajouter que presque toutes les plantes des pays les plus chauds, passent l’été hors de la serre. Ainsi, en partant de ces extrêmes pour la France, c’est-à-dire, du climat de Montpellier avec celui de Paris ou de Lille en Flandre, plus septentrional, il est important d’observer un grand nombre de modifications pour le séjour des plantes dans la serre, & il n’est pas possible de l’indiquer. Un exemple va le prouver. Dans la province de Bilbao en Espagne, il y fait trop froid pour que le raisin y mûrisse, tandis qu’à Nice, à Gênes, &c. plus septentrionaux de près de trois degrés, l’oranger est cultivé en pleine terre. Dans le Baillage de l’Aigle, au pays de Vaux en Suisse, L’amandier, le grenadier, la vigne y bravent les hivers, tandis que le sommet de la montagne qui couvre ce pays est à la température du climat de Suéde. Il faut donc plus étudier les abris que les rapprochemens du midi. Les bassins des rivières ont formé des abris ; le grand point est de bien connoître sa position, & calculer après elle l’intensité de chaleur du pays, & par conséquent le temps que les plantes peuvent rester hors de la serre. Encore un exemple. Il est rare qu’aux premiers jours de Novembre, on ne ressente pas en Languedoc, au bord de la mer, des nuits froides, & souvent accompagnées d’un peu de glace, tandis que (pour l’ordinaire) la chaleur s’y soutient pendant tout le reste de ce mois à 8 ou 10 degrés. Il est donc à propos de bien étudier les effets des localités. En général les plantes de serres chaudes craignent plus l’humidité qui les y fait pourrir, que le froid. L’exemple cité de la Bretagne ne doit pas, absolument parlant, servir d’analogie pour le climat de Paris. Cette province forme un cap très-prolongé dans la mer, & semble même faire un climat à part, soit par la position, soit par la chaîne des montagnes qui la traverse. £n effet, on trouve dans la partie méridionale de la Bretagne, un grand nombre de plantes indigènes aux provinces de Languedoc & de Provence. L’arbousier en est la preuve. &c.
  2. Ce que dit l’auteur est très-vrai pour Paris & pour les provinces orientales de France, parce que le vent d’est venant des Alpes, & s’y saturant de froid, le voiture avec lui. Il n’en est pas ainsi dans beaucoup d’autres provinces où le vent du nord ou de l’ouest est le plus glacial. Cette différence dans l’influence des vents confirme ce qui a été dit dans la note précédente. Il faut donc étudier le climat que l’on habite, en connoître les effets des vents d’après leur influence habituelle, avant de prendre aucun parti sur la manière d’orienter les serres. L’expérience a démontré que dans plusieurs provinces, la serre qui commence à recevoir les premiers rayons du soleil vers les neuf heures du matin, est préférable à toute autre. On ne doit pas uniquement considérer une serre relativement au degré de chaleur qu’elle reçoit du soleil ; c’est un point important, il est vrai, mais il n’est pas unique. Celui de la lumière l’est pour le moins autant. Sans elle toute végétation languit, quoique la chaleur ne manque pas. C’est la lumière qui colore les plantes, & les plantes peu coloriées sont d’une foible complexion.
  3. Ces diverses dimensions prises sur des fourneaux de serres existantes, sont toutes défectueuses par trop de hauteur.
  4. J’ai vu pratiquer, dit l’Abbé Nolin, & j’ai fait faire de pareils tuyaux d’air à des cheminées qui fumoient à cause de leur immense construction & de leur mauvaise position. Ils ont corrigé le défaut des cheminées, & les ont rendues fort économiques, parce qu’ils répandent beaucoup de chaleur dans les appartemens, on les replie plusieurs fois sous le foyer, & même si l’on veut derrière la plaque. Dans le foyer, ils ne sont couverts que de grands carreaux minces, ou mieux d’une plaque de fer fondu ou battu. On fait l’issue du tuyau à l’endroit de l’appartement que l’on juge à propos. On peut aussi mettre en dehors du jambage de la cheminée un diaphragme, par le moyen duquel on, introduit l’air frais dans l’appartement, & on lui ferme l’entrée sous le foyer.
  5. Ce degré de chaleur ne convient qu’aux plantes qui en exigent le plus, & aux plantes délicates qui font leurs productions pendant l’hiver. Il pourroit être nuisible aux autres, soit en brûlant ou altérant leurs racines, soit en mettant leur sève en action avant le temps. Il faut moins chercher à exciter la végétation qu’à conserver la vie des plantes qui donnent leurs fleurs ou leurs fruits dans d’autres saisons que l’hiver ; car si on les force, leurs pousses foibles & étiolées périront & feront grand tort aux plantes qu’elles auront fatigués. Ce n’est que vers l’équinoxe du printems qu’il faut les faire travailler, parce qu’alors on commence à donner de l’air à la serre, & que bientôt on pourra l’ouvrir presque tous les jours, & long-temps chaque-jour. & par conséquent fortifier les nouvelles pousses. Par les mêmes raisons, lorsque le feu devient nécessaire, il ne faut en faire d’abord qu’avec modération & précaution, & en régler successivement l’augmentation sur le besoin des plantes & la rigueur du temps.
  6. Si les graines sont envoyées dans du papier ou dans de petites boîtes, il faut qu’elles n’aient aucune humidité. Ainsi on laisse entièrement sécher les capsules qui sont charnues à leur base ; les bayes, la pulpe, la chair, le brou, &c. qui enveloppent les semences des fruits ; ou bien on en retire les semences, & on les laisse sécher à l’ombre avant de les renfermer ; ou bien, sans laisser sécher les semences, après les avoir retirées des fruits, on les enveloppa de mousse fraîche, non tassée & foulée. Mais si on les y envoye (beaucoup mieux) dans du sable ou de la terre sèche ou tout au plus fraîche, on peut les laisser dans leur pulpe, chair ou enveloppe charnue, dont l’humidité sera absorbée par le sable ou la terre.
  7. Il faut souvent soulever la mousse, pour détruire les cloportes & autres insectes qui se plaisent dessous, & qui dérangent les graines fines très-peu enterrées, ou seulement appliquées sur la surface de la terre. Cette mousse ne doit être ni foulée, ni pressée, ni trop épaisse.
  8. Tout amateur de la culture des plantes étrangères & de serre chaude, ne peut se dispenser de le procurer cet ouvrage, & de le consulter souvent. Rien n’a été encore publié de plus parfait en ce genre.